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10/03/1998 | FRANCE | N°96-13168

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mars 1998, 96-13168


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Centre Frais, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

2°/ M. B... Bacher,

3°/ Mme Marie-Thérèse Z... épouse Bacher, demeurant ensemble ..., en cassation d'un arrêt rendu le 14 décembre 1995 par la cour d'appel de Lyon (1e chambre), au profit :

1°/ de M. Yves C..., ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Fromagerie du Centre

, demeurant ...,

2°/ de M. Yves C..., ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la socié...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Centre Frais, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

2°/ M. B... Bacher,

3°/ Mme Marie-Thérèse Z... épouse Bacher, demeurant ensemble ..., en cassation d'un arrêt rendu le 14 décembre 1995 par la cour d'appel de Lyon (1e chambre), au profit :

1°/ de M. Yves C..., ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Fromagerie du Centre, demeurant ...,

2°/ de M. Yves C..., ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société civile Vermont,

3°/ de M. Raymond E...,

4°/ de Mme Nicole D..., épouse E..., demeurant ensemble ...,

5°/ de M. Jean-Paul G..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;

M. C..., ès qualités, M. et Mme E... et M. G..., défendeurs au pourvoi principal ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 janvier 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Poullain, Métivet, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, Mlle Graff, conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Léonnet, conseiller, les observations de Me Cossa, avocat de la société Centre Frais et des époux X..., de Me Parmentier, avocat de M. C..., ès qualités, des époux E... et de M. G..., les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué, que le 2 décembre 1988, la société civile Vermont et MM. E... et F... ont acheté aux époux X... 2 485 actions de la société Fromagère du Centre (la société Fromagère);

que par un contrat signé le même jour les époux X... se sont interdits de se réinstaller directement ou indirectement dans l'arrondissement de Saint-Etienne pendant une durée de trois ans, pour vendre des produits laitiers et avicoles semblables à ceux exploités par la société Fromagère en précisant, toutefois, que les activités des sociétés Distribution de produits frais (société DPF) et Centre Frais, dans lesquelles les vendeurs des actions détenaient des parts, "ne seraient pas considérées comme une violation de cette clause de non-concurrence";

que ce contrat était assorti d'une clause d'arbitrage;

que le 13 novembre 1991, la société Fromagère, la société Vermont, les époux E... et M. G... estimant que les époux X..., avec la complicité de la société Centre Frais, avait violé depuis 1990, la clause de non-concurrence les ont assignés en dommages et intérêts devant le tribunal de commerce ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :

Attendu que les époux X... et la société Centre Frais font grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence et dit que le tribunal de commerce était compétent pour statuer sur l'entier litige, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites;

qu'en l'espèce, en rejetant l'exception d'incompétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne, après avoir constaté que les époux X..., d'une part, la société Vermont et MM. E... et F..., d'autre part, avaient entendu soustraire aux juridictions étatiques, pour les soumettre à l'arbitrage, les contestations susceptibles de naître entre eux à l'occasion du contrat du 2 décembre 1988, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil;

alors, d'autre part, que l'obligation au paiement d'une somme d'argent n'est pas, par elle-même, indivisible;

qu'en l'espèce, la demande de condamnation in solidum d'une partie et d'un tiers à un contrat de cession de parts sociales assorti d'une clause compromissoire n'était pas, par elle, même indivisible;

qu'en se fondant au contraire sur cette demande de condamnation solidaire, pour retenir la compétence de la juridiction étatique, la cour d'appel a derechef violé l'article 1134 du Code civil;

alors, en outre, qu'il n'y avait ni indivisibilité, ni lien de dépendance nécessaire entre deux actions en concurrence déloyale, la première relative à l'application d'une clause de non-concurrence entre les parties à un contrat de cession de parts sociales assorti d'une clause compromissoire, la seconde formée par les acquéreurs de ces parts contre un tiers à qui ils reprochaient diverses embauches et un approvisionnement auprès de leurs fournisseurs;

que, examinant d'ailleurs séparément les deux types de faits allégués au soutien de ces deux actions, la cour d'appel ne pouvait considérer, pour rejeter l'exception d'incompétence du tribunal de commerce, qu'il fallait redouter l'impossibilité d'exécuter simultanément la sentence arbitrale et le jugement susceptibles d'intervenir, sans violer une nouvelle fois l'article 1134 du Code civil;

et alors, enfin, que la société Centre Frais n'étant pas personnellement concernée par la clause de non-concurrence stipulée à l'acte du 2 décembre 1988 auquel elle n'était pas partie, l'indivisibilité entre les deux actions en concurrence déloyale dirigées respectivement contre elle et contre les époux X... ne pouvait résulter du seul fait que les époux X... étaient actionnaires de ladite société;

