REJET sur le pourvoi formé par :
- X... Claude,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, du 5 décembre 1996, qui, pour publicité de nature à induire en erreur et infractions à la législation de la formation professionnelle, l'a condamné à 30 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation, L. 980-1, L. 981-1 et L. 981-3 du Code du travail et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a déclaré le président d'une association consacrée à la formation professionnelle en alternance (Claude X...) coupable de publicité trompeuse ;
" aux motifs que l'association AFIFA avait fait paraître dans le journal Ouest-France du 17 mars 1994 une annonce ainsi libellée :
"AFIFA Association Française pour la Formation en Alternance "Une formation, un métier, un emploi "BTS FORCE DE VENTE "en alternance "Institut de formation/Entreprise/Formation rémunérée" (arrêt p. 3 et 4) ; qu'était prohibée par l'article L. 121-1 du Code de la consommation toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur la portée des engagements pris par l'annonceur ; que l'annonce diffusée par l'AFIFA, dont le prévenu était président, devait s'apprécier dans son entier et par rapport au public auquel elle s'adressait, c'est-à-dire aux jeunes bacheliers à la recherche d'une formation, d'un métier, d'un emploi, dans un contexte économique de chômage des jeunes à la recherche d'un premier emploi ; qu'à la lecture de la publicité ci-dessus reproduite, le jeune candidat au BTS Force de vente se voyait proposer une formation en alternance ; institut de formation/entreprise avec formation rémunérée ; qu'une telle proposition était susceptible de l'induire en erreur dès lors qu'elle laissait à penser que la rémunération s'attachait à la formation dispensée par l'institut de formation et non par l'entreprise dans le cadre d'un contrat de qualification, dont la publicité ne faisait pas clairement état ; que Claude X... était d'autant moins fondé à soutenir que l'AFIFA offrait une formation rémunérée, puisque dispensée dans le cadre d'un contrat de qualification, alors qu'elle laissait aux candidats qu'elle avait sélectionnés le soin de trouver une entreprise acceptant de signer un contrat de qualification, se contentant pour les y aider d'entretenir des contacts réguliers avec certaines d'entre elles et de préparer ses élèves à l'entretien d'embauche ; qu'en conséquence, son offre réelle portait sur une aide à la recherche d'un contrat de qualification permettant une formation en alternance, et non, comme le laissait entendre la publicité, sur la formation rémunérée dispensée dans le cadre d'une formation en alternance institut de formation/entreprise dont l'annonce donnait l'assurance ; que, par ailleurs, la mention "une formation, un métier, un emploi" ne pouvait qu'induire en erreur son jeune lecteur à la recherche d'un premier emploi ; qu'elle ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un slogan, mais bien d'une annonce éditée par l'AFIFA aux fins de proposer à ses lecteurs une formation, un métier, un emploi ; qu'en réalité, l'AFIFA procurait bien une formation à ses adhérents, mais ni contrat de qualification, ni emploi à l'issue de celui-ci ; que soutenir, comme le faisait le prévenu, que la formule correspondait à la réalité dans la mesure où un jeune bachelier recevait une formation, apprenait un métier et obtenait ensuite un emploi du fait de la qualification obtenue et de son intégration dans l'entreprise, revenait à occulter les cas où le candidat ne trouvant pas de contrat de qualification au maximum un mois après le début de la formation, était exclu de celle-ci et le cas où le jeune ne trouverait pas d'emploi à l'issue de sa formation ; qu'en tous les cas, le lecteur était susceptible d'être induit en erreur sur les prestations offertes ; qu'en conséquence, le délit était bien constitué et justifiait le prononcé d'une peine (arrêt p. 7 et 8) ;
" alors que la formation professionnelle en alternance fait l'objet d'un statut légal impératif, prévoyant notamment la conclusion d'un contrat de qualification, c'est-à-dire d'un contrat de travail entre le bénéficiaire de la formation et une entreprise, et la rémunération de celui-là par celle-ci, et la mention, dans une annonce publicitaire, d'une formation en alternance renvoie nécessairement à ce statut ; que la Cour constatait que l'annonce litigieuse proposait à ses lecteurs une formation professionnelle en alternance dispensée par un institut et une entreprise, ce dont il résultait nécessairement que la proposition visait à permettre aux candidats de conclure avec une entreprise un contrat de travail rémunéré et, en d'autres termes, d'obtenir un emploi ; que la Cour ne pouvait donc considérer comme inexacte l'affirmation de l'existence d'un emploi et d'une rémunération assortissant la formation" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, la publicité de nature à induire en erreur dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, du caractère trompeur de la publicité incriminée, ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 920-4, L. 920-5-1, L. 920-6, L. 920-13, L. 993-2 et R. 922-1 du Code du travail, 4 ancien du Code pénal, 111-3 du Code pénal, 6, 8, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir :
