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10/03/1998 | FRANCE | N°97-80420

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mars 1998, 97-80420


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-William, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, 6ème chambre, en date du 22 novembre 1996, qui

a ordonné la révocation d'un sursis antérieur ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le p...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-William, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, 6ème chambre, en date du 22 novembre 1996, qui a ordonné la révocation d'un sursis antérieur ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 510, 512, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cour d'appel était composée lors des débats de M. Velly, président, et de MM. Gillet et Dessagne, conseillers, et lors du prononcé de l'arrêt, de M. Velly, président, et de Mmes Kapella et Lecointe, conseillers ;

"alors qu'aux termes de l'article 485, alinéa 4, du Code de procédure pénale, il est donné lecture de la décision par le président ou par l'un des juges qu'en outre, selon l'article 592 du même Code, sont déclarées nulles les décisions rendues par les juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences sur le fond;

qu'en l'espèce, il appert de l'arrêt attaqué que la composition de la cour d'appel était différente lors des débats et lors du prononcé de la décision, seul M. Velly ayant fait partie des deux formations;

que, cependant, l'arrêt ne constate ni que M. Velly a donné lecture de la décision en l'absence des autres magistrats ayant participé à son élaboration, ainsi que le permet l'article 485, alinéa 4, du Code de procédure pénale, ni que les débats ont été repris en présence de Mmes Y... et Z...;

que, dès lors, la Cour de Cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la composition de la cour d'appel" ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué suffisent à établir la régularité de la composition de la juridiction lors des débats et du délibéré ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 388, 551, 591, 593 et 744 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de saisine du tribunal correctionnel et de la citation à comparaître ;

"aux motifs que par jugement contradictoire en date du 13 juillet 1994, le tribunal correctionnel de Beauvais condamnait Jean-William X... à deux mois d'emprisonnement avec sursis et obligation d'effectuer 100 heures de travail d'intérêt général dans un délai de 18 mois;

qu'il s'agit de la seule condamnation figurant au casier judiciaire de l'intéressé;

que les obligations incombant au condamné lui étaient régulièrement notifiées par le juge de l'application des peines de Beauvais le 5 janvier 1995, le jugement ayant été assorti de l'exécution provisoire;

que le délai d'épreuve expirait le 13 janvier 1996;

que, par ordonnance en date du 9 janvier 1996, le juge de l'application des peines de Beauvais saisissait le tribunal correctionnel afin qu'il soit statué sur l'exécution en tout ou en partie de la peine prononcée le 13 juillet 1994, le condamné s'étant, selon le juge de l'application des peines, refusé à se soumettre à ses obligations, notamment en omettant à plusieurs reprises de se présenter devant l'agent de probation qui l'avait convoqué;

qu'il est constant que le dispositif de l'ordonnance du juge de l'application des peines comprend une erreur dans la mesure où il mentionne une peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis, avec obligation d'effectuer 140 heures de travail d'intérêt général;

qu'il est également constant que la citation saisissant le tribunal a repris cette erreur;

que, cependant, les motifs de l'ordonnance indiquent clairement qu'il s'agissait d'une peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis et obligation d'effectuer 100 heures de travail d'intérêt général;

que la double erreur n'a pas causé grief au prévenu et n'a pu causer de doute dans l'esprit de celui-ci sur les raisons de sa comparution devant le tribunal;

qu'en effet, la sanction litigieuse était la seule dont Jean-William X... avait fait l'objet, ce qui implique qu'il ne pouvait y avoir confusion dans son esprit avec une autre condamnation;

que, par ailleurs, Jean-William X... était bien présent lors de l'audience du 13 juillet 1994 et avait accepté d'effectuer une peine de travail d'intérêt général, ce qui implique qu'il savait pertinemment qu'il allait devoir effectuer cette peine sous le contrôle du juge de l'application des peines;

qu'il le savait d'autant mieux que ses obligations lui avaient été régulièrement notifiées le 5 janvier 1995;

qu'il ne pouvait donc y avoir confusion dans son esprit, le fait qu'il sache, selon son conseil, "à peine lire et écrire", étant indifférent à la question;

