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10/02/1998 | FRANCE | N°96-10096

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 1998, 96-10096


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Lucien X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 octobre 1995 par la cour d'appel de Lyon (3e Chambre), au profit de la société en nom collectif (SNC) Sabla, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation

judiciaire, en l'audience publique du 16 décembre 1997, où étaient présents : M. Béza...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Lucien X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 octobre 1995 par la cour d'appel de Lyon (3e Chambre), au profit de la société en nom collectif (SNC) Sabla, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 décembre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. X..., de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Sabla, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 octobre 1995), que M. X... a, par acte du 13 novembre 1989, cédé à la société Sabla la totalité des actions de la société Sobepre;

qu'il était convenu de son maintien en qualité de directeur commercial, l'établissement d'un contrat de travail d'une durée de trois ans étant prévu à cet effet;

que la société Sabla l'a assigné, en application d'une clause de garantie de passif, en paiement d'une somme représentant le coût de la démolition et de la reconstruction d'un bâtiment industriel dont la démolition avait été judiciairement ordonnée en raison du défaut de permis de construire;

que M. X..., licencié par la société Sobepre en 1991, a demandé à titre reconventionnel une somme correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir pendant trois ans ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Sabla la somme de 300 000 francs pour la démolition et la reconstruction d'un hangar construit en janvier 1989 en violation du Code de l'urbanisme, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les conventions légalement formées tiennent de loi à ceux qui les ont faites;

que la convention de garantie du 2 janvier 1990 prévoyait que si, postérieurement à la cession, survenait "un événement ayant une cause antérieure au 31 décembre 1989 et qui aurait pour effet d'augmenter le passif ou de diminuer l'actif de la société tel que résultant des bilans et documents financiers au 31 décembre 1988, le cédant prendrait à sa charge la part de cette augmentation de passif ou de cette diminution d'actif;

qu'il est constant que les bilans et documents arrêtés au 31 décembre 1988 ne faisaient aucune mention du bâtiment litigieux dont la construction a été entreprise le 18 janvier 1989;

qu'ainsi, le bâtiment litigieux ne faisait pas partie de l'actif de la société Sobepre au 31 décembre 1988, en sorte que sa démolition, ordonnée par le tribunal correctionnel et mise à sa charge et non de la société Sobepre ou de la société Sabla qui n'avaient pas été citées en qualité de civilement responsables, ne pouvait ni diminuer l'actif de la société, ni en augmenter le passif;

qu'en le condamnant néanmoins à payer à la société Sabla le coût de la démolition et de la reconstruction de ce bâtiment, la cour d'appel a porté atteinte à la convention des parties et a violé l'article 1134 du Code civil;

alors, d'autre part, que dès lors que l'ouvrage litigieux ne faisait pas partie de l'actif de la société Sobepre au 31 décembre 1988 et que sa démolition n'entraînait pour la société Sabla aucune perte d'actif relevant de l'obligation stipulée par la convention de garantie, le coût de son éventuelle reconstruction ne pouvait pas davantage aboutir à augmenter le passif de la société au sens de la convention de garantie et ne pouvait, par conséquent, pas être mis à sa charge;

qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a porté atteinte à la convention des parties et violé l'article 1134 du Code civil;

alors, en outre, qu'aux termes de la convention de garantie, le cédant ne devait prendre en charge l'augmentation de passif que si elle avait été supportée par la société Sabla, c'est-à-dire que la société cessionnaire en avait effectivement assumé le coût;

qu'il en résulte que, pour que le coût de la démolition puisse être mis à sa charge, en exécution de cette obligation, la société Sabla devait, pour en obtenir le paiement, établir qu'elle avait financé elle-même la démolition de l'ouvrage litigieux et que cette démolition était effective;

qu'en l'espèce, il avait fait valoir, sans être contredit, que la société Sabla n'était pas en mesure de prouver, par la production de son bilan, les pertes qu'elle alléguait;

qu'il y avait également souligné, sans être démenti, que le bâtiment litigieux n'avait non seulement pas été démoli, mais qu'il était toujours utilisé comme hall de stockage par la société Sobepre et que, par conséquent, la société Sabla n'avait effectivement supporté aucune augmentation de passif;

que l'arrêt attaqué n'a pas recherché si la société Sabla avait procédé elle-même ou avait fait procéder à la démolition du local litigieux, en sorte qu'il en aurait résulté pour elle une aggravation effective du passif : que, pour s'être abstenue de faire cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

