AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Florodis Super U, société à responsabilité limitée dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 1994 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e Chambre sociale), au profit de Mme Jeanine X..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 novembre 1997, où étaient présents : M. Monboisse, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, Mme Lemoine-Jeanjean, conseiller, Mme Bourgeot, M. Besson, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Florodis Super U, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 novembre 1994), Mme X..., employée en qualité de caissière par la société Floradis Super U, a, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, signé, le 24 octobre 1991, un reçu pour solde de tout compte ; que, soutenant que la responsabilité de la rupture de son contrat de travail incombait à l'employeur, elle a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir notamment le paiement d'une indemnité de préavis et de licenciement, ainsi que de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
Attendu que la société Floradis Super U fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli les demandes de la salariée, alors, selon le moyen, qu'il résulte des termes de la lettre de démission du 9 septembre 1991 et de la lettre datée du 14 septembre suivant, que la salariée imputait la rupture de son contrat de travail au comportement de son employeur et qu'elle avait, dès lors, nécessairement envisagé les indemnités de rupture et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle avait signé le reçu litigieux le 24 octobre 1991, peu important, à cet égard, qu'un doute existât sur la décision qui serait prise ultérieurement par la juridiction prud'homale ; qu'en refusant un effet libératoire à ce reçu rédigé en termes généraux et visant toutes indemnités quelle qu'en soit la nature dues au titre de l'exécution ou de la cessation du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 122-17 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, lors de la signature du reçu pour solde de tout compte, existait entre les parties un différend sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail soumis ultérieurement par la salariée à la juridiction prud'homale, la cour d'appel a, par là-même, fait ressortir qu'à la date du reçu, le droit invoqué au paiement des indemnités liées à la rupture du contrat de travail n'était pas encore né ; qu'elle a, dès lors, exactement décidé que le reçu pour solde de tout compte n'avait pas d'effet libératoire à l'égard de ces indemnités ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le pourvoi n'étant pas abusif, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de Mme X... en paiement de dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette la demande de Mme X... en paiement de dommages-intérêts pour exercice d'un recours abusif ;
Condamne la société Florodis Super U aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.