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09/12/1997 | FRANCE | N°95-19969

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 décembre 1997, 95-19969


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Lloyd's of London, dont le siège est ..., représentée par son mandataire général, M. Quentin Z..., en cassation d'un arrêt rendu le 18 juillet 1995 par la cour d'appel de Saint-Denis (La Réunion) (chambre civile), au profit de la société Armement des Mascareignes, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens

de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Lloyd's of London, dont le siège est ..., représentée par son mandataire général, M. Quentin Z..., en cassation d'un arrêt rendu le 18 juillet 1995 par la cour d'appel de Saint-Denis (La Réunion) (chambre civile), au profit de la société Armement des Mascareignes, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 octobre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Rémery, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Lloyd's of London, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la société Armement des Mascareignes, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que la société Armement des Mascareignes (société Mascareignes) , qui avait acheté CAF des cartons de viande à la société Bostwana meat commission, les a fait transporter par la société Unicorn lines sur le navire "Allamanda" du port du Cap (Afrique du Sud) à celui de La Pointe des Galets (Ile de la Réunion) ; que des avaries à la marchandise ayant été constatées à l'arrivée, la société Mascareignes a conclu une transaction avec le transporteur maritime puis a réclamé aux Lloyd's de Londres, auprès desquels le vendeur avait souscrit pour le compte de qui il appartiendra une assurance sur facultés (les assureurs), la réparation de son préjudice supplémentaire non indemnisé ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les assureurs reprochent d'abord à l'arrêt d'avoir déclaré la demande de la société Mascareignes recevable alors, selon le pourvoi, qu'aux termes du "protocole d'accord transactionnel" signé le 29 juin 1993 avec la société Unicorn lines, transporteur maritime responsable du dommage survenu aux marchandises assurées, la société Mascareignes s'est déclarée "entièrement remplie de ses droits par le règlement d'une somme forfaitaire, globale et définitive de 325 000 francs pour solde de tous comptes";

qu'en ne recherchant pas, bien qu'y ayant été expressément invitée, si les assureurs n'étaient pas en droit de se prévaloir de cet accord transactionnel pour faire valoir que la société Mascareignes ne justifiait plus d'aucun préjudice susceptible d'être pris en charge au titre de la garantie de l'assureur et, par là-même, d'aucun intérêt à agir à l'encontre de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 122 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant reconnu, dans ses conclusions d'appel, que la transaction litigieuse laissait "libre Mascareignes de poursuivre les Lloyd's pour le surplus de son prétendu préjudice" , le moyen proposé par les assureurs est incompatible avec leur position antérieure et, comme tel, irrecevable ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les assureurs reprochent ensuite à l'arrêt de les avoir condamnés à indemniser le manque à gagner et le préjudice commercial subis par la société Mascareignes alors, selon le pourvoi, d'une part, que ni le rapport d'expertise établi le 25 février 1991 par M. Y..., ni celui établi le 5 mars 1991 par M. X... ne faisaient mention, et, a fortiori, ne chiffraient le préjudice prétendument subi par la société Mascareignes au titre du manque à gagner sur la revente des marchandises et du préjudice commercial;

qu'en affirmant que ces postes de préjudices se trouvaient justifiés par les constatations et conclusions de l'expertise, la cour d'appel a dénaturé les deux rapports d'expertise précités et violé l'article 1134 du Code civil;

alors, d'autre part, qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver;

qu'en faisant droit à la demande en réparation du préjudice prétendument subi par la société Mascareignes au motif que "la société Lloyd's se borne à invoquer à tort et d'une manière vague l'absence de preuve du dommage", la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil;

et alors, enfin, que l'assureur n'est pas garant des préjudices qui ne constituent pas des dommages et pertes matériels atteignant directement l'objet assuré, tels que différence de cours et obstacle apporté au commerce de l'assuré;

qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Mascareignes avait pour fondement la police d'assurance maritime sur facultés souscrite pour son compte par la société Bostwana meat commission;

qu'ainsi, seul le préjudice subi par la marchandise assurée constituait le risque garanti ; qu'en condamnant la société Lloyd's à prendre en charge l'indemnisation "du manque à gagner sur la revente des marchandises et de l'atteinte à l'image commerciale de l'entreprise" , la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 172-18 du Code des assurances ;