qu'étant ainsi convoqué devant le tribunal pour y répondre de violation de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, Jean-William X... ne pouvait se méprendre sur la portée et la signification de la citation qui mentionnait par ailleurs de manière exacte la juridiction ayant statué ainsi que la date à laquelle elle l'avait fait;

que l'erreur de la citation ne lui a donc pas fait grief, et ce d'autant plus que la condamnation susceptible d'être révoquée est plus faible que celle mentionnée;

que la Cour ne saurait non plus retenir l'argument selon lequel "la défense aurait été impossible à préparer dans des conditions normales, la complexité très relative du dossier n'étant certainement pas de nature à mettre en difficulté un conseil aussi avisé que le sien qui pouvait toujours solliciter un renvoi pour mieux préparer la défense de son client s'il estimait devoir le faire ;

"alors, d'une part, que tout prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;

qu'il résulte de ce principe que l'acte de saisine de la juridiction répressive doit être rédigé de façon que le prévenu puisse connaître exactement l'objet de la poursuite;

qu'en l'espèce, la juridiction correctionnelle avait été saisie aux fins de révocation d'un sursis antérieurement accordé à Jean-William X...;

qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que tant le dispositif de l'ordonnance de saisine du tribunal que la citation à comparaître visaient une condamnation à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et obligation d'effectuer 140 heures de travail d'intérêt général, qui aurait été précédemment prononcée à l'encontre du prévenu, alors qu'en réalité ce dernier avait été condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et obligation d'effectuer 100 heures de travail d'intérêt général ;

que si les motifs de l'ordonnance de saisine du tribunal se référaient à la condamnation réellement prononcée, la discordance entre les motifs de l'ordonnance, d'une part, le dispositif de ladite ordonnance et la citation, d'autre part, ne permettaient pas au prévenu de déterminer la peine dont la mise à exécution était requise et de connaître ainsi avec certitude l'enjeu de la procédure engagée à son encontre;

qu'il ne pouvait dès lors préparer sa défense en toute connaissance de cause;

d'où il suit que l'ordonnance et la citation litigieuse sont nulles ;

"alors, d'autre part, que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis;

qu'en l'espèce, la juridiction correctionnelle avait été saisie aux fins de révocation du sursis assortissant une peine de 4 mois d'emprisonnement accompagnée de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général pour une durée de 140 heures;

que, dès lors, en prononçant la révocation du sursis assortissant une peine de 2 mois d'emprisonnement accompagnée de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général pour une durée de 100 heures, les juges du fond ont excédé les termes de leur saisine et violé les textes visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-William X... a été condamné, par jugement contradictoire du 13 juillet 1994, à deux mois d'emprisonnement avec sursis et obligation d'effectuer cent heures de travail d'intérêt général dans un délai de dix-huit mois ;

Que le juge de l'application des peines a saisi le tribunal correctionnel pour qu'il soit statué sur l'exécution de la peine à raison du refus de l'intéressé de se soumettre à ses obligations;

que les premiers juges ont alors ordonné la révocation totale du sursis prononcé ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir annulé le jugement et évoqué l'affaire, énonce, pour rejeter l'exception de nullité de la citation et de la requête saisissant la juridiction, que celles-ci comportent une erreur dans le quantum de la peine assortie du sursis et dans le nombre d'heures de travail d'intérêt général prononcés;

que, cependant, la précision du siège de la juridiction qui a statué et de la date de la condamnation, qui est seule prononcée contre l'intéressé, exclut tout risque de confusion;

que l'erreur de la citation n'a pas causé de grief à l'intéressé et de doute dans son esprit sur les raisons de sa comparution devant le tribunal;

qu'elle retient enfin que l'intéressé s'est soustrait à ses obligations, et ordonne en conséquence la révocation du sursis prononcé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'applique pas aux instances statuant sur un incident d'exécution, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, MM. Desportes, Sassoust conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Dintilhac ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80420
Date de la décision : 10/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le second moyen) CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial - Domaine d'application - Juridictions appelées à se prononcer sur le fond de l'affaire - Instance statuant sur un incident d'exécution.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 6ème chambre, 22 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 mar. 1998, pourvoi n°97-80420


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.80420
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