et alors, enfin, qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Sabla avait effectivement supporté le coût de la démolition mise à la charge de lui seul par le jugement correctionnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 480-5 et L. 480-7 du Code de l'urbanisme que la mise en conformité des lieux ou la démolition n'incombe qu'au bénéficiaire des travaux irréguliers;

que c'est à bon droit que la cour d'appel a considéré que la nécessité de démolir le bâtiment litigieux constituait une charge pesant sur la société Sobepre ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que le bâtiment litigieux avait été construit par la société Sobepre en janvier 1989;

que la société Sabla avait acquis les actions de la société Sobepre le 13 novembre 1989;

que la convention de garantie de passif du 2 janvier 1990 mentionnait le litige opposant la société Sobepre à l'administration préfectorale au sujet de l'absence de permis de construire relatif à ce bâtiment;

qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont elle a déduit que la nécessité de démolir et de reconstruire l'ouvrage constituait un événement ayant une cause antérieure au 31 décembre 1989 et pour effet d'augmenter le passif résultant du bilan au 31 décembre 1988, la cour d'appel, écartant par là même le simple argument tiré du fait que la démolition n'avait pas été réalisée et répondant ainsi aux conclusions invoquées, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant au paiement de la somme de 1 200 000 francs au titre de deux années de salaire qui lui étaient dues en vertu du protocole d'accord du 13 novembre 1989 signé entre lui-même et la société Sabla, alors, d'une part, que la convention des parties s'impose au juge qui ne peut la modifier ;

qu'en l'espèce, il résulte clairement du protocole d'accord du 13 novembre 1989 signé entre la société Sabla et lui que, pour prix de la cession de ses parts, le maintien au sein de la société Sobepre lui était assuré pendant trois ans en qualité de directeur commercial au salaire mensuel de 50 000 francs;

qu'il est constant qu'il a été licencié par la société Sobepre le 2 janvier 1991 en violation du protocole d'accord signé avec la société Sabla et sans que lui soient versées les deux années de salaire correspondant au prix de la cession des actions;

qu'ainsi, c'est en violation du protocole d'accord auquel la société Sobepre était étrangère que la cour d'appel a refusé de condamner la société Sabla à lui payer la somme correspondant à deux années de salaire;

qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du Code civil;

alors, d'autre part, que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer;

que ne constitue pas renonciation à la garantie d'emploi de trois ans au sein de la société Sobepre prévue dans le protocole d'accord du 13 novembre 1989 signé entre la société Sabla et lui le fait, pour ce dernier, d'avoir signé, avec la société Sobepre, le contrat de travait du 3 janvier 1990 qui, sans reprendre expressément cette clause, ne mentionnait ni que la garantie d'emploi de trois ans était supprimée, ni qu'il y renonçait, en sorte que la société Sabla continuait d'être tenue par cette clause de garantie d'emploi;

qu'en décidant que le fait que, en signant le contrat du 3 janvier 1990, il avait accepté que soit conclu un contrat à durée indéterminée au lieu du contrat à durée déterminée qui avait modifié le protocole d'accord, cependant que ce contrat, signé avec une personne morale distincte et n'agissant pas pour le compte de la société Sabla, ne pouvait modifier la convention conclue entre la société Sabla et lui, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 2221 du Code civil;

et alors, enfin, que, dans ses conclusions, il avait fait valoir que l'engagement pris par la société Sabla dans le protocole d'accord de le maintenir pendant trois ans en qualité de salarié au sein de la société Sobepre au salaire mensuel de 50 000 francs correspondait au paiement du prix des actions de la société Sobepre cédées à la société Sabla;

qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen des conclusions qui était de nature à établir qu'il n'avait pas renoncé en connaissance de cause à la garantie d'emploi prévue par le protocole de cession des actions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la convention du 13 novembre 1989, régulièrement produite par M. X..., ne mentionne pas que son maintien au sein de la société Sobepre en qualité de directeur commercial, ni la rémunération correspondante, représentaient le prix de la cession de ses actions ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que M. X... avait conclu un contrat de travail à durée indéterminée au lieu du contrat à durée déterminée prévu dans la convention du 13 novembre1989, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à la simple allégation que le maintien en qualité de salarié correspondait au paiement du prix de cession des actions, a pu décider qu'il s'agissait de sa part d'un acte manifestant sans équivoque la volonté de modifier la convention initiale ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé en ses deux autres branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Sabla ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-10096
Date de la décision : 10/02/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon (3e Chambre), 06 octobre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 1998, pourvoi n°96-10096


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.10096
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