AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Colgate-Palmolive, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 10 novembre 1995 par la cour d'appel de Paris (14e chambre, section B), au profit de la société Elida-Gibbs-Fabergé, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 janvier 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Huglo, conseiller référendaire rapporteur, MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, Métivet, conseillers, Mme Mouillard, M. Ponsot, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Defrénois et Levis, avocat de la société Colgate-Palmolive, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Elida-Gibbs-Fabergé, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 1995), rendu en référé, que la société Colgate-Palmolive a assigné la société Elida-Gibbs-Fabergé, aux droits de laquelle se trouve la société Elida-Fabergé, en référé pour qu'il lui soit fait défense de diffuser des films publicitaires en faveur du dentifrice Signal Ultra protection fluor, en alléguant que la diffusion de ces films constituait une publicité mensongère constitutive à son encontre d'une concurrence déloyale ;
Attendu que la société Colgate-Palmolive fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt attaqué a constaté, en premier lieu, que la charge de la preuve de la supériorité du fluor NaF invoquée par la société Elida-Gibbs-Fabergé dans les messages publicitaires litigieux incombait à cette dernière, et, en second lieu, qu'il existait un débat scientifique sur les mérites comparés des fluors NaF et SMFP qu'il n'appartenait pas au juge des référés de trancher;
qu'en ne tirant pas les conséquences légales de telles constatations d'où il résultait que la société Elida-Gibbs-Fabergé ne rapportait pas la preuve qui lui incombait et qu'en l'état du débat scientifique existant l'affirmation de la supériorité du fluor NaF s'avérait constitutive d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article 873 du nouveau Code de procédure civile;
et alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, la cour d'appel a relevé qu'il appartenait à la société Elida-Gibbs-Fabergé, dès lors qu'elle invoquait, dans les messages publicitaires litigieux, la supériorité du fluor NaF, d'établir la véracité d'une telle affirmation;
qu'elle ne pouvait se borner à constater que cette dernière société produisait des documents en ce sens;
qu'en se fondant exclusivement sur l'existence d'une telle production, sans même apprécier la valeur probante des documents produits quant à la supériorité du fluor NaF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, par une décision motivée au vu des documents produits par la société Elida-Gibbs-Fabergé, la cour d'appel a pu retenir que la société Colgate-Palmolive n'établissait aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Colgate-Palmolive aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.