AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Antoine Y..., demeurant ..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Atelsa France, dont le siège est ...,
2°/ de M. Pierre X..., domicilié ..., ès qualité de liquidateur amiable de la société Atelsa Location, en cassation d'un arrêt rendu le 2 février 1995 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 1re section), au profit de la société Rent A Car, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 décembre 1997, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Gomez, conseiller, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de M. Y..., ès qualités et de M. Boyer, ès qualités, de la SCP Defrénois et Levis, avocat de la société Rent A Car, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. A..., ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la société Rent A Car et à M. Z..., ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la même société de leur reprise d'instance ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que la société Atelsa France, licenciée des sociétés Thrifty Rent A Car et Trac System pour l'exploitation d'un procédé de location de voitures a conclu avec la société Rent A Car un contrat de franchisage avec le droit d'utilisation de la marque et de l'enseigne Thrifty ; que la société Atelsa France et un de ses franchisés, la société Atelsa Location, ont assigné la société Rent A Car en lui reprochant d'utiliser frauduleusement leurs véhicules et de ne pas payer les redevances ; que la société Atelsa France est représentée par M. Dumoulin, agissant en qualité de liquidateur et la société Atelsa Location est représentée par M. Boyer agissant en qualité de liquidateur amiable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que MM. Y... et X... font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution du contrat de franchisage alors, selon le pourvoi, que c'est sur le contractant qui demande la résolution d'un contrat pour inexécution que pèse la charge de la preuve de l'inexécution ; que, la décision en affirmant que la société Atelsa France est dans l'incapacité de justifier de l'application concrète du contrat, et plus précisément, tant de la transmission du savoir-faire que de l'assistance aux franchisés au cours de l'exécution du contrat de franchisage, et que d'ailleurs la société Atelsa France ne peut justifier de sa propre compétence ni comme franchiseur ni comme "master" franchisé, ni même en matière de location de véhicules, a inversé la charge de la preuve et par là-même, violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Rent A Car demande la résolution du contrat de franchisage en faisant valoir que le franchiseur a manqué à ses obligations et que la société Atelsa ne conteste pas avoir omis de lui remettre un livre contenant les procédures, ainsi que cela était prévu par le contrat et qu'elle ne démontre pas qu'elle a fourni au franchisé le savoir-faire et l'assistance également prévus par le contrat ;
que, sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a retenu que le franchiseur ne démontrait pas qu'il avait satisfait à ses obligations ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que MM. Y... et X... font grief à l'arrêt d'avoir retenu le principe de la restitution des sommes versées par la société Rent A Car et d'avoir ordonné une expertise pour en déterminer le montant alors, selon le pourvoi, que si, au cas de résolution d'un contrat, les choses doivent normalement être remises dans le même état que si les choses n'avaient pas existé, il ne peut y avoir restitution totale pour les contrats à exécution successive, dès lors surtout que ceux-ci comportent des prestations qui ne peuvent être restituées ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le contrat de franchisage conclu entre la société Atelsa France et la société Rent A Car donnait à cette dernière le droit d'exploiter une ou plusieurs agences de location de véhicules sous l'enseigne "Thrifty" ; qu'à supposer dès lors que la société Atelsa France n'ait pas rempli ses obligations de transmettre un savoir-faire à la société Rent A Car, il n'en restait pas moins que cette dernière avait exploité un fonds de commerce sous l'enseigne Thrifty droit concédé par elle ; que la décision ne pouvait donc, sans violer l'article 1384 du Code civil, décider que la totalité des sommes versées à la société Atelsa France par la société Rent A Car devait être restituée à celle-ci ;
Mais attendu que la cour d'appel a pu décider que si le principe de la restitution des sommes versées par la société Rent A Car devait être retenu, il convenait d'ordonner une expertise pour déterminer, "tous droits et moyens des parties étant réservés" les montant des restitutions ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour infirmer le jugement qui avait accueilli la demande de la société Atelsa Location, franchisée de la société Atelsa France, qui reprochait à la société Rent A Car d'utiliser frauduleusement ses véhicules, la cour d appel ne justifie sa décision par aucun motif, qu'ainsi elle n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt condamne avec M. Dumoulin, liquidateur judiciaire de la société Atelsa France, M. Boyer en qualité de liquidateur amiable de la société Atelsa Location au paiement de la somme de dix mille francs ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les dispositions de l'arrêt relatives aux dépens se trouvaient dans un lien de dépendance nécessaire avec celles relatives à la condamnation au paiement de la somme réclamée par la société Atelsa Location et qui seront cassées , la cour d'appel n'a pas davantage satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt condamne M. Boyer, ès qualités, solidairement avec M. Dumoulin, es qualités, au paiement de la somme de dix mille francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les dispositions de l'arrêt relatives aux dépens se trouvaient dans un lien de dépendance nécessaire avec celles relatives à la condamnation au paiement de la somme réclamée par la société Atelsa Location et qui seront cassées , la cour d'appel n'a pas non plus satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du quatrième moyen :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de paiement de la somme de 63 143,16 francs présentée par la société Atelsa Location, en ce qu'il a condamné M. Boyer, es qualités, solidairement avec M. Dumoulin, ès qualités, au paiement des dépens et au paiement de la somme de dix mille francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 février 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la Société Rent A Car et MM. A... et Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes tant des demandeurs que de la défenderesse ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.