" en ce que l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, a déclaré le président d'une association consacrée à la formation professionnelle en alternance (Claude X...) coupable d'infractions aux articles L. 920-4, L. 920-5-1, L. 920-6 et L. 920-13 du Code du travail ;
" aux motifs que les annonces publicitaires de l'AFIFA proposaient une formation en alternance (arrêt p. 7) ;
" 1° alors que les articles L. 920-4, L. 920-5-1, L. 920-6 et L. 920-13 du Code du travail s'appliquent uniquement aux organismes qui dispensent une formation professionnelle continue et concluent pour ce faire directement un contrat avec l'élève, mais ne s'appliquent pas aux organismes qui participent à la formation en alternance, dans le cadre de laquelle l'élève conclut seulement un contrat de qualification avec une entreprise ; que la Cour, qui constatait que l'association, présidée par le prévenu, intervenait dans le domaine de la formation en alternance, ne pouvait lui appliquer des dispositions pénales relatives à la formation continue ;
" et aux motifs que ni les annonces parues par voie de presse, ni la plaquette de présentation de l'AFIFA ne comportaient d'indication relative aux connaissances indispensables pour suivre la formation proposée ni la nature, la durée et les sanctions de celle-ci ; que, faute par ces publicités de préciser les moyens pédagogiques et les titres ou qualités des personnes chargées de la formation, les tarifs applicables, les modalités de règlement et les conditions financières prévues en cas de cessation anticipée de la formation ou d'abandon en cours de stage, leur auteur s'était rendu coupable de l'infraction prévue à l'article L. 920-6 du Code du travail, lequel s'appliquait aux organismes de formation intervenant dans le cadre des conventions passées conformément au titre II du Livre 9 du Code du travail (arrêt p. 8 et 9) ;
" 2° alors, subsidiairement, que la juridiction correctionnelle ne peut statuer que sur les faits dont elle est saisie, qui, en l'absence de partie civile, sont ceux énoncés dans la citation directe du ministère public ; que la citation délivrée à Claude X... ne visait, au regard de l'article L. 920-6 du Code du travail, que le fait d'avoir omis de préciser dans les annonces publicitaires les tarifs applicables, les modalités de règlement et les conditions financières en cas de cessation de la formation ; qu'en l'état des conclusions du prévenu, qui ne débattaient que des faits visés à la citation, la Cour ne pouvait valablement statuer sur les autres faits incriminés par le texte légal ;
" 3° alors, subsidiairement, que les conclusions du prévenu sont restées sans réponse, en ce qu'elles faisaient valoir (p. 7) que les frais de la formation n'étaient pas assumés par les élèves, ce qui rendait inutile toute information dans les publicités ;
" et aux motifs que sur le défaut de mention du délai de rétractation de 10 jours à compter de la signature du contrat prévu par les articles L. 920-13 et L. 993-2 du Code du travail, il résultait de ces dispositions que l'AFIFA, dispensateur de formation, était tenue, d'une part, de conclure avec ses élèves un contrat, d'autre part, d'y mentionner la faculté de rétractation et de résiliation en cas de force majeure ; que l'association ne signait aucun contrat avec les stagiaires, malgré sa qualité de dispensateur de formation, et qu'elle n'a donc pas informé les stagiaires du délai de rétractation de 10 jours prévu par la loi ; qu'ainsi, l'infraction était bien constituée (arrêt p. 8) ;
" 4° alors, subsidiairement, que nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que l'article L. 920-13 du Code du travail confère seulement à l'élève, qui a conclu un contrat avec un organisme de formation, la possibilité de se rétracter dans le délai de 10 jours ou de résilier le contrat en cas de force majeure mais ne fait pas obligation à l'organisme de mentionner ces possibilités au contrat ; que la Cour ne pouvait donc excéder ses pouvoirs et déclarer le prévenu coupable d'une infraction qui n'existe pas ;
" 5° alors, subsidiairement, que le défaut de mention du délai de rétractation du contrat conclu entre l'élève et l'organisme de formation n'existe que si un contrat est effectivement conclu ; que la Cour, qui constatait qu'aucun contrat n'était conclu entre l'association et les élèves, et qui ne pouvait d'ailleurs statuer sur ce fait dont la citation ne l'avait pas saisie, ne pouvait retenir le défaut d'indication du délai de rétractation ;
