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16/12/1997 | FRANCE | N°95-13791

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 1997, 95-13791


Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 13 février 1995), que la société Guilindair a vendu, le 2 janvier 1985, l'avion de tourisme qu'elle exploitait à la société en nom collectif Herblot et compagnie (société Herblot), laquelle a loué le mois suivant l'appareil à la société Air Jet ; que l'administration des Impôts, informée de la vente à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société Guilindair, a mis en demeure la société Herblot de la déclarer puis, devant l'inaction de celle-ci, lui a notifié une taxation d'office de

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Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 13 février 1995), que la société Guilindair a vendu, le 2 janvier 1985, l'avion de tourisme qu'elle exploitait à la société en nom collectif Herblot et compagnie (société Herblot), laquelle a loué le mois suivant l'appareil à la société Air Jet ; que l'administration des Impôts, informée de la vente à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société Guilindair, a mis en demeure la société Herblot de la déclarer puis, devant l'inaction de celle-ci, lui a notifié une taxation d'office des droits de mutation estimés dus et des pénalités ; que la société Herblot a demandé au Tribunal l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation contre cette taxation d'office ;

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Herblot reproche aussi au jugement d'avoir rejeté son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de vérification ayant permis à l'administration des Impôts de connaître l'existence de l'opération, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en contrôlant d'office ses factures grâce au registre à souches consignant leur double, qu'elle avait utilisé à la suite de la société Guilindair et que celle-ci avait remis à un inspecteur-vérificateur pour justifier sa propre comptabilité, l'agent chargé uniquement de la vérification de la comptabilité de la société Guilindair a irrégulièrement étendu son contrôle à la comptabilité de la société Herblot en violation des conditions posées par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; alors, d'autre part, que, dans la mesure où il retraçait ses propres opérations commerciales, le facturier contenait les pièces de recettes de la société Herblot et justifiait sa propre comptabilité, de sorte que, par elle-même, la seule remise du registre par la société Guilindair dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle faisait l'objet, afin de justifier ses propres comptes, n'autorisait pas l'administration fiscale à y contrôler motu proprio les factures de la société Herblot, tiers à la vérification, sans en aviser celle-ci ; que, faute d'une quelconque demande tendant spécialement à leur communication, un tel contrôle illégal n'a pas pu régulièrement révéler à l'administration fiscale le supplément d'imposition due sur la vente du 2 janvier 1985 et valider la procédure d'imposition ; qu'en décidant du contraire, le Tribunal a violé les articles L. 47 et L. 66 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; alors, encore, que le Tribunal, qui a écarté le moyen tiré de l'utilisation par l'administration des impôts de son droit de communication, n'a pas, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, répondu à ses conclusions faisant valoir que l'administration fiscale avait elle-même explicitement reconnu, dans son mémoire en défense, avoir exercé à son encontre son droit de communication ; et alors, enfin, qu'en toute hypothèse, la demande du 5 janvier 1987 ayant été présentée afin de répondre à ses observations consécutivement au premier redressement notifié le 23 décembre 1986, sur la base du contrôle des factures effectué lors de la vérification de comptabilité de la société Guilindair, la nullité de ce redressement fondée sur un contrôle illégal des factures de la société Herblot et que l'administration fiscale a décidé d'abandonner et de faire reprendre par un autre service par la voie de la taxation d'office, entraînait par voie de conséquence la nullité de la procédure suivie dans ce cadre, de sorte que les renseignements ainsi obtenus ne pouvaient en tout état de cause révéler régulièrement un supplément d'imposition ; qu'en décidant du contraire, le Tribunal a violé les articles L. 10, L. 47 et L. 66 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Mais attendu, en premier lieu, que, n'étant allégué ni que la vérification de la comptabilité de la société Guilindair ait été irrégulière, ni que le facturier litigieux n'ait pas fait partie de cette comptabilité, le jugement a pu retenir que l'administration des Impôts, sur laquelle reposait la charge de la preuve de l'existence de la vente tenue secrète à son endroit, et qui pouvait faire cette preuve par tous moyens compatibles avec la procédure écrite, avait la possibilité de faire usage à l'encontre de la société Herblot des éléments qui, tirés de ce facturier et ultérieurement confortés, faisaient cette preuve ; qu'il a pu en conséquence décider que, bien que la société Herblot ait cru pouvoir compléter par ses propres écritures le facturier de la société Guilindair, cette circonstance ne suffisait pas à transférer ce livre de la comptabilité de cette société à celle de la société Herblot et par conséquent à n'en autoriser l'examen que dans le cadre d'une vérification de la comptabilité de la société Herblot ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant décidé, au vu des éléments de preuve qui lui étaient soumis, et en écartant la portée que la société Herblot attribuait à la lettre du 5 janvier 1987, dont elle faisait état, que ce n'était pas par l'usage de son droit de communication que l'administration fiscale avait connu les documents révélant l'existence de la vente de l'avion, le Tribunal, répondant ainsi en les rejetant aux conclusions invoquées, a pu statuer comme il a fait ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Herblot reproche enfin au jugement d'avoir décidé que l'opération litigieuse était soumise aux dispositions de l'article 720 du Code général des impôts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, par application de ce texte, les deux activités successives doivent être non seulement similaires mais identiques ; qu'en décidant que la vente de l'avion de la société Guilindair à la société Herblot était imposable sur le fondement de ce texte dès lors que l'aéronef faisait toujours partie d'une convention de location et sans égard pour les modalités effectives d'exploitation de la société Guilindair, qui exploitait directement l'appareil en louant subsidiairement les heures disponibles, et de la société Herblot qui a donné l'avion en location à la société Air Jet, seule habilitée à l'utiliser en vue du transport en public, le Tribunal a violé par fausse application le texte susvisé ; alors, d'autre part, qu'en se déterminant uniquement au regard de la qualification juridique identique des conventions d'exploitation, sans rechercher si, contrairement à son exploitation exclusive par le seul locataire de la société Herblot, l'avion n'était pas antérieurement exploité par la société Guilindair qui avait la qualité de transporteur et qui avait seulement chargé la société Rapidair de louer les heures disponibles, ainsi qu'il résultait de la lettre du 15 juillet 1982 de la société Rapidair convenant avec la société Guilindair que " nous ne pourrons disposer de l'appareil que dans la mesure des heures disponibles que vous, propriétaire, nous indiquerez, vous réservant prioritairement l'utilisation de l'appareil comme bon vous semble ", le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 720 du Code général des impôts ; alors, ensuite, que, si l'alinéa 1 de l'article premier de la convention d'exploitation conclue avec la société Herblot se borne à stipuler que celle-ci, simple cliente prioritaire pour ses réservations, " accorde... l'exclusivité de la location de son appareil... à la société Air Jet ", l'alinéa 1er de l'article premier de la convention d'exploitation du 23 décembre 1981 réservait au contraire le droit d'exploitation de la société Guilindair, auquel ne pouvait préjudicier la location, en ajoutant que " toutefois, le locataire ne pourra disposer de l'appareil que lorsque le propriétaire ne désirera pas l'utiliser pour ses besoins propres ou ceux de son personnel " ; qu'en décidant que les conventions d'exploitation étaient identiques juridiquement, le Tribunal en a dénaturé les termes en violation de l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que l'opération qui a pour objet de restructurer l'exploitation d'un groupe de deux sociétés constituées par les mêmes associés échappe à l'imposition des conventions qui ne tendent qu'à faire succéder une partie dans l'activité de son auteur ; qu'en décidant du contraire, sans autrement justifier sa décision par des motifs propres à exclure la restructuration alléguée, le Tribunal a violé l'article 720 du Code général des impôts ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'identité des activités du cédant et du cessionnaire peut n'être que partielle ; qu'après avoir relevé que, pour l'exploitation de l'appareil par des tiers, les conventions passées respectivement par les sociétés Guilindair et Herblot étaient rédigées en termes pratiquement identiques, ce dont il résultait que les activités respectives des sociétés l'étaient aussi, au moins partiellement, le Tribunal, qui n'a pas dénaturé ces conventions, a légalement justifié sa décision au regard des première, deuxième et troisième branches du moyen ;

