AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jeannot X..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 juin 1995 par la cour d'appel de Nancy (3e chambre civile), au profit de Mme Andrée Y..., épouse X..., défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience du 3 décembre 1997, où étaient présents : M. Zakine, président, Mme Solange Gautier, conseiller rapporteur, M. Chevreau, conseiller, M. Monnet, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Solange Gautier, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de M. X..., de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Nancy, 9 juin 1995) d'avoir prononcé le divorce des époux X... aux torts du mari, alors, selon le moyen, que chacun a droit au respect de sa vie privée ; que si, en vertu d'une autorisation de justice, un huissier peut procéder à un constat portant atteinte licitement à la vie privée d'un époux, il lui est, en revanche, interdit, en l'absence de toute autorisation de justice, de se livrer en secret et nuitamment à la surveillance des agissements d'un citoyen dans sa vie privée, à l'insu de celui-ci ; qu'en se fondant sur un constat établi dans de telles conditions, la cour d'appel a violé l'article 9 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte des documents produits et de l'arrêt que l'huissier de justice, a constaté que M. X..., pour éviter un constat d'adultère, quittait le domicile de sa maîtresse à 5 h 30 h du matin après avoir sorti sa voiture dissimulée dans le garage de celle-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné M. X... à verser à son épouse une prestation compensatoire, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en supposant que M. X... percevrait des revenus complémentaires lorsqu'il serait à la retraite, sans fournir aucune indication ni sur les éléments de nature à justifier pareille supposition, ni sur le montant de ces revenus, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en énonçant que M. X..., compte tenu d'une plus longue durée d'activité professionnelle, bénéficiera d'une retraite plus élevée que celle de sa femme, sans répondre aux conclusions par lesquelles il faisait valoir que le fait qu'il ait travaillé plus longtemps que la partie adverse n'a strictement aucune influence sur le montant de la retraite, étant donné qu'elle bénéficie d'un nombre de trimestrialités suffisant pour lui permettre de prétendre à une retraite maximum, la cour d'appel a, pour cette raison encore, privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt a relevé que Mme X..., au chômage depuis neuf ans, percevait des prestations des ASSEDIC et avait justifié du montant de sa prochaine retraite par la production de courriers des organismes intéressés ; que son mari, encore en activité, n'avait produit, pour établir le montant de sa retraite, qu'un document de la CRAM ; qu'il ne justifiait pas du montant des retraites complémentaires ; que, compte tenu d'une plus longue durée d'activité professionnelle, il bénéficierait d'une retraite en rapport avec les salaires perçus et plus élevée que celle de sa femme ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions sans motif hypothétique, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, retenu que la rupture du mariage créait une disparité dans les conditions de vie des époux qu'il convenait de compenser par une prestation dont elle a apprécié le montant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.