Mais attendu, en premier lieu, que les deux experts ayant relevé que des clients de la société Mascareignes lui avaient, dès le lendemain des livraisons, retourné des sachets de viande dégageant une mauvaise odeur au moment de leur ouverture, c'est sans dénaturer les rapports d'expertise ni inversé la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu que la société Mascareignes avait subi un manque à gagner et un préjudice commercial ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt, que les assureurs aient soutenu que la police d'assurance litigieuse ne couvrait pas les préjudices tels que la différence de cours ou l'obstacle apporté au commerce de l'assuré;

que, dès lors que les dispositions, à supposer la loi française applicable, de l'article L. 172-18, d) du Code des assurances qui prévoient ces exclusions et dont la violation est invoquée par le moyen peuvent être écartées par les parties, celui-ci est nouveau et mélangé de fait ;

D'où il suit que le moyen, qui n'est pas fondé en ses deux premières branches, est irrecevable en sa troisième ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les assureurs reprochent encore à l'arrêt d'avoir écarté la franchise contractuelle stipulée dans la police alors, selon le pourvoi, d'une part, que les exceptions que l'assureur peut opposer au souscripteur d'une assurance contractée pour le compte de qui il appartiendra sont également opposables au bénéficiaire du contrat quel qu'il soit;

qu'en déniant le droit aux assureurs de se prévaloir à l'encontre de la société Mascareignes de la clause de franchise stipulée dans la police d'assurance maritime sur facultés souscrite par la société Bostwana meat commission, après avoir constaté que la société Mascareignes entendait précisément se prévaloir, à l'appui de son action, de sa qualité de bénéficiaire de la police souscrite auprès des assureurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 112-1 du Code des assurances;

et alors, d'autre part, qu'en déniant aux assureurs le droit de se prévaloir de la clause de franchise stipulée dans le certificat d'assurance n 8639, faute par celui-ci d'avoir été produit aux débats dans sa traduction française tout en justifiant, par motifs adoptés, le bien fondé de l'action engagée par la société Mascareignes, de ce que celle-ci produisait en original aux débats le "certificate of insurance n C8639/750509 signé par la société Lloyd's" , la cour d'appel a tout à la fois reconnu et dénié la valeur probante de ce document et entaché sa décision d'une contradiction de motifs, violant par la même l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas dit que la société Mascareignes, en sa qualité de bénéficiaire d'une assurance pour compte, ne pouvait se voir appliquer la franchise contractuelle mais a retenu qu'en l'espèce cette franchise résulterait d'une clause écrite en caractères minuscules et en langue anglaise dont la teneur ne pouvait être vérifiée ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel ne s'est pas contredite en retenant que la rédaction en langue anglaise de la clause édictant la franchise ne permettait pas d'en établir la teneur, tout en relevant que l'action de la société Mascareignes à l'encontre des assureurs était bien fondée dès lors que, dans leurs conclusions d'appel, les assureurs reconnaissaient eux-mêmes avoir émis un certificat d'assurance couvrant la marchandise achetée par la société Mascareignes contre les risques du transport maritime ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour condamner les assureurs à payer à la société Mascareignes la somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts complémentaires, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que "indéniablement le fait pour la société Mascareignes d'avoir dû attendre plusieurs années pour se voir rendre justice lui occasionne un préjudice distinct" ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser quelle faute de nature à faire dégénérer en abus leur droit de se défendre en justice auraient commise les assureurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a, par confirmation du jugement entrepris, condamné les Lloyd's de Londres à payer la somme de 25 000 (vingt-cinq mille) francs à la société Armement des Mascareignes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 18 juillet 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Armement des Mascareignes aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Armement des Mascareignes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-19969
Date de la décision : 09/12/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ASSURANCE MARITIME - Assurances maritimes sur facultés - Risques garantis - Pertes et dommages matériels subis par les marchandises assurées - Préjudices d'ordre commercial et financier - Clause rédigée en anglais et ne permettant pas d'en fixer la teneur - Dommages-intérêts complémentaires.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis (La Réunion) (chambre civile), 18 juillet 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 déc. 1997, pourvoi n°95-19969


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.19969
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