AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller A..., les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de X... ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- BEYA Y..., contre l'arrêt n° 12 de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, du 1er avril 1997, qui, pour infraction à la législation relative aux étrangers, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec maintien en détention ainsi qu'à l'interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, 131-30, alinéa 3, du Code pénal, 108, 371 et suivants du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à la peine de 6 mois d'emprisonnement et a prononcé à son encontre l'interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans ;
"aux motifs que l'intéressé déclarait qu'il refusait de quitter la France, étant marié avec une française et père de 3 enfants français ;
que la Cour relève qu'aux dires mêmes du demandeur, l'enfant Alexandre vit chez sa mère Marie-France Z... à Corbigny dans la Nièvre;
qu'il ressort, en outre, des documents de la procédure que son épouse, Brigitte B..., avait engagé une procédure de divorce et que sa résidence actuelle est inconnue de la Cour;
que le prévenu n'a versé aux débats que des actes de naissance de ses enfants et une copie de l'acte de mariage;
que le prévenu ne rapporte pas la preuve qu'il vit habituellement avec son épouse et qu'il subvient effectivement aux besoins de ses enfants;
que Brigitte B... n'a, d'ailleurs, pas été entendue par les services de police;
qu'une interdiction du territoire français ne porterait donc pas une atteinte disproportionnée à la vie familiale et privée de l'intéressé ;
"alors que, d'une part, l'exception prévue par l'article 131-30, alinéa 3, 1°, du Code pénal vise le condamné étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France, à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins;
qu'en se bornant à retenir que le prévenu ne rapporte pas la preuve qu'il subvient effectivement aux besoins de ses enfants, sans rechercher si l'intéressé n'exerçait pas, même partiellement, à l'égard de chacun de ses enfants l'autorité parentale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 131-30, alinéa 3, 1°, susvisé et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"alors que, d'autre part, aux termes de l'article 108 du Code civil, le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie;
qu'en considérant que le prévenu n'a versé aux débats qu'une copie de son acte de mariage, qu'il ne rapporte pas la preuve qu'il vit habituellement avec son épouse, que celle-ci avait engagé une instance en divorce, que sa résidence actuelle était inconnue de la Cour et qu'elle n'avait, d'ailleurs, pas été entendue par les services de police, et en déduisant de tels motifs l'absence de communauté de vie, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 131-30, alinéa 3, 2°, du Code pénal, 108 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;
Attendu que, pour prononcer à l'encontre du prévenu la peine complémentaire de l'interdiction du territoire français, l'arrêt attaqué, outre les motifs exactement reproduits au moyen, après avoir relevé que le prévenu n'établit pas qu'une mesure d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et de famille, retient, notamment, pour caractériser la gravité des faits reprochés, qu'en dépit d'une interdiction définitive du territoire français infligée pour cession, détention, importation de stupéfiants ayant conduit à sa condamnation à 2 ans d'emprisonnement, l'intéressé persiste à se maintenir en France ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 131-30, alinéa 3, du Code pénal sans méconnaître celles de la Convention européenne des droits de l'homme ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Pelletier conseiller rapporteur, Mme Baillot, MM. Le Gall, Farge conseillers de la chambre, MM. Poisot, Soulard, Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;