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02/12/1997 | FRANCE | N°96-10729

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 décembre 1997, 96-10729


Attendu, selon le jugement attaqué (Nanterre, 21 novembre 1995), que les époux X... ont, par acte du 30 juillet 1981, fait donation à leurs trois enfants de la nue-propriété de divers biens immobiliers et, par acte du 21 décembre 1982, ont renoncé purement et simplement à leur usufruit sur ces biens ; que l'acte du 21 décembre a été enregistré avec paiement du droit fixe des actes innomés ; qu'en 1991 l'administration fiscale a notifié aux donataires de la nue-propriété un redressement au titre des droits dus pour la donation de l'usufruit ; que, sa réclamation étant restée

sans réponse, M. Maurice X... a assigné le directeur des services ...

Attendu, selon le jugement attaqué (Nanterre, 21 novembre 1995), que les époux X... ont, par acte du 30 juillet 1981, fait donation à leurs trois enfants de la nue-propriété de divers biens immobiliers et, par acte du 21 décembre 1982, ont renoncé purement et simplement à leur usufruit sur ces biens ; que l'acte du 21 décembre a été enregistré avec paiement du droit fixe des actes innomés ; qu'en 1991 l'administration fiscale a notifié aux donataires de la nue-propriété un redressement au titre des droits dus pour la donation de l'usufruit ; que, sa réclamation étant restée sans réponse, M. Maurice X... a assigné le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine Sud pour demander le remboursement des droits qu'il avait dû payer ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que selon l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales, les notifications de redressement doivent être motivées de façon à mettre le contribuable en état de pouvoir formuler ses observations ou faire connaître son acceptation, l'administration des Impôts étant dès lors tenue de préciser le montant du redressement en droit comme en fait, et spécialement de mentionner les textes sur lesquels elle s'appuie ; qu'en estimant la notification de redressement suffisamment motivée alors même que d'après ses propres constatations l'article 1133 du Code général des impôts, sur lequel l'administration des Impôts a appuyé sa décision, n'a pas été mentionné, le Tribunal a violé l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales ; et alors, d'autre part, que les notifications de redressement doivent, à tout le moins, comporter une motivation accessible et compréhensible pour le contribuable, qu'en se contentant, pour estimer motivée la notification de redressement, de la mention d'un jugement et de deux articles du Code général des impôts qui n'indiquent nullement que la renonciation abdicative à un usufruit est assimilable à une donation et imposable en tant que telle, le Tribunal a derechef violé l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que, n'étant pas fondé sur l'article 1133 du Code général des impôts, texte qui exonère de tout impôt ou taxe la réunion de l'usufruit à la nue-propriété quand elle a lieu par l'expiration du temps fixé pour l'usufruit ou par le décès de l'usufruitier, le redressement n'avait pas à le viser ; qu'ayant relevé que la notification du redressement tirant les conséquences fiscales de la renonciation citait l'article prévoyant le droit fixe pour les renonciations pures et simples, celui qui prévoit la taxation des donations sur lequel était fondé le redressement, ainsi qu'un jugement rendu dans une affaire similaire, le Tribunal a pu statuer comme il a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, que, lorsque, comme en l'espèce, l'administration des Impôts a, selon son propre aveu reprenant les termes de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, exercé son droit de restituer aux actes leur véritable caractère afin de percevoir l'impôt en conséquence, et a entendu en particulier restituer son véritable caractère à une donation dissimulée à ses yeux sous l'apparence d'une renonciation à usufruit, ladite Administration n'a pu qu'agir dans le cadre de la répression des abus de droit de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, peu important à cet égard qu'elle ait affirmé ne pas " remettre " en cause la bonne foi des parties ; qu'en refusant d'admettre que l'Administration avait agi à son encontre dans le cadre de la procédure de redressement des abus de droit, puis de constater qu'il n'avait pu disposer des garanties afférentes à cette procédure avant de l'annuler, le Tribunal a violé par refus d'application les articles L. 57, L. 57-1 et L. 64 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'Administration a tiré les conséquences de l'acte de renonciation, opération qu'il a inexactement nommée " requalification ", et qu'elle n'a pas mis en cause la bonne foi des parties, le Tribunal, qui n'a pas tenu cet acte pour fictif ou mensonger, a pu, abstraction faite de son erreur terminologique, statuer comme il a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, et sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la faculté de conclure des baux relatifs à un bien immobilier et d'en percevoir les loyers est la conséquence de l'acquisition de la pleine propriété de ces biens ; que dans ces conditions, le Tribunal n'a pu, dans le même temps, affirmer d'une part, que la pleine propriété intervient automatiquement du seul fait de l'extinction de l'usufruit, et d'autre part, que la conclusion des baux ainsi que la perception des loyers, par des nus-propriétaires devenus propriétaires du seul fait de l'extinction de l'usufruit suite à une renonciation extinctive à un usufruit, suffit à faire ressortir leur acceptation d'une donation relative à cet usufruit sans entacher sa décision d'une contrariété de motifs et violer de la sorte l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, dès lors que la faculté de conclure des baux relatifs à un bien immobilier et d'en percevoir les loyers est la conséquence de l'acquisition de la pleine propriété de ce bien, et que l'acquisition de la pleine propriété intervient, comme l'a constaté le Tribunal, du seul fait de l'extinction de l'usufruit suite à une renonciation, le Tribunal n'a pu, en présence d'une telle renonciation, se contenter, afin de retenir l'acceptation par les nus-propriétaires d'une prétendue donation portant sur cet usufruit, de relever que ceux-ci avaient conclu des baux et perçu des loyers sans entacher sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 894, 932 et 1108 du Code civil ; alors, en outre, que toute acceptation, y compris en matière de donation, suppose qu'ait été au préalable formulée une offre ; qu'en retenant l'existence d'une acceptation de sa part, alors même que ladite acceptation n'avait été précédée que d'une renonciation purement abdicative des époux X..., insusceptible en tant que telle de constituer une offre, le Tribunal a violé ensemble les articles 894, 932, 1101 et 1108 du Code civil ; alors, de plus, que la renonciation abdicative se distingue de la renonciation translative en ce qu'à la différence de celle-ci elle se caractérise par la volonté du titulaire du droit de renoncer purement et simplement à ce droit ou de le faire sortir de son patrimoine sans être animé par la volonté de le transmettre à autrui, ce qui se traduit notamment et principalement par l'absence de toute désignation d'un bénéficiaire ; qu'en qualifiant la renonciation des époux X... de renonciation translative alors même qu'il ressort de ses termes qu'elle était pure et simple et dépourvue de toute désignation d'un quelconque bénéficiaire, le Tribunal a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte et violé de la sorte l'article 1134 du Code civil ; alors, encore, que, si l'appréciation de l'existence de l'intention libérale relève du pouvoir souverain des juges du fond, ceux-ci n'en doivent pas moins, en vue de qualifier un acte juridique de donation, vérifier l'élément subjectif nécessaire à une telle qualification et ne peuvent notamment se contenter du seul déséquilibre constaté entre les engagements respectifs des contractants pour en déduire l'existence d'une intention libérale ;

