AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Lik, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., en cassation des arrêts rendus le 14 novembre 1991 et 5 janvier 1995 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, section 1), au profit de la société Sign Diffusion, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 décembre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Gomez, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Lik, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Sign Diffusion, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon les énonciations des arrêts attaqués (Versailles, 14 novembre 1991 et 5 janvier 1995), que la société Lik, ayant mis au point un procédé de tampon encreur permettant la reproduction d'un texte et d'une photographie, a, le 18 juillet 1988, conclu un contrat avec la société Sign Diffusion aux termes duquel la seconde s'est engagée à acheter à la première au moins 12 500 pièces la première année contre l'exclusivité en France de la vente dudit matériel;
qu'il était prévu que le contrat ne pourrait pas être dénoncé au cours de la première année sauf impossibilité pour la société Lik de fabriquer la première livraison, hypothèse entraînant la résiliation de plein droit sans indemnité;
que, le même jour, la société Sign Diffusion a commandé à la société Lik 6250 boîtiers encreurs livrables le 1er octobre 1988;
que la société Sign Diffusion a fait connaître à la société Lik que le produit livré n'était pas au point tandis que la société Lik a affirmé au contraire avoir apporté au prototype des modifications satisfaisantes ;
que la société Lik a assigné la société Sign Diffusion en résiliation du contrat ;
Attendu que la société Lik fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution du contrat à ses torts exclusifs et d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le débiteur d'une obligation contractuelle ne peut être contraint à plus que ce à quoi il s'était engagé ;
qu'en l'espèce, aux termes du contrat et d'une lettre de confirmation du 18 juillet 1988, elle s'était engagée à fournir des tampons conformes aux échantillons fournis le même jour, lesquels avaient été considérés comme satisfactoires par la société Sign Diffusion;
que le rapport d'expertise avait établi que si le produit était de qualité médiocre, les tampons livrés étaient néanmoins conformes aux échantillons;
qu'en annulant le contrat en raison des imperfections originelles des échantillons, acceptés en l'état, sans constater ni un défaut de conformité, ni un vice caché dont l'acquéreur n'aurait pu se convaincre à la commande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil;
alors, d'autre part, que si dans son courrier du 29 septembre 1988, elle admettait que le produit était perfectible et que des améliorations allaient être recherchées, elle rappelait que les échantillons n'avaient fait l'objet d'aucune critique et qu'il n'était pas question d'envisager la résiliation du contrat;
qu'en déduisant de cette lettre l'aveu que le produit était impropre à l'usage de sorte qu'elle aurait donné son accord pour que les produits livrés soient d'une qualité différente des produits commandés, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre du 29 septembre 1988 et ainsi violé l'article 1134 du Code civil;
alors, de plus, que ni le contrat, ni le rapport d'expertise ne précisaient que les tampons étaient destinés à un usage professionnel;
que si l'expert énonçait dans son rapport que les tampons étaient impropres à un usage professionnel, il indiquait en revanche que ces derniers étaient propres à un usage particulier;
qu'en affirmant que, selon l'expert, les tampons litigieux étaient destinés à un usage professionnel et en retenant que les tampons litigieux étaient impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, la cour d'appel a dénaturé le contrat et le rapport d'expertise et, ainsi, violé l'article 1134 du Code civil;
alors, en outre, que le contrat prévoyait la possibilité de résilier le contrat au cours de la première année, uniquement en cas d'impossibilité pour elle de livrer dans les délais les tampons commandés;
que la société Sign Diffusion ne contestait pas la possibilité pour elle de livrer les tampons commandés, mais seulement sa possibilité de livrer des tampons de qualité supérieure à ceux qu'elle avait commandés;
qu'en énonçant qu'elle était dans l'impossibilité de livrer les objets désirés, l'expert visait des produits plus perfectionnés que ceux qui avaient été commandés;
qu'en relevant qu'elle était dans l'impossibilité de livrer les objets "désirés", sans rechercher si cette dernière était ou non dans l'impossibilité de livrer dans les délais les objets commandés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
et alors, enfin, que le caractère compréhensible du comportement d'une partie ne peut suffire à exclure l'existence d'une faute de sa part;
qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que si l'expert a qualifié de compréhensible le refus opposé par la société Sign Diffusion, il a cependant constaté que cette dernière avait signé le contrat en connaissance de cause et agit de façon légère et hâtive;
qu'en se bornant à relever, pour exclure toute faute de la part de la société Sign Diffusion, que le refus de cette dernière était compréhensible, sans rechercher si le refus fondé sur la mauvaise qualité d'un produit qu'elle avait commandé en toute connaissance de cause et de façon légère et hâtive n'était pas constitutif d'une faute de la part de la société Sign Diffusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1146 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que trois échantillons livrés par la société Lik s'étaient révélés impropres à leur usage, cette société ne contestant pas, dans une lettre du 29 septembre 1988, l'existence de défauts constatés, qu'un quatrième échantillon n'avait pas davantage donné satisfaction, que le rapport d'expertise avait confirmé d'un côté que lesdits échantillons étaient de très mauvaise qualité et que le résultat de leur utilisation s'avérait mauvais, d'un autre côté que la société Lik était dans l'impossibilité de délivrer dans les délais des produits, c'est hors toute dénaturation que la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a retenu, en premier lieu, que la société Lik avait fourni des produits impropres à l'usage auquel ils étaient destinés et se trouvait dans l'incapacité de livrer, dans les délais, des produits conformes à la commande et, en second lieu, que la société Sign Diffusion, en refusant lesdits produits, n'avait commis aucune faute;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lik aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Lik à payer à la société Sign Diffusion la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.