AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Pierre X..., demeurant Mas de Fray, 13310 Saint-Martin-de-Crau, en cassation d'un arrêt n° 42 rendu le 7 mai 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), au profit du département des Bouches-du-Rhône, direction des Routes, des Transports et des Equipements, dont le siège est arrondissement d'Arles, Pavillon du Canal, ..., défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 novembre 1997, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Cachelot, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Cachelot, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de M. X..., de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat du département des Bouches-du-Rhône, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés, que les pins affectés par l'expropriation, situés en bordure d'un chemin d'exploitation agricole, en pleine campagne et non à proximité d'habitation où leur valeur ornementale pouvait être appréciée, étaient très communs dans la région et n'offraient rien d'exceptionnel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 35 du décret du 26 octobre 1849, modifié par le décret du 25 juillet 1960 ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mai 1996), qui fixe le montant de l'indemnité lui revenant à la suite de l'expropriation au profit du département des Bouches-du-Rhône de parcelles lui appartenant pour la construction d'une route divisant en deux parties le domaine qu'il exploite, de limiter à une certaine somme l'indemnisation de la dépréciation des délaissés, alors, selon le moyen, "que le juge de l'expropriation tire de son office le pouvoir et le devoir de se prononcer sur toutes les conséquences dommageables subies par l'exproprié eu égard à l'expropriation;
que plus particulièrement, le juge de l'expropriation était compétent pour se prononcer sur la dépréciation liée aux conditions d'exploitation d'un vaste domaine d'un seul tenant, divisé en deux par la voie nouvelle;
qu'en refusant d'indemniser le préjudice spécial lié à la dangerosité du franchissement de la voie nouvelle invoquée par l'exproprié et les conséquences qui s'ensuivaient sur les conditions mêmes de l'exploitation, la cour d'appel méconnaît son office et partant viole les articles L. 13-6 et L. 13-13 du Code de l'expropriation" ;
Attendu que le litige pose la question de savoir si le préjudice spécial, lié à la dangerosité du franchissement de la voie nouvelle invoqué par l'exproprié et les conséquences s'ensuivant sur les conditions mêmes de l'exploitation, résulte directement de l'expropriation elle-même ou trouve son origine dans l'implantation de l'ouvrage public que constitue cette nouvelle route;
qu'un jugement du tribunal administratif a déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître de ce litige;
que celui-ci présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse de nature à justifier le renvoi devant le Tribunal des conflits ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le second moyen du pourvoi ;
Renvoie l'affaire au Tribunal des conflits sur la question de la compétence ;
Surseoit à statuer jusqu'à décision de ce Tribunal ;
Dit qu'une expédition du présent arrêt, ainsi qu'un dossier comprenant notamment le texte de la décision attaquée, seront transmis par le greffier en chef de la Cour de Cassation au secrétaire du Tribunal des conflits ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.