AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Z..., administrateur judiciaire, agissant ès qualités de liquidateur de M. Hervé X..., ayant exploité un commerce sous la dénomination "Librairie des Collèges", domicilié en cette qualité ..., en cassation d'un arrêt rendu le 8 février 1994 par la cour d'appel de Douai (2e chambre civile), au profit de la société Cégébail, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 décembre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, MM. Grimaldi, Apollis, Lassalle, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, Mme Geerssen, M. Rémery, conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de Me Vuitton, avocat de M. Z..., ès qualités, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société Cégébail, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1413 du Code civil et 57 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. X... ayant conclu le 16 avril 1987 un contrat de crédit-bail avec la société Compagnie générale de crédit-bail (la société Cégébail), son épouse s'est, le même jour, déclarée tenue au paiement de toute somme due au titre de ce contrat notamment en cas de redressement ou de liquidation judiciaires du crédit-preneur;
que M. X... ayant été mis en redressement judiciaire le 4 janvier 1990, puis en liquidation judiciaire le 11 décembre 1990, la société Cégébail a obtenu en 1992 la condamnation de Mme Ducourant Y... à lui payer une certaine somme, après avoir été autorisée le 28 mars 1990 à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble commun des époux;
que la société Cégébail ayant fait inscrire l'hypothèque judiciaire définitive, le liquidateur judiciaire de M. X... a demandé que ces inscriptions prises après l'ouverture de la procédure collective soient déclarées nulles ;
Attendu que pour rejeter cette demande l'arrêt énonce que si, aux termes des articles 47 et 57 de la loi du 25 janvier 1985, le jugement d'ouverture d'une procédure collective suspend ou interdit de la part du créancier dont la créance a son origine antérieurement à ce jugement toute action en justice comme toute voie d'exécution contre le débiteur ainsi que toute inscription d'hypothèque, nantissement ou privilège, ce jugement n'a pas pour effet d'interdire au même créancier de poursuivre en paiement ou en exécution ou de prendre des garanties à l'encontre de tout autre débiteur tenu aux mêmes dettes, ce débiteur fût-il le conjoint commun en biens du débiteur en redressement judiciaire, chacun des époux étant, aux termes de l'article 1413 du Code civil, tenu de ses dettes pour quelque cause que ce soit pendant la communauté et pouvant être poursuivi sur les biens communs, sauf récompense ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la communauté répond des dettes de chacun des époux et que, pendant sa durée, les droits de l'un et l'autre des époux ne peuvent être individualisés sur tout ou partie des biens communs ou sur l'un d'entre eux, de sorte que l'hypothèque constituée sur un immeuble commun ne peut plus faire l'objet d'une inscription postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'un des époux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société Cégébail aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Cégébail à payer à M. Z..., ès qualités, la somme de 10 000 francs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.