AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Marc X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 16 mars 1995 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale), au profit de la société René Guinot, société anonyme, ayant son siège social ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 novembre 1997, où étaient présents : M. Desjardins, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Lanquetin, conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, MM. Boinot, Richard de la Tour, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lanquetin, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 751-9 et L. 751-11 du Code du travail et 14 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé comme VRP exclusif le 30 mai 1988 par la société Guinot pour la diffusion de produits de beauté, a été licencié en juin 1992, avec dispense de préavis ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité de clientèle, la cour d'appel a énoncé que l'article 10 du contrat liant les parties stipulait qu'en cas de rupture du fait de l'employeur "les deux parties acceptent que l'indemnité de clientèle soit remplacée par l'indemnité spéciale de rupture", et que même si cette clause était nulle, le salarié, ayant accepté sans réserve le versement de l'indemnité spéciale de rupture, avait renoncé à se prévaloir de la nullité qu'il invoque et qu'en tout état de cause, il ne pouvait prétendre à une telle indemnité, ayant retrouvé aussitôt un emploi similaire dans une entreprise concurrente ;
Attendu cependant, que d'une part, le droit du VRP à une éventuelle indemnité de clientèle est d'ordre public, et que cette indemnité ne peut être déterminée forfaitairement à l'avance, ce dont il résulte qu'il ne peut y être renoncé contractuellement lors de l'embauche du salarié, d'autre part que la seule acceptation par le salarié du versement spontané par l'employeur de l'indemnité spéciale de rupture ne suffit pas à caractériser la renonciation du salarié à l'indemnité de clientèle, dans les conditions fixées par l'article 14 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'indemnité de clientèle, l'arrêt rendu le 16 mars 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.