AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Sami 35, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 23 février 1995 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre, section B), au profit :
1°/ de la société Titan véhicules spéciaux, dont le siège est ...,
2°/ de la Société chimique de la route (SCR), dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 janvier 1998, où étaient présents : M. Vigneron, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, MM. Leclercq, Dumas, Gomez, Poullain, Métivet, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Ponsot, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Léonnet, conseiller, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société Sami 35, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la Société chimique de la route (SCR), les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1289 et 1236 du Code civil ;
Attendu qu' il résulte des énonciations de l' arrêt attaqué que la Société chimique de la route (société SCR) a passé commande, le 4 août 1988, à la société Titan véhicules spéciaux (société Titan) de travaux d'équipement concernant un chassis de véhicule prototype;
que cette dernière a demandé à la société Sami 35 de faire certains des travaux commandés;
que celle-ci a adressé, le 30 juin 1989, à la société Titan une facture d'un montant de 187 653,32 francs, qui n'a été réglée qu'après diverses relances et mises en demeure;
que des travaux supplémentaires ont été commandés directement par la société SCR à la société Sami 35 le 31 août 1989;
que le montant de ces travaux fut facturé par la société Sami 35 à la société Titan le 19 octobre 1989, qui la répercuta à la société SCR dans le cadre d'une facture globale comportant d'autres prestations ;
que n'ayant pas été payée, la société Sami 35 a assigné les sociétés Titan et SCR devant le tribunal de commerce pour obtenir paiement de sa créance, augmentée du montant des intérêts et agios, ainsi que des sommes dues au titre d'une clause pénale;
que, par jugement du 24 janvier 1992, le Tribunal a condamné la société Titan à payer en principal à la société Sami 35 le montant de la facture du 19 octobre 1989 diminué du montant de la commande de la société SCR passée le 31 août 1989, s'élevant à 20 386 francs HT, qui devait être réglée à cette dernière par la société SCR ;
que celle-ci a fait appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer la décision des premiers juges et rejeter la demande de la société Sami 35, la cour d'appel énonce que le coût de ces prestations s'élève à 20 386 francs HT et a été inclus dans la facturation du 19 octobre 1989 adressée à la société Titan par la société Sami 35 pour un montant de 73 403,50 francs, comprenant notamment la pose de feux de gabarit et triangles de convoi exceptionnel;
que la société Titan a elle-même facturé ces prestations à la société SCR le 14 mars 1990 et que son coût a été réglé par compensation;
que, dès lors, la société SCR est fondée à s'opposer à la demande en paiement portant sur cette facture déjà réglée ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que suivant bon de commande en date du 31 août 1989, la société SCR "a commandé directement" à la société Sami 35 l'installation de feux électriques clignotants, la cour d'appel, en affirmant que la créance propre de la société Sami 35 sur la société SCR a été éteinte par suite d'une compensation intervenue entre l'acheteur et le vendeur du prototype, alors que les relations contractuelles existant entre ces deux entreprises ne concernaient pas cette commande, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Titan véhicules spéciaux et la Société chimique de la route (SCR) aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société chimique de la route (SCR) ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-quatre février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.