" et aux motifs propres et adoptés que l'omission d'établir un règlement intérieur applicable aux stagiaires de l'organisme de formation n'était pas contestée par le prévenu (arrêt n° 9) ; que l'infraction était constituée dans la mesure où l'AFIFA était une personne morale distincte des autres organismes participant à la formation (jugement p. 6) ;
" 6° alors, subsidiairement, que l'organisme de formation est dispensé d'établir son propre règlement intérieur lorsque la formation se déroule dans les locaux d'un établissement distinct déjà doté d'un règlement intérieur, puisque ce dernier est alors applicable aux élèves ; que les conclusions de Claude X... sont restées sans réponse, en ce qu'elles montraient (p. 7) que la formation dispensée par l'association avait lieu dans les locaux d'un autre établissement déjà doté d'un règlement ;
" et encore, aux motifs que le contrôle de l'inspecteur de la formation professionnelle, effectué le 21 juillet 1994, montrait que la déclaration préalable à l'ouverture d'un établissement de formation professionnelle n'avait pas été faite lors de la création de l'AFIFA le 8 août 1990 (arrêt p. 4 et 5) ; que le délit d'omission de déclaration préalable, puni d'une peine d'amende de 30 000 francs, commis courant 1993, n'était pas davantage contesté, puisqu'il avait fait l'objet d'une régularisation postérieure aux faits (arrêt p. 9) ;
" 7° alors, subsidiairement, que la prescription de l'action publique est de 3 ans en matière de délit ; que l'omission de déclaration préalable d'un organisme de formation professionnelle est une infraction instantanée, qui se consomme par la création de l'organisme non autorisé ; que les constatations de la Cour montraient que le délit, à le supposer constitué, n'avait été constaté et donc poursuivi que plus de 3 ans après la date de création de l'association, ce dont il résultait que l'action publique était prescrite de ce chef" ;
Attendu qu'à la suite d'un contrôle effectué en 1994, au sein d'un organisme de formation professionnelle exploité par une association, le président de celle-ci, Claude X..., est poursuivi pour avoir, au cours des années 1993 et 1994, dirigé cet établissement sans avoir procédé à la déclaration préalable prévue à l'article L. 920-4 du Code du travail, ni établi le règlement intérieur prescrit à l'article L. 920-5-1 ; qu'il est encore poursuivi pour s'être abstenu de préciser, dans les publicités écrites, les tarifs et modalités de règlement de la formation en méconnaissance de l'article L. 920-6 ; qu'il lui est, en outre, reproché de n'avoir pas informé les stagiaires de leur faculté de rétractation après la signature du contrat, en violation de l'article L. 920-13 ; que la méconnaissance de ces prescriptions est sanctionnée par l'article L. 993-2 du même Code ;
Que, pour sa défense, le prévenu a soutenu que l'organisme qu'il dirige ne dispense qu'une formation professionnelle en alternance, dans le cadre de contrats d'insertion en alternance passés entre l'employeur et l'élève, régis par les articles L. 980-1 et suivants du Code du travail, de sorte qu'il ne serait pas soumis aux dispositions relatives aux institutions de formation professionnelle continue, fondement de la poursuite ;
Que, pour écarter cette argumentation et caractériser les infractions, les juges d'appel se prononcent par les motifs repris au moyen, après avoir relevé que les élèves sont recrutés par voies d'annonces publicitaires, qu'ils sont sélectionnés par les soins de l'établissement après paiement d'une somme globale de 600 francs, restitués en cas de non-admission, et qu'ils sont, ensuite, chargés de trouver une entreprise qui acceptera de signer un contrat de qualification, à l'aide d'un fichier qu'il a constitué, condition de leur admission définitive ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que, bien que lié par des conventions de formation alternée aux entreprises employant les élèves et finançant le coût de la formation, l'organisme dirigé par le prévenu entre dans le champ d'application des articles L. 920-4 et suivants du Code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a justifié sa décision quant aux trois premiers délits sans encourir aucun des griefs allégués relativement à ces infractions ;
Et attendu que la déclaration de culpabilité du chef de publicité trompeuse et des infractions au Code du travail justifie la peine prononcée contre le prévenu pour s'être abstenu d'informer les candidats à la formation de leur faculté de rétractation, obligation qui n'est pas prescrite par l'article L. 920-13 du même Code ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.