CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le procureur général près la cour d'appel d'Agen,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, du 28 novembre 1994, qui a relaxé X... des chefs d'obtention frauduleuse de permis de conduire et de conduite d'un véhicule malgré annulation du permis.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 19, alinéa 1er, du Code de la route, 707, alinéa 1er, et 708, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, manque de base légale, insuffisance de motifs et motif hypothétique :
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 122-3 du Code pénal, manque de base légale, défaut ou insuffisance de motifs :
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, d'une part, l'article L. 19 du Code de la route ne soumet à aucune forme particulière la notification de la décision d'annulation du permis de conduire ;
Que l'exécution de cette mesure, qui n'est pas subordonnée à la formalité prévue par l'article L. 30, 7 du Code précité, prend effet du jour même de sa notification, ou, si celle-ci est effectuée alors qu'une mesure de même nature est en cours, à l'expiration de cette dernière, pour une durée s'ajoutant à la première, dans la limite du maximum légal ;
Attendu que, d'autre part, selon l'article 122-3 du Code pénal, l'erreur sur le droit n'entraîne une exonération de responsabilité pénale que si la personne qui s'en prévaut n'a pas été en mesure de l'éviter ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par jugement du 29 janvier 1991, le tribunal correctionnel, saisi des poursuites exercées contre X... pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, en état de récidive, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement et a prononcé l'annulation de son permis de conduire, en fixant à deux ans le délai avant l'expiration duquel il ne pourrait solliciter un nouveau permis ; que cette décision a été notifiée à l'intéressé le 27 février 1991 ; que, par arrêt du 4 avril suivant, celui-ci, poursuivi pour des faits identiques, a été condamné notamment à une nouvelle mesure d'annulation du permis, prononcée pour la même durée, qui lui a été notifiée par procès-verbal de gendarmerie, en date du 5 février 1992 ;
Attendu qu'après avoir passé un examen médical le 12 février 1993, X... s'est présenté aux épreuves du permis de conduire le 30 juillet suivant et a obtenu la délivrance d'un nouveau titre ; que, le 4 octobre 1993, celui-ci lui a été retiré, à l'occasion de la notification de la seconde mesure d'annulation, portant report de son exécution au 27 février 1993, date d'expiration de la première ;
Attendu que l'intéressé a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir, courant 1993, conduit un véhicule malgré annulation judiciaire du permis de conduire ; que, devant la cour d'appel, le ministère public a requis, pour la période antérieure au 30 juillet 1993, la requalification de la poursuite en délit d'obtention frauduleuse de permis ;
Attendu que, pour relaxer le prévenu de ces deux chefs, la juridiction du second degré énonce qu'il n'est pas établi que celui-ci, de nationalité étrangère, et illettré, ait compris qu'il faisait l'objet de deux mesures distinctes d'interdiction du droit de conduire ; qu'elle relève qu'à défaut de précision, dans le procès-verbal du 5 février 1992, de la date de mise à exécution de la mesure d'annulation prononcée par l'arrêt du 4 avril 1991, seule doit être considérée comme valable la notification effectuée le 4 octobre 1993 au moyen de l'imprimé informatique, comportant cette indication ; que les juges ajoutent que, si la notification invoquée par le ministère public avait été accompagnée des formalités prévues par l'article L. 30, 7 du Code de la route, l'Administration n'aurait pas délivré un permis au prévenu ; qu'ils en déduisent qu'il ne peut être reproché à celui-ci d'avoir sollicité la délivrance d'un nouveau titre à l'expiration de la première mesure et retiennent qu'en possession de celui-ci, l'intéressé justifie avoir cru, par une erreur sur le droit, pouvoir légitimement conduire à compter du 30 juillet 1993 ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la peine complémentaire avait été régulièrement portée à la connaissance du prévenu le 5 février 1992, et que les modalités d'exécution des deux mesures prononcées à son encontre pouvaient faire l'objet, soit d'une requête adressée à la juridiction de jugement, sur le fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale, soit d'une consultation auprès de l'Administration, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, en date du 28 novembre 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse.