AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Herbets France, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 11 mai 1994 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), au profit de Mme Y..., mandataire judiciaire, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Safpa, demeurant ..., remplacée par M. Marc X..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 janvier 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Grimaldi, Apollis, Lassalle, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, Mme Geerssen, M. Rémery, conseillers référendaires, M. Mourier, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de Me Copper-Royer, avocat de la société Herbets France, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., en remplacement de Mme Y..., ès qualités, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 174 du décret du 27 décembre 1985, duquel il résulte que le Tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire n'est compétent que pour connaître des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Herberts France, qui avait conclu un contrat de distribution exclusive avec la société Safpa, a demandé, le 24 juin 1992, au tribunal de commerce de Versailles de prononcer la résiliation de cette convention aux torts exclusifs de la société Safpa et la condamnation de cette société à des dommages-intérêts;
que la société Safpa ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaires, la société Herberts France a repris, le 26 janvier 1993, ses demandes contre le liquidateur judiciaire, Mme Y..., qui a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Versailles au profit du tribunal de commerce d'Elbeuf, juge de la procédure collective;
que la société Herberts France a invoqué la clause du contrat attribuant compétence au tribunal de commerce de Versailles ;
Attendu que pour retenir la compétence du tribunal de commerce d'Elbeuf, l'arrêt énonce que le litige est susceptible d'influer sur la procédure collective en cours dès lors qu'il interfère avec l'action en dommages-intérêts engagée par le liquidateur judiciaire de la Safpa devant le tribunal de la procédure collective pour des faits qui auraient été principalement commis pendant le redressement judiciaire, qu'il est conforme aux dispositions de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 que les faits soient examinés dans leur ensemble par le tribunal de la procédure collective et qu'il importe peu qu'une clause attributive de compétence territoriale ait été convenue dans le contrat conclu avant le jugement d'ouverture ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que la contestation dont le tribunal de commerce de Versailles était saisi n'était pas née de la procédure collective et n'était pas soumise à l'influence juridique de cette procédure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., liquidateur judiciaire de la société Safpa, désigné en remplacement de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.