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10/02/1998 | FRANCE | N°94-16486

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 1998, 94-16486


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Turbo's Hoet pièces et véhicules, dont le siège est ..., venant aux droits de la société Turbo's Y... France, en cassation de deux arrêts rendus le 11 avril 1991 et le 3 mai 1994 par la cour d'appel de Douai (2e chambre civile), au profit :

1°/ de M. Michel Z..., demeurant Grotte de Rochecourbière, 26230 Grignan,

2°/ de la société Iveco Unic, société anonyme, dont le siège est ... Elancourt, dÃ

©fendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Turbo's Hoet pièces et véhicules, dont le siège est ..., venant aux droits de la société Turbo's Y... France, en cassation de deux arrêts rendus le 11 avril 1991 et le 3 mai 1994 par la cour d'appel de Douai (2e chambre civile), au profit :

1°/ de M. Michel Z..., demeurant Grotte de Rochecourbière, 26230 Grignan,

2°/ de la société Iveco Unic, société anonyme, dont le siège est ... Elancourt, défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 16 décembre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, MM. Vigneron, Dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, Métivet, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Ponsot, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Turbo's Hoet pièces et véhicules venant aux droits de la société Turbo's Y... France, de la SCP Guiguet, Bachellier et de La Varde, avocat de M. Z..., de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de la société Iveco Unic, sur les conclusions contraires de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société Turbo's Hoet pièces et véhicules de sa reprise d'instance au lieu et place de la société Turbo's Y... France ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 11 avril 1991 et 3 mai 1994), que M. Z... a acheté à la société Turbo's Y... France un tracteur pour transports routiers;

que des difficultés diverses sont intervenues pour faire "franciser" ce véhicule acheté par la venderesse à la société Turbo's Hoet Belgique;

que M. Z... a demandé à la société Turbo's Y... France judiciairement réparation du préjudice résultant du retard subi pour la mise en service du véhicule;

que la société Turbo's Y... France a appelé en garantie la société Iveco Unic, constructeur du véhicule, en prétendant que le retard résultait de son refus de fournir les documents utiles;

que par un premier arrêt, du 11 avril 1991, la cour d'appel de Douai a condamné la société Turbo's Y... France à indemniser M. Z... du préjudice subi à la suite de l'acquisition du tracteur, mais n'a pas apprécié le préjudice retenu et a renvoyé M. Z... a faire fixer les dommages-intérêts "ainsi qu'il en avisera";

que par cet arrêt, elle a également débouté la société Turbo's Y... France de son recours en garantie contre la société Iveco Unic;

que par un second arrêt du 3 mai 1994, la cour d'appel de Douai, saisie par M. Z..., après le refus des juges du premier degré de se reconnaître compétents pour lui accorder des dommages et intérêts, les lui a accordés pour un montant de 153 480 francs ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi formé contre la société Iveco Unic :

Attendu que la société Iveco Unic justifie avoir fait signifier le 7 mai 1991 à la société Turbo's Y... France l'arrêt du 11 avril 1991, par lequel la cour d'appel de Douai a, se prononçant à cet égard sur le fond du litige, rejeté le recours en garantie formée par cette dernière;

que le pourvoi a été formé plus de trois ans après cette signification;

qu'il est donc irrecevable en tant qu'il est formé contre la société Iveco;

que les deuxième et troisième moyens étant dirigés seulement contre cette dernière sont également irrecevables ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société Turbo's Y... France fait grief à l'arrêt du 11 avril 1991 de sa condamnation au profit de M. Z..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge a l'obligation d'apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis;

que dans ses conclusions additionnelles, la société Turbo's Hoet s'était expressément prévalue d'un bon de commande, annexé à la pièce n° 4, entre la société Turbo's Hoet Belgique et la société Turbo's Y... France en date du 8 février 1983, soit antérieurement à la prise de possession du véhicule par M. Z..., qui comportait une mention selon laquelle il avait été convenu avec le client Z... que la francisation du véhicule serait assurée par ses soins;

qu'en omettant de procéder à l'examen de cette pièce et de rechercher si, rapprochée du témoignage de M. X... d'après lequel il avait été omis dans la facture du 10 décembre 1982 de mentionner que la francisation était à la charge du client, il n'en résultait pas la preuve de l'obligation qu'avait M. Z... de procéder à cette francisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 1353 du Code civil;

alors, d'autre part, que le juge doit caractériser le lien de causalité entre la faute et le dommage;

qu'en l'espèce pour condamner la société Turbo's Hoet à indemniser M. Z... du préjudice qu'il aurait subi à l'occasion de l'acquisition de son véhicule, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la société Turbo's Hoet qui n'aurait pas informé M. Z... de l'obligation de procéder à la francisation du véhicule qu'il venait d'acheter était responsable des difficultés auxquelles il s'est heurté pour procéder à cette francisation ;

