AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Pierre Z..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 19 septembre 1994 par la cour d'appel de Paris (21ème chambre, section A), au profit :
1°/ de la société Rondeleux, société anonyme, dont le siège est ...,
2°/ de M. X..., demeurant ..., administrateur judiciaire de la SA Rondeleux,
3°/ de Me Y..., demeurant ..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Rondeleux,
4°/ du G.A.R.P., dont le siège est ...,
5°/ de la société des Bourses françaises, SBF, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
La société des Bourses françaises, la société Rondeleux, et MM. Y... et X..., ès qualités, ont formé un pourvoi incident ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 novembre 1997, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Brissier, Texier, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de Me Olivier de Nervo, avocat de M. Z..., de Me Boullez, avocat de la société Rondeleux, de M. X..., ès qualités, et de M. Y..., ès qualités, de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société Des Bourses françaises, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que M. Z... a été engagé, le 19 novembre 1951, en qualité de commis d'agent de change, par la société Rondeleux;
que sa rémunération comportait un fixe mensuel payé sur 14 mois et demi, avec un minimum global annuel garanti fixé en dernier lieu à 459 000 francs;
que le 6 juillet 1989, la société a été déclarée en redressement judiciaire et, le 17 août 1989, un plan de redressement par voie de cession partielle d'actifs est intervenu;
que le 14 septembre 1989, le salarié a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique;
qu'il a saisi la juridiction prud'homale en réclamant le paiement de diverses sommes et la garantie de la société des Bourses Françaises ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 1994) d'avoir rejeté sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 40 de la convention collective du personnel parisien de la compagnie des agents de change, alors, selon le moyen, que la loi n 88-70 du 22 janvier 1988 dispose que les agents de change en fonction à la date de sa publication exerceront de plein droit les activités des sociétés de bourse;
qu'en décidant que le texte de la convention collective des agents de change applicable à l'espèce, visant la suppression d'office ou de fusion de charges ne s'appliquait pas lors de la suppression d'autorité d'une société de bourse car il ne s'agissait pas de la suppression d'un office ministériel, la cour d'appel a violé l'article 24 de la loi du 22 janvier 1988, l'article 40 de la convention collective des agents de change et l'article 1134 du Code civil;
alors, en outre, que l'article 22 de la loi du 22 janvier 1988, remplaçant les agents de change par les sociétés de bourse prévoit :
"les dispositions de la présente loi n'ont pas pour effet de modifier ou annuler les contrats et accords collectifs du travail en vigueur à la date de la promulgation de la présente loi";
qu'en décidant que l'article 40 de la convention collective du personnel parisien des agents de change ne s'appliquait pas aux sociétés de bourse, la cour d'appel a violé l'article 22 de la loi du 22 janvier 1988, l'article 40 de la convention collective précitée et l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que le licenciement de M. Z... était intervenu à la suite du redressement judiciaire de la société Rondeleux et d'une cession partielle d'actifs au profit de deux banques, a décidé, à bon droit, que l'intéressé ne pouvait prétendre à l'indemnité prévue par l'article 40 de la convention collective du personnel parisien de la compagnie des agents de change en cas de suppression d'office ou de fusion de charges;
que par ce seul motif, abstraction faite de motifs surabondants, elle a légalement justifié sa décision;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les pourvois incidents de la société des Bourses françaises, de la société Rondeleux et de MM. Y... et X... ès qualités :
Attendu que la société des Bourses françaises fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à garantir le paiement d'une somme correspondant à un complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement due à M. Z..., que MM. Y..., X... et la société Rondeleux font grief au même arrêt d'avoir fixé la créance de M. Z... dans le redressement judiciaire de la société Rondeleux à une certaine somme correspondant à un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen de la société des Bourses françaises, qu'une convention collective constitue un tout dont les stipulations s'interprètent les unes par les autres;
que si l'article 37 de la convention collective du personnel parisien de la compagnie des agents de change ne définit pas le traitement fixe perçu le mois qui a précédé le licenciement, ce salaire fixe est celui défini à l'annexe I de la convention collective et apparaissant comme tel sur le bulletin de salaire par opposition au salaire variable défini à la même annexe comme une participation aux résultats bénéficiaires de la charge;
que le troisième alinéa du même article 37, qui prévoit :
"l'indemnité (de licenciement) ne peut dépasser 24 mois de salaire désigné ci-dessus qui s'entend du salaire annuel garanti divisé par douze", renvoie nécessairement au salaire fixe prévu et garanti par la convention collective, à l'exclusion du salaire annuel éventuellement garanti par l'employeur;
qu'en calculant l'indemnité du salarié en fonction du salaire fixe annuel prévu par son contrat individuel de travail et non en fonction de la partie fixe de la rémunération perçue le dernier mois qui a précédé le licenciement et garantie par la convention collective, la cour d'appel a violé, outre l'article 37 précité, l'article 1134 du Code civil;
alors, selon le moyen de MM. Y..., X... et de la société Rondeleux, que selon l'article 37 de la convention collective, le traitement fixe mensuel servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est le douzième du salaire annuel garanti, tel qu'il était fixé à la date d'établissement du bulletin de paie du mois précédant le licenciement;
qu'ils avaient fait valoir dans leurs conclusions demeurées sans réponse que le salarié avait bien perçu, ainsi que le mentionnaient ses bulletins de salaire, des appointements fixes versés sur 14,5 mois et des rémunérations variables payées sur 12 mois et sur lesquelles il avait bénéficié d'un abattement fiscal de 20 %;
que la cour d'appel, en faisant abstraction des deux sortes de rémunérations perçues par le salarié et mentionnées dans ses bulletins de paie en estimant que le salarié avait perçu un salaire annuel brut fixe de 450 000 francs sur 14,5 mois, ce qui est inexact, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en application de l'article 37, alinéa 1 de la convention collective du personnel parisien de la compagnie des agents de change, l'indemnité de licenciement est "calculée sur la base du traitement fixe perçu le mois qui a précédé le licenciement" et qu'en vertu de l'alinéa 3 de ce texte, "l'indemnité ne peut dépasser 24 mois de salaire désigné ci-dessus qui s'entend du salaire annuel garanti divisé par douze";
que dès lors, la cour d'appel a fait, sans encourir les griefs des moyens, une exacte application de ce texte en décidant que l'indemnité conventionnelle de licenciement devait se calculer sur la base du douzième du salaire annuel garanti au salarié;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.