Attendu, en second lieu, que résultent des énonciations du jugement le caractère distinct des deux personnes morales ainsi que le caractère onéreux de la cession ; qu'à partir de ces énonciations, le Tribunal a pu décider que l'opération litigieuse était soumise aux droits d'enregistrement prévus par l'article 720 du Code général des impôts ;

Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-13791
Date de la décision : 16/12/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Vérification de comptabilité - Usage à l'encontre d'un tiers - Possibilité.

1° L'administration des Impôts, sur laquelle repose la charge de la preuve de l'existence d'une opération tenue secrète à son endroit, et qui peut faire cette preuve par tous moyens compatible avec la procédure écrite, a la possibilité de faire usage d'un document régulièrement obtenu au cours de la vérification de la comptabilité d'un tiers, la circonstance que ce document contienne aussi les écritures d'un autre contribuable non visé par la vérification n'interdisant pas à l'Administration de l'examiner en son entier.

2° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre onéreux de meubles - Convention permettant d'exercer une fonction occupée par un précédent titulaire - Identité des activités successives - Identité partielle - Condition suffisante.

2° Pour l'application de l'article 720 du Code général des impôts, l'identité des activités du cédant et du cessionnaire peut n'être que partielle.


Références :

2° :
CGI 720

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 13 février 1995

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1991-12-17, Bulletin 1991, IV, n° 390 (3), p. 270 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 déc. 1997, pourvoi n°95-13791, Bull. civ. 1997 IV N° 346 p. 300
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 346 p. 300

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Vigneron.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, M. Goutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.13791
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