qu'en ne précisant pas en quoi ce prétendu manquement de la société à son obligation d'information envers M. Z... avait pu être ainsi à l'origine des difficultés rencontrées par ce dernier pour faire franciser son véhicule, la cour d'appel n'a pas caractérisé de lien de causalité entre la faute imputée à la société Turbo's Hoet et le dommage qu'aurait subi M. Z... et a violé l'article 1147 du Code civil;

alors, en outre, que dans ses conclusions d'appel signifiées le 30 janvier 1991 (p. 7) la société Turbo's Hoet avait fait valoir que seul le constructeur pouvait fournir la notice descriptive des caractéristiques techniques du véhicule qui manquait à M. Z... pour faire franciser son véhicule et que c'était d'ailleurs la société Iveco qui avait fini par remettre le document manquant après l'intervention de la société Turbo's Hoet;

qu'il ne pouvait donc être reproché à la société Turbo's Hoet de n'avoir pas remis à l'acheteur un document qui ne lui avait pas été fourni par le constructeur;

qu'en retenant la responsabilité de la société Turbo's Hoet, simple intermédiaire vendeur, envers M. Z... sans même expliquer non plus comment, indépendamment du prétendu manquement de la société à son obligation d'information, les difficultés éprouvées par l'acheteur pour obtenir la francisation de son véhicule pouvaient lui être imputables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil;

alors, au surplus, que la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle suppose l'existence d'un dommage subi par le créancier ;

qu'en l'espèce il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que M. Z... n'a pas apporté la preuve de son préjudice, faute de justifier de la date à laquelle la situation de son véhicule a pu être régularisée pour le mettre en service;

que la responsabilité de la société Turbo's Hoet à l'égard de M. Z... ne pouvait donc être engagée;

qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du Code civil;

et alors, enfin, que le juge ne peut se substituer à une partie pour administrer la preuve de son préjudice;

qu'en permettant à M. Z... qui n'avait pas prouvé le préjudice que lui aurait causé la société Turbo's Hoet de rapporter ultérieurement cette preuve, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1315 du Code civil et ainsi que l'article 9 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'analysant les écrits remis à M. Z..., ou émanant de lui, la cour d'appel en a déduit, sans avoir à se référer à des documents dont il n'a pas eu connaissance, qu'il n'avait pas été informé d'une quelconque réserve de la société venderesse quant aux conditions de "francisation" et à l'obligation qui lui serait faite de procéder lui-même aux diligences nécessaires ;

Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel a considéré que selon les prévisions contractuelles, telles que l'acquéreur pouvait les connaître, les diligences de "francisation" seraient exécutées par la société venderesse, sans qu'il ait à s'adresser au constructeur;

qu'elle en a pu en déduire, sans avoir à répondre particulièrement aux conclusions prétendument omises, que tout retard dans l'exécution de ces diligences était nécessairement imputable à cette société et l'obligeait à réparer le préjudice en résultant;

qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel ne s'est pas substituée à l'acquéreur dans l'administration de la preuve de son préjudice, dès lors que sans se dessaisir elle-même de l'instance, elle a renvoyé l'affaire pour qu'il apporte des preuves complémentaires ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Turbo's Y... France fait grief à l'arrêt du 3 mai 1994 de sa condamnation à indemniser M. Z..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que dès son prononcé le jugement dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche;

qu'en l'espèce l'arrêt du 11 avril 1991 ayant condamné la société Turbo's Hoet à payer à M. Z... la somme de 1 franc à titre de dommages et intérêts faute de justification de son préjudice a dessaisi la cour d'appel;

que M. Z... qui devait saisir à nouveau les premiers juges ne pouvait revenir devant la cour d'appel pour faire évaluer l'importance de son préjudice;

qu'en se prononçant néanmoins sur l'évaluation du préjudice de M. Z..., la cour d'appel a méconnu la règle du dessaisissement et violé l'article 481 du nouveau Code de procédure civile;

et alors, d'autre part, que pour être réparable le préjudice doit présenter un caractère certain;

qu'en se bornant à déduire le caractère certain du préjudice invoqué par M. Z... du seul fait que le véhicule en cause n'avait pu être utilisé pendant une certaine période sans même constater que ce dernier avait souffert corrélativement d'une perte d'exploitation ou avait eu besoin de louer un autre véhicule pour exercer son activité, ce dont M. Z... n'avait pas apporté la preuve, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel qui n'a, par son premier arrêt, ni fixé l'indemnité dont elle admettait le bien-fondé en son principe, ni rejeté la demande d'indemnité, ne s'est pas dessaisie de celle-ci ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a, en appréciant la valeur probante des éléments justifiant le préjudice dont elle avait antérieurement admis l'existence, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Turbo's Hoet pièces et véhicules aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Z... et de la société Iveco Unic ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-16486
Date de la décision : 10/02/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (2e chambre civile), 11 avril 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 1998, pourvoi n°94-16486


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:94.16486
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