La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/1997 | FRANCE | N°96-86256

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 décembre 1997, 96-86256


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller Le GALL, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ; Statuant sur le pourvoi formé par : - Y... Dominique, contre l'arrêt de la cour d'assises du VAR, en date du 26 octobre 1996, qui, pour vol avec arme, arrestations et séquestrations de p

ersonnes comme otages, l'a condamné à 18 ans de réclusion crimi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller Le GALL, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ; Statuant sur le pourvoi formé par : - Y... Dominique, contre l'arrêt de la cour d'assises du VAR, en date du 26 octobre 1996, qui, pour vol avec arme, arrestations et séquestrations de personnes comme otages, l'a condamné à 18 ans de réclusion criminelle, en portant aux deux tiers de cette peine la durée de la période de sûreté, et a ordonné la confiscation des armes et munitions saisies ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du Code pénal, 362, 769, alinéa 2 et 769-2 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ; "en ce que la cour d'assises a déclaré Dominique Y... coupable de vol avec armes, arrestation, détention et séquestration de personnes avec circonstances de prise d'otage et avec cette circonstance que lesdites personnes ont été libérées volontairement avant le 7ème jour accompli depuis celui de leur appréhension, en répression l'a condamné à 18 ans de réclusion criminelle et a porté la période de sûreté aux deux tiers de la peine ; "1 - alors qu'aux termes de l'article 769, alinéa 2, du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 16 décembre 1992 "sont retirées du casier judiciaire les fiches relatives à des condamnations effacées par la réhabilitation de plein droit ou judiciaire";

que cette disposition, essentielle aux droits de la défense, interdit absolument d'évoquer, lors d'un procès d'assises, l'existence d'une condamnation effacée par la réhabilitation de plein droit;

que, cependant, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer par l'examen de la procédure que, d'une part, le casier judiciaire de Dominique Y... figurant au dossier mentionne une condamnation à un an et trois mois d'emprisonnement prononcée pour tentative de vol par le tribunal correctionnel de Grasse le 17 juillet 1978, peine exécutée le 29 mars 1979 pour laquelle la réhabilitation de droit est acquise et que, d'autre part, l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises, lu à l'audience et gardé à la disposition de la Cour et du jury pendant la délibération, mentionne, à son tour, l'existence de cette condamnation et qu'en cet état, l'information préalable des charges pendant l'accusation ne peut être considérée comme ayant été loyale au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en sorte que la cassation est encourue pour violation des droits de la défense ; "2 - alors qu'aux termes de l'article 769-2 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue des lois du 16 décembre 1992 et 19 juillet 1993 "sont retirées du casier judiciaire - 2°) les fiches relatives à des condamnations à des peines d'amende ainsi qu'à des peines d'emprisonnement n'excédant pas deux mois, prononcées contre des mineurs, lorsque l'intéressé atteint l'âge de la majorité";

que, cependant, le casier judiciaire de Dominique Y... né le 16 mars 1957 figurant au dossier mentionne une condamnation à 200 francs d'amende prononcée pour acquisition ou détention sans autorisation de munitions ou d'armes de première ou quatrième catégories par le tribunal pour enfants de Bastia le 10 novembre 1978, ladite condamnation étant expressément effacée par la réhabilitation de droit;

que la circonstance que cette condamnation ait été évoquée au cours des débats devant la cour d'assises constitue une violation caractérisée du principe du procès équitable ; "3 - alors que la seule évocation des deux condamnations précitées qui, en aucun cas, n'aurait dû être portée à la connaissance de la Cour et du jury, fût-ce pour mentionner qu'elles étaient effacées par la réhabilitation de plein droit, n'a pu qu'influencer la délibération sur la culpabilité de l'accusé compte tenu du rapprochement que n'ont pas manqué d'opérer la Cour et le jury entre la nature des faits évoqués par le casier judiciaire et les faits objets de l'accusation ; "4 - alors qu'aux termes de l'article 362 du Code de procédure pénale "en cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal;

la cour d'assises délibère alors sans désemparer sur l'application de la peine, le vote a lieu ensuite au scrutin secret et, séparément, pour chaque accusé";