qu'en l'espèce, les juges du fond se sont contentés de constater que la renonciation était sans contrepartie et qu'il n'était pas invoqué de lourdes charges pour l'expliquer, avant d'en déduire qu'elle était consentie dans l'intérêt des nus-propriétaires pour en conclure qu'il s'agissait d'une libéralité ; que par ces motifs, qui ne démontrent pas que l'existence de l'intention libérale ait été vérifiée concrètement à côté de l'inéquivalence matérielle, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 894 du Code civil ; et alors, enfin, que la renonciation à un usufruit, pour s'analyser en une donation, doit révéler clairement l'intention du renonçant de consentir une libéralité au nu-propriétaire, étant entendu que l'administration des Impôts supporte la charge de la preuve du caractère réel de cet acte, et donc notamment de l'intention libérale ; qu'en déduisant l'existence d'une donation de la seule absence de contrepartie et de ce qu'il n'invoquait pas de trop lourdes charges pour l'expliquer, le jugement a énoncé une véritable présomption de gratuité de l'acte en mettant à sa charge la preuve de l'absence d'intention libérale, et a de ce fait inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. et Mme X... ont donné la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants et, dix-huit mois plus tard, sans qu'il soit invoqué de trop lourdes charges pour l'expliquer, ont renoncé à leur usufruit, de sorte que, la pleine propriété étant ainsi reconstituée entre leurs mains, leurs enfants ont perçu des loyers sur ces biens avant que l'usufruit tel qu'il résultait de la donation antérieure fût venu à son terme, le jugement en déduit que la renonciation, procédant d'une intention libérale, était un acte translatif de l'usufruit aux enfants X... qui, en touchant les loyers ont manifesté leur acceptation de cette donation ; qu'ayant, hors toute contradiction ou dénaturation, légalement justifié sa décision en appréciant les intentions des parties au regard des faits qu'il a relatés, le Tribunal a fait une exacte application de la loi ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs six branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-10729
Date de la décision : 02/12/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Redressement contradictoire - Notification - Textes - Visa - Usufruit - Renonciation.

1° N'étant pas fondé sur l'article 1133 du Code général des impôts, texte qui exonère de tout impôt ou taxe la réunion de l'usufruit à la nue-propriété quand elle a lieu par l'expiration du temps fixé pour l'usufruit ou par le décès de l'usufruitier, le redressement n'avait pas à le viser. Ayant relevé que la notification du redressement tirant les conséquences fiscales de la renonciation à un usufruit citait l'article prévoyant le droit fixe pour les renonciations pures et simples, celui qui prévoit la taxation des donations sur lequel était fondé le redressement ainsi qu'un jugement rendu dans une affaire similaire, un Tribunal a pu rejeter une demande en annulation de l'avis de mise en recouvrement.

2° IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Répression des abus de droit - Usufruit - Renonciation - Redressement en donation - Bonne foi non en cause - Procédure de l'abus de droit (non).

2° Ayant relevé que l'Administration a seulement tiré les conséquences de l'acte de renonciation à l'usufruit en notifiant un redressement au titre de droits dus pour la donation d'usufruit, opération qu'il a inexactement nommée " requalification ", et qu'elle n'a pas mis en cause la bonne foi des parties, un tribunal, qui n'a pas tenu cet acte pour fictif ou mensonger, a pu retenir que l'Administration n'avait pas agi dans le cadre des dispositions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales.

3° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre gratuit - Donations - Donations sous forme d'autres contrats - Usufruit - Renonciation.

3° USUFRUIT - Impôts et taxes - Enregistrement - Droits de mutation à titre gratuit - Donations sous forme d'autres contrats - Usufruit - Renonciation.

3° Fait une exacte application de la loi le Tribunal qui, après avoir relevé que les contribuables ont donné la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants et, 18 mois plus tard, sans qu'il soit invoqué de trop lourdes charges pour l'expliquer, ont renoncé à leur usufruit, de sorte que, la pleine propriété étant ainsi reconstituée entre leurs mains, leurs enfants ont perçu des loyers sur ces biens avant que l'usufruit tel qu'il résultait de la donation antérieure fût venu à son terme, en déduit que la renonciation procédant d'une intention libérale était un acte translatif de l'usufruit aux enfants qui, en touchant les loyers, ont manifesté leur acceptation de cette donation.


Références :

1° :
2° :
CGI 1133
Livre des procédures fiscales L64

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre, 21 novembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 déc. 1997, pourvoi n°96-10729, Bull. civ. 1997 IV N° 319 p. 277
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 319 p. 277

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Poullain.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Defrénois et Levis, M. Goutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.10729
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