AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Viviane X..., "Coiffure 17", demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 23 février 1995 par la cour d'appel de Rouen (3e Chambre civile et sociale), au profit de Mme Yvonne Y..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 novembre 1997, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, M. Finance, conseiller, M. Soury, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 23 février 1995), statuant sur renvoi après cassation, Mme Y..., après avoir vendu son salon de coiffure à Mme X..., a été engagée, selon un contrat à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 1983, en qualité de "gérant technique", par cette dernière qui n'était pas titulaire du brevet professionnel pour assurer l'exploitation du salon de coiffure ; que, soutenant que son contrat de travail n'avait pas été interrompu du 1er octobre 1983 au 31 mars 1987, Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir notamment le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire pendant cette période ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée au paiement de rappels de salaire pendant la période précitée, alors, selon le pourvoi, que, premièrement, la volonté dépourvue d'équivoque de Mme Y... de mettre fin au contrat de travail résultait de son comportement, le fait qu'elle ait organisé son activité de façon totalement libre et qu'elle n'ait jamais réclamé ni salaire, ni bulletins de salaire ; qu'ainsi, les juges du fond ont violé l'article 1134 du Code civil ;
alors que, deuxièmement, le lien de subordination, élément essentiel du contrat de travail, n'a pas été caractérisé, en l'espèce, par les juges du fond ;
qu'en effet, le diplôme possédé par Mme Y... constituait la contrepartie des sommes qui lui ont été versées pendant cette période de collaboration, comme le soutenait Mme X... dans ses conclusions ; alors que, troisièmement, les juges du fond ne pouvaient, sans violer les articles 16 et 455 du nouveau Code de procédure civile, viser sans aucune précision des attestations de clients non visées dans les propres conclusions de Mme Y... ; alors que, quatrièmement, les juges du fond ne pouvaient, sans dénaturer les conclusions des parties et violer l'article 1134 du Code civil, d'une part, tirer la preuve d'un lien de subordination de l'existence de bulletins de salaires, alors qu'il n'était pas contesté qu'aucun bulletin n'avait été établi et, d'autre part, relever que Mme X... invoquait "l'insoumission" de Mme Y..., alors que, tout au contraire, elle soutenait qu'une volonté de collaboration s'était établie entre les parties pendant cette période ;
Mais attendu qu'après avoir exactement retenu que l'interruption du contrat de travail de Mme Y... pendant la période du 1er octobre 1983 au 31 mars 1987 ne pouvait résulter que d'une volonté claire et dépourvue d'ambiguïté de cette dernière, la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a estimé, hors toute dénaturation, que la preuve d'une telle volonté de la part de la salariée n'était pas rapportée ; que, par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.