qu'aux termes de l'article 132-24 du Code pénal "dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur" et que dans la mesure où, pour la détermination de la peine, la Cour et le jury se sont, en l'espèce, nécessairement prononcés au vu des condamnations pour lesquelles l'accusé bénéficiait d'une réhabilitation de plein droit et d'un oubli de droit en faveur des mineurs, condamnation qui, en aucun cas n'aurait dû, pour ces raisons, être portée à leur connaissance, la peine et la mesure de sûreté prononcées à l'encontre de Dominique Y... doivent être considérées comme ayant été décidées au terme d'une procédure qui constitue, par elle-même, dans son ensemble, une violation manifeste des dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ; Attendu que, si les articles 769 et 769-2 du Code de procédure pénale imposent le retrait du casier judiciaire tant des fiches relatives aux condamnations effacées par la réhabilitation que de celles relatives à certaines décisions concernant les mineurs, les dispositions invoquées ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure au cours de laquelle elles auraient été rappelées ; Que, par ailleurs, le grief tiré de la violation des dispositions conventionnelles reste à l'état d'allégation, dès lors que la délibération de la Cour et du jury est secrète ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 341 et suivants de l'ancien Code pénal, 224-1 et suivants du nouveau Code pénal, 349 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ; "en ce que la Cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions n° 3, 4 et 5 les interrogeant de façon abstraite sur les crimes d'arrestation et de séquestration arbitraire d'une série de personnes avec circonstance de prise d'otage et aux questions n° 17 et 18 relatives à l'imputabilité à Dominique Y... de ces infractions ; "1 - alors qu'il résulte des motifs de l'arrêt de renvoi que deux groupes distincts de personnes auraient été arrêtées le 16 décembre 1992 à deux moments tout à fait distincts de la journée, les unes au domicile de M. Z... et les autres dans les locaux de la Banque de France et que, dès lors, les arrestations dont Dominique Y... a été déclaré coupable par l'arrêt attaqué constituent des faits distincts qui devaient, en tant que tels, faire l'objet de questions séparées en sorte que les questions n° 3 et 17 sont manifestement entachées de complexité prohibée ; "2 - alors qu'il résulte de même des motifs de l'arrêt de renvoi qu'un premier groupe de personnes arrêtées aurait été détenu et séquestré, d'abord au domicile de M. Z... puis dans un véhicule Peugeot 205;

qu'un second groupe de personnes arrêtées aurait été détenu et séquestré dans la salle de repos des gardiens de la Banque de France et qu'un troisième groupe aurait été détenu et séquestré dans la loge de la banque de France et que dès lors les faits distincts de détention et de séquestration devaient au minimum faire l'objet de 3 questions séparées en sorte que les questions n° 4 et 5 et par voie de conséquence 18 sont entachées de complexité prohibée" ; Attendu qu'il résulte tant du libellé des questions que des énonciations de l'arrêt de renvoi que les vingt-trois personnes successivement arrêtées et séquestrées comme otages l'ont été au cours d'une action unique qui, si elle s'est développée dans le temps et dans l'espace, était inspirée par une même pensée criminelle devant entraîner les mêmes conséquences pénales ; Que, dès lors, les questions visées au moyen, telles qu'elles ont été posées, n'encourent pas le grief allégué ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 328, 355 à 365 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ; "en ce que la 17ème page de la feuille des questions comportent les mentions dactylographiées suivantes "en conséquence des réponses aux questions ci-dessus posées, après que le président ait donné lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal, la Cour et le jury, réunis en chambre des délibérations, statuant sans désemparer, séparément pour chacun des accusés, sur l'application de la peine, après avoir délibéré et voté conformément à la loi, à la majorité absolue faisant application des articles" le reste étant manuscrit ; "alors que ces mentions prérédigées par le greffier en accord avec le président, anticipent sur la délibération de la Cour et du jury et constituent nécessairement une manifestation publique d'opinion sur la culpabilité de l'accusé, en tant que telle prohibée par l'article 328 du Code de procédure pénale puisque selon les dispositions de l'article 362 du Code de procédure pénale, le président ne doit donner lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal qu'en cas de réponse affirmative sur la culpabilité" ; Attendu que la feuille de questions comporte, après l'énoncé des questions sur la culpabilité, la mention prérédigée reproduite au moyen, la suite étant manuscrite ; Attendu que, si cette mention est l'oeuvre du président, elle ne constitue aucune manifestation publique d'opinion sur la culpabilité de l'accusé, seule prohibée par l'article 328 du Code de procédure pénale ; D'où il suit que le moyen ne peut être admis ; Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 2 du protocole n° 7 ajouté à cette convention, ensemble violation des droits de la défense ; "en ce que la cour d'assises, statuant en dernier ressort, a condamné Dominique Y... à la peine de 18 ans de réclusion criminelle et à une mesure de sûreté portant sur les deux tiers de la peine ; "1 - alors qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois;

que la France a signé et ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

que cette convention a été publiée au journal officiel du 4 mai 1974 et que le principe du procès équitable au sens de l'article 6.1 de cette convention implique que l'accusé bénéficie du droit au double degré de juridiction et que, dès lors, le fait que la cour d'assises se soit prononcée en dernier ressort sur la culpabilité de l'accusé et ait prononcé à son encontre une peine criminelle sans qu'il puisse bénéficier d'un autre recours que le recours en cassation, constitue une violation de ladite convention ; "2 - alors que la loi française qui prive l'accusé en matière criminelle du droit au double degré de juridiction porte une atteinte indéniable aux intérêts de celui-ci" ; Attendu qu'aux termes des réserves formulées par la France lors de la ratification du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'examen de la décision de condamnation par une juridiction supérieure peut se limiter à un contrôle de l'application de la loi, tel que le recours en cassation ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré :

M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Le Gall conseiller rapporteur, M. A..., Mme X..., MM. B..., C..., Roger conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ; Avocat général : M. Amiel ; Greffier de chambre : Mme Ely ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-86256
Date de la décision : 03/12/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) CASIER JUDICIAIRE - Bulletin n° 1 - Fiches relatives aux condamnations réhabilitées ou relatives aux mineurs - Retrait - Omission - Incidence sur la procédure en cours - Nullité (non).


Références :

Code de procédure pénale 769 et 769-2

Décision attaquée : Cour d'assises du VAR, 26 octobre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 déc. 1997, pourvoi n°96-86256


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GUILLOUX conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.86256
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award