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10/02/1998 | FRANCE | N°96-11413

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 1998, 96-11413


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Alter films, dont le siège est ...,

2°/ la société Jacor, dont le siège est ...,

3°/ la société d'exploitation du Théâtre de l'Atelier, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 novembre 1995 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section C), au profit de la Société nouvelle du Théâtre Marigny, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

La

Société nouvelle du Théâtre Marigny, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Alter films, dont le siège est ...,

2°/ la société Jacor, dont le siège est ...,

3°/ la société d'exploitation du Théâtre de l'Atelier, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 novembre 1995 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section C), au profit de la Société nouvelle du Théâtre Marigny, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

La Société nouvelle du Théâtre Marigny, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 décembre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de la société Alter films, de la société Jacor et de la société d'exploitation du Théâtre de l'Atelier, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la Société nouvelle du Théâtre Marigny, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant, tant sur le pourvoi incident formé par la Société nouvelle du Théâtre Marigny, que sur le pourvoi principal formé par les sociétés Alter films, Jacor et Théâtre de l'Atelier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 1995), qu'une société en participation ayant pour objet la production et l'exploitation du spectacle la "Dame de chez Maxim's", a été constituée entre les sociétés Alter films, Jacor, Théâtre de l'Atelier et la Société nouvelle du Théâtre Marigny (le Théâtre Marigny), cette dernière société étant désignée comme gérante;

que les trois premières sociétés ont assigné le Théâtre Marigny en paiement de diverses sommes, lui reprochant, d'une part, d'avoir dépassé les devis figurant au contrat de société en participation, sans avoir soumis à l'approbation de la société Alter films, comme il en avait l'obligation, toutes les conventions pouvant avoir pour conséquence de modifier le coût de l'opération et, d'autre part, d'avoir omis, en violation des dispositions du contrat de société en participation, de faire figurer dans les contrats des participants au spectacle une clause permettant son exploitation audiovisuelle et ainsi privé les associés des bénéfices de cette exploitation ;

que le Théâtre Marigny a demandé que ses trois associées soient condamnées à lui rembourser la part leur incombant du déficit d'exploitation du spectacle ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches :

Attendu que les sociétés Alter films, Jacor et Théâtre de l'Atelier reprochent à l'arrêt de les avoir condamnées à payer diverses sommes au Théâtre Marigny alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en l'état d'une clause contractuelle parfaitement claire imposant au gérant de recueillir l'approbation des associés avant de conclure toute convention pouvant avoir pour effet de modifier le coût estimé de l'opération, la cour d'appel ne saurait, sans violer les articles 1134, 1142 et 1147 du Code civil, constater que le gérant n'est pas en mesure de prouver l'envoi des projets de contrat et écarter cependant la responsabilité contractuelle de ce dernier au seul motif que le silence gardé par les associés jusqu'en septembre 1991 faisait à la fois présumer l'envoi des projets et l'approbation tacite des destinataires et alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1146 du Code civil, la mise en demeure est inutile lorsque la chose que le débiteur s'était obligée de faire ne pouvait être faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer;

qu'en se fondant, pour écarter la responsabilité contractuelle du gérant, sur l'absence de mise en demeure ou de protestations de la part des associés jusqu'en septembre 1991, alors qu'une telle mise en demeure était en l'espèce inutile puisqu'un avis donné après signature des conventions n'aurait eu aucune efficacité, la cour d'appel a violé le texte précité ;

Mais attendu que l'arrêt, qui ne s'est pas fondé pour écarter la responsabilité du Théâtre Marigny sur une absence de mise en demeure de la part des associés, retient que l'envoi des projets de contrat à ceux-ci et leur approbation résulte d'un faisceau de présomptions déduites des circonstances qu'il énonce;

que c'est souverainement que la cour d'appel a apprécié les éléments de preuve dont elle était saisie;

d'où il suit que le moyen qui manque en fait en sa deuxième branche n'est pas fondé en sa première branche ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :

Attendu que les sociétés Alter films, Jacor et Théâtre de l'Atelier font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, qu'en considérant que même si la faute contractuelle du gérant était établie, ce dernier ne serait pas pour autant responsable dès lors qu'il n'est pas soutenu que les frais engagés étaient étrangers à l'objet social, la cour d'appel, qui ne recherche pas si le préjudice subi par les associés ne réside pas dans le fait qu'ils ont été privés du pouvoir, qui leur était réservé aux termes du contrat, de contrôler a priori l'équilibre financier de l'opération, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt est légalement justifié par le motif vainement critiqué par la première branche du moyen;

que la troisième branche relative à des motifs surabondants est, par suite, inopérante ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche :

Attendu que les sociétés Alter films, Jacor et Théâtre de l'Atelier font enfin le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, que se trouve entaché d'une contradiction irréductible l'arrêt qui, d'une part, estime que les projets de contrat avaient bien été transmis par le gérant aux associés, qui avaient donné leur approbation tacite, et qui condamne, d'autre part, le gérant à indemniser les associés pour avoir omis de faire figurer dans les contrats des dispositions relatives aux droits d'exploitation audiovisuelle, en écartant expressément l'intervention d'une approbation tacite de la part des associés;

qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la contradiction alléguée concerne, non l'énonciation de faits constatés par la cour d'appel, mais les conséquences juridiques que celle-ci en a tirées;

que le moyen, en sa quatrième branche, est, dès lors, irrecevable ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Alter films, Jacor et Théâtre de l'Atelier reprochent à l'arrêt d'avoir limité à un certain montant les condamnations mises à la charge du Théâtre Marigny alors, selon le pourvoi, qu'en constatant "que le mode de calcul (du préjudice) adopté par les intimées et par le Tribunal n'a pas fait l'objet de la critique de l'appelante", puis en infirmant néanmoins la décision du Tribunal pour réduire le montant des réparations qui leur étaient allouées, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que sans remettre en cause le mode de calcul du préjudice adopté par le tribunal et non critiqué devant elle par le Théâtre Marigny, la cour d'appel a souverainement apprécié l'étendue de celui-ci ;

d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Attendu que le Théâtre Marigny reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer diverses sommes aux sociétés Alter films, Jacor et Théâtre de l'Atelier alors, selon le pourvoi, que les statuts d'une société qui imposent au gérant de faire figurer dans les contrats qu'il négocie certaines clauses particulières ne saurait être analysé comme faisant naître au profit des associés un droit opposable au gérant dès lors que les contrats ainsi conclus leur sont soumis pour approbation et qu'ils y deviennent ainsi parties;

qu'en décidant néanmoins, dans de telles circonstances, que seule la renonciation non équivoque des associés aurait pu justifier l'absence des clauses prévues dans les statuts bien que les associés qui avaient approuvé de manière tacite les contrats négociés par le gérant, aient ainsi été parties à ces contrats, et n'aient été titulaires d'aucun droit opposable au gérant, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions que le Théâtre Marigny ait soutenu devant la cour d'appel que les associés avaient été parties aux contrats conclus avec les acteurs participant au spectacle, en donnant leur consentement à ceux-ci;

d'où il suit que nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable en sa première branche ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche :

Attendu que le Théâtre Marigny fait le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, que la renonciation à un droit peut être implicite dès lors qu'elle résulte d'attitudes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer;

qu'en écartant le moyen invoqué tiré de la renonciation tacite des associés aux stipulation de l'article 9 du contrat, en affirmant que la renonciation ne se présume pas, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la renonciation des associés aux stipulations de l'article 9 du contrat ne peut être tirée des circonstances de l'espèce, écartant ainsi l'existence d'une renonciation tacite résultant d'attitudes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer;

d'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa deuxième branche ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche :

Attendu que le Théâtre Marigny fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, qu'en l'absence d'engagement de porte-fort, la stipulation par laquelle une partie s'oblige à obtenir d'un tiers la conclusion d'un contrat particulier, ne peut être qu'une obligation de moyen ;

que la cour d'appel a déduit sa faute de la seule absence dans les contrats des participants au spectacle, de la clause prévue dans la convention sociale relative à l'exploitation audiovisuelle;

qu'en s'abstenant de rechercher si lui-même, qui ne s'était nullement porté fort de l'engagement de ces tiers et qui n'était dès lors tenu que d'une obligation de moyen, avait commis une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que le Théâtre Marigny, loin de soutenir dans ses écritures qu'il avait mis en oeuvre les moyens de remplir l'obligation qu'il avait souscrite, reconnaît ne pas l'avoir fait;

que la cour d'appel, qui a caractérisé la faute ainsi commise, a légalement justifié sa décision;

d'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche :

Attendu que le Théâtre Marigny fait enfin le même reproche à l'arrêt alors, selon le pourvoi, que la contradiction de motifs équivaut à leur absence;

qu'en retenant, d'une part, que le bénéfice qu'aurait tiré la société Alter films de l'exploitation audiovisuelle de la pièce s'élevait à la somme de 173 400 francs et, d'autre part, qu'il lui était donc dû au titre de l'indemnisation de ce préjudice, une somme de 383 400 francs et en lui accordant dans son chef de dispositif une telle somme, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt énonce, sans contradiction, les divers éléments constituant le préjudice de la société Alter films, le bénéfice distribuable n'étant que l'un d'entre eux;

d'où il suit que le moyen manque en fait en sa quatrième branche ;

PAR CES MOTFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les sociétés Alter films, Jacor et la société d'exploitation du Théâtre de l'Atelier à payer à la Société nouvelle du Théâtre Marigny la somme de 10 000 francs ;

Rejette la demande des sociétés Alter films, Jacor et de la société d'exploitation du Théâtre Marigny ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-11413
Date de la décision : 10/02/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (5e chambre, section C), 03 novembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 1998, pourvoi n°96-11413


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.11413
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