AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Josiane X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 mai 1995 par la cour d'appel d'Angers (3e chambre), au profit de M. Jean-Christophe Y..., demeurant 14, rue du ..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 octobre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Lassalle, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lassalle, conseiller, les observations de la SCP Coutard et Mayer, avocat de Mme X..., de Me Vuitton, avocat de Me Y..., les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 146, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, caution des engagements de la société Domaine de Choisille-Loisirs envers la Banque hypothécaire européenne et la Caisse foncière de crédit, Mme X... a été poursuivie en paiement par celle-ci, après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de la débitrice;
qu'invoquant les fautes du liquidateur judiciaire, qui avait cédé de gré à gré le fonds de commerce de l'entreprise à un acquéreur insolvable, Mme X... l'a assigné, à titre personnel, en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que, pour rejeter la demande principale de Mme X... et sa demande subsidiaire d'expertise, l'arrêt retient qu'elle ne rapporte la preuve ni du quantum du préjudice allégué, ni du rapport de causalité nécesaire et énonce qu'en application de l'article 146 du nouveau Code de procédure civile, une mesure d'instruction ne pouvait être ordonnée pour suppléer sa carence ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'étendue du préjudice subi et le rapport de causalité entre les fautes du liquidateur judiciaire et ce préjudice ne pouvaient être établis que par une expertise portant sur les pièces comptables et documents relatifs aux opérations de redressement et de liquidation, ce qui excluait toute carence de la part de Mme X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejete sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.