que si, pour rejeter l'exception d'incompétence de la juridiction étatique, la cour d'appel a dit qu'il y avait lieu d'examiner l'activité des époux X... au sein de cette société, elle n'en a cependant rien fait;

qu'en s'abstenant ainsi de préciser l'activité qui aurait été celle de ces deux associés au sein de la société Centre Frais, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que l'action en dommages et intérêts intentée par les sociétés Fromagère et Vermont ainsi que par les époux E... et M. G... concernait la violation de la clause de non-concurrence souscrite par les époux X... avec la complicité de la société Centre Frais et qu'elle tendait "à obtenir une condamnation solidaire des époux X... et de la société Centre Frais après examen de l'activité de ceux-ci au sein de cette société";

qu'en l'état de ces constatations, et sans encourir les griefs du moyen, la cour d'appel a pu estimer que cette action qui avait un même fondement juridique était indivisible et qu'il y avait un risque de contrariété de décisions si les demandes des parties étaient soumises à l'examen de "deux juridictions différentes";

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que M. C..., ès qualités, ainsi que les époux E... et M. G... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en dommages et intérêts pour débauchage de personnel et détournement de clientèle, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le détournement de la clientèle d'un concurrent par des procédés contraires aux usages et habitudes professionnels constitue une faute justifiant la réparation du préjudice causé, peu important à cet égard que cette faute soit ou non intentionnelle;

qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que la société Centre Frais avait, dans le même temps, embauché à un salaire très supérieur le plus ancien et le plus connu des salariés de la société Fromagère du Centre, d'autre part, que la société Centre Frais avait également recruté le gendre de M. X..., la vente de fromages restant à ses yeux une affaire familiale et, enfin, que la société Centre Frais s'approvisionnait auprès des mêmes fournisseurs que la société Fromagère du Centre;

qu'en décidant, cependant, que ces actes ne constituaient pas une concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1382 et 1383 du Code civil;

alors, d'autre part, outre les faits examinés par l'arrêt, les appelants faisaient valoir dans leurs conclusions du 27 octobre 1993 (p.7), que la société Centre Frais faisaient présenter aux mêmes emplacements, les mêmes produits par les mêmes personnes;

qu'il était encore indiqué dans les mêmes conclusions, d'une part, que la société Centre Frais était située ..., les locaux de la société Fromagère du Centre étant eux situés au n° 4 de la même rue (Cf. conclusions, p. 5) et, d'autre part, que la baisse du chiffre d'affaires de la société Fromagère du Centre et la hausse parallèle de celui de la société Centre Frais démontraient le pillage dont la société Fromagère du Centre a été victime;

qu'en statuant sur la demande fondée sur la concurrence déloyale sans s'expliquer, ni même examiner ces éléments soumis à son appréciation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu qu'appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, a relevé qu'il n'était pas établi que M. Y... ait été incité à quitter la société Fromagère par une augmentation de salaire ou que l'engagement de M. A..., qui venait d'être licencié par la société G..., ait eu pour motif la volonté des parties de porter atteinte à la société Fromagère;

qu'en l'état de ces constatations, excluant toute manoeuvre frauduleuse, la cour d'appel qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, n'encourt pas les griefs du pourvoi incident ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur la première branche du second moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour déclarer que les époux X... avaient violé la clause de non-concurrence, la cour d'appel relève que dans l'acte du 2 décembre 1988, les époux X... se sont interdits un intéressement direct ou indirect à un fonds de commerce d'achat et de vente de produits laitiers et avicoles semblable ou similaire à celui exploité par la société Fromagère dans l'arrondissement de Saint-Etienne et pour une durée de trois années à compter du 1er décembre 1988, à l'exception des activités exercées par les sociétés DPF et Centre Frais dans lesquelles ils détenaient des participations;

que la société Centre Frais vendait exclusivement à Saint-Etienne des produits laitiers extra-frais et la société DPF des produits frais et des fromages à une clientèle de collectivités;

que ces sociétés en devaient donc pas développer une activité susceptible de concurrencer la société Fromagère tant que les époux X... seraient associés et pendant une durée de trois années ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les acquéreurs des actions de la société Fromagère avaient accepté dans l'acte de vente du 2 décembre 1988 que les époux X... continuent de travailler avec la société Centre frais dans laquelle "ils détenaient des participations", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la condamnation in solidum des époux X... et de la société Centre Frais à réparer le préjudice qu'ils auraient causé à la société Fromagère du Centre ainsi qu'aux époux E... et à M. G..., l'arrêt rendu le 14 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne les défendeurs au pourvoi principal aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. C..., ès qualités, des époux E... et de M. G... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-13168
Date de la décision : 10/03/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon (1e chambre), 14 décembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mar. 1998, pourvoi n°96-13168


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.13168
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