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24/02/1998 | FRANCE | N°95-15599

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 février 1998, 95-15599


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Yvon X..., ..., en cassation d'un arrêt rendu le 21 septembre 1994 par la cour d'appel de Paris (15 chambre A), au profit de la Banque industrielle et mobilière privée (BIMP), dont le siège est 22, rue Pasquier, 75008 Paris, aux droits de laquelle vient la société NACC, défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judic...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Yvon X..., ..., en cassation d'un arrêt rendu le 21 septembre 1994 par la cour d'appel de Paris (15 chambre A), au profit de la Banque industrielle et mobilière privée (BIMP), dont le siège est 22, rue Pasquier, 75008 Paris, aux droits de laquelle vient la société NACC, défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 janvier 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de M. X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Banque industrielle et mobilière privée, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Banque industrielle mobilière et privée (BIMP), aux droits de laquelle se trouve la société NACC, a réclamé judiciairement à M. X... le paiement du montant du solde débiteur de son compte courant;

que reconventionnellement, celui-ci a demandé des dommages-intérêts pour le manquement de la BIMP à son obligation de conseil, lorsqu'elle lui avait consenti une importante augmentation du découvert sur son compte en début octobre 1987, en vue de l'achat par lui d'actions de la banque Indosuez, pour lesquelles il bénéficiait d'un prix préférentiel en qualité d'ancien salarié de cet établissement, et sur la revente desquelles il espérait de rapides bénéfices, sans risques, dès lors qu'il avait donné à la BIMP mandat pour revendre ces titres si leur cours de bourse perdait 5 %;

qu'à la chute des cours de bourse fin octobre 1987, sa perte a été beaucoup plus importante et l'a contraint à supporter les charges du découvert pendant plusieurs années;

que, subsidiairement, M. X... a prétendu être déchargé du montant des intérêts, au motif que les découverts successifs dont il a bénéficié n'ont pas été précédés d'offres préalables, ou, à tout le moins, de voir les intérêts limités au taux légal, faute d'accord écrit sur le taux effectif global ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour ne pouvait décider que la BIMP était dispensée de toute obligation d'information à l'égard de M. X... en se bornant à énoncer que l'intéressé était suffisamment informé, du fait de sa profession de cadre bancaire et des informations réservées au personnel de la banque Indosuez qu'il aurait reçues, sans préciser en quoi la profession de cadre bancaire non spécialisé en matière boursière permettait d'établir la connaissance qu'aurait eue M. X... des risques liés à la souscription des actions de la Compagnie de Suez et sans apporter de précisions sur les informations qu'il aurait reçues en sa qualité de salarié de la banque Indosuez;

qu'en statuant ainsi, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil;

alors, d'autre part, que, dans ses conclusions signifiées le 11 juin 1992, M. X... a fait valoir qu'il avait donné à la BIMP mandat de vendre les titres si leurs cours chutait de 5 %, de sorte qu'en conservant les titres cessibles immédiatement malgré une chute de leur cours nettement supérieur à 5 %, la banque n'a pas exécuté son mandat;

que dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait décider que la BIMP, n'avait commis aucune faute à l'égard de son client sans répondre à ces écritures et ce faisant, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

alors, en outre, qu'en décidant que la BIMP n'avait pas la gestion du compte et n'était que mandataire sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile;

et alors, enfin, que le juge d'appel ne pouvait énoncer que la BIMP n'avait aucun accès au marché gris de Londres et que M. X... ne démontrait pas en quoi l'intervention de la BIMP sur ce marché aurait contribué à diminuer ses pertes, sans répondre aux conclusions régulièrement signifiées le 11 juin 1992 par M. X... et dans lesquelles il était indiqué que, si la banque ne pouvait intervenir directement sur ce marché, elle pouvait néanmoins y accéder par des intermédiaires, ainsi qu'aux conclusions signifiées le 26 avril 1994, dans lesquelles il était soutenu que le cours des actions litigieuses sur ce marché était supérieur à leur cotation à la Bourse de Paris;

qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est en appréciant la nature des informations dont a bénéficié M. X..., en sa qualité d'ancien salarié de la banque Indosuez, que la cour d'appel a considéré qu'il connaissait les avantages et risques d'une souscription à l'émission d'actions de cet établissement;

qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'en relevant que la BIMP n'était pas gestionnaire du compte de titres ouvert au nom de M. X... et en retenant qu'elle n'avait pas, à l'époque des faits, la possibilité de vendre les titres sur le "marché gris" de Londres, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument omises, sans être tenue de suivre leur auteur dans le détail de son argumentation ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de sa prétention relative à l'omission par la banque d'offres préalables avant l'octroi de découverts successifs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat conclu entre deux parties, en vue de poursuivre leurs relations contractuelles, constitue une convention distincte, qui lui se substitue au précédent contrat qui a cessé de produire effet en raison de la survenance du terme extinctif dont il était affecté;

qu'en l'espèce, la BIMP avait accordé à M. X... une autorisation de découvert jusqu'au 30 novembre 1988;

que, postérieurement à cette date, par courrier des 10 février 1989 et 31 janvier 1990, la banque a accordé à son client des autorisations de découvert de montants respectifs de 40 000 francs et 35 000 francs;

qu'en décidant que ces deux dernières autorisations de découvert ne constituaient pas de nouvelles avances, mais la prorogation d'une autorisation expirée le 30 novembre 1988, la cour d'appel a violé la loi des parties et l'article 1134 du Code civil;

et alors, d'autre part, que l'emprunteur ne peut renoncer aux dispositions d'ordre public de la loi du 10 janvier 1978;

qu'en décidant que M. X... s'était reconnu débiteur des intérêts, pour en déduire qu'il avait renoncé à se prévaloir de leur déchéance en raison de la non-conformité de l'offre préalable de crédit aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978, la cour d'appel a violé les articles 5 et 23 de cette loi, devenus les articles L. 311-8 et suivants et L. 311-33 du Code de la consommation ;

Mais attendu, d'une part, que c'est souverainement en appréciant les divers éléments de preuve soumis à son examen que la cour d'appel a estimé que les concours bancaires dont il a bénéficié depuis 1983 jusqu'en 1987 sont l'application d'une seule et même autorisation de découvert, et que la convention du 15 décembre 1987 régissant les concours ultérieurs a été prorogée, sans être remplacée par un nouveau crédit, au-delà de sa durée initialement prévue ;

Attendu, d'autre part, que c'est surabondamment que l'arrêt se réfère à la reconnaissance par M. X... de l'exigibilité des intérêts inscrits au débit de son compte, qu'il prétendait perçus indûment en l'absence de toute offre préalable avant la délivrance des découverts;

que la cour d'appel a, en effet, justifié sa décision en retenant, par des motifs non critiqués, d'abord, que le débiteur est déchu de son droit à invoquer l'omission des offres préalables, faute d'avoir exercé les actions la sanctionnant dans un délai de deux ans, et, ensuite, que le montant du découvert consenti en 1987 avait un montant supérieur à celui prévu pour l'application de la loi du 10 janvier 1978, en ses dispositions alors en vigueur ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 1907, alinéa 2, du même code, les articles 4 de la loi du 28 décembre 1966 et 2 du décret du 4 septembre 1985 ;

Attendu que pour rejeter la prétention de M. X... tendant au calcul des intérêts selon le taux légal, l'arrêt retient que les lettres des 14 mai 1983 et du 15 décembre 1987 par lesquelles la banque avait autorisé les découverts en précisaient bien les taux et que leur bénéficiaire les a acceptés en effectuant les demandes pour être couvert par une assurance et qu'il a lui-même reconnu par écrit être débiteur des intérêts ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, alors que le compte a été débiteur postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 4 septembre 1985, s'il existait un écrit entre les parties fixant le taux effectif global des intérêts applicables à ce découvert, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... tendant au calcul des intérêts selon le taux légal, l'arrêt rendu le 21 septembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société NACC aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société NACC ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-15599
Date de la décision : 24/02/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (15 chambre A), 21 septembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 fév. 1998, pourvoi n°95-15599


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.15599
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