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27/11/1997 | FRANCE | N°95-83249

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 1997, 95-83249


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LEMOINE Jean-François, contre l'arrêt de la cour d'appel de BO

RDEAUX, 3ème chambre, en date du 17 mai 1995, qui, pour diffamation publique enver...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LEMOINE Jean-François, contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, en date du 17 mai 1995, qui, pour diffamation publique envers des particuliers, l'a condamné à 5 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

1) Sur l'action publique :

Attendu que selon l'article 2, alinéa 2-5 de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse;

qu'ainsi, l'action publique est éteinte à l'égard du prévenu ;

Attendu cependant que selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;

2) Sur l'action civile :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, et 593 du Code de procédure pénale;

défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-François Lemoine coupable du délit de diffamation et l'a, en répression, condamné au paiement d'une amende de 5 000 francs ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts au profit de la partie civile ;

"aux motifs que l'imputation d'une condamnation pour diverses malversations revêt un caractère diffamatoire;

qu'il suffit d'ajouter que le prévenu s'est limité à tenter d'établir, sans y parvenir, l'exactitude des faits imputés, comme unique élément de sa bonne foi ; qu'il demeure au contraire que le compte rendu de la condamnation par l'écrit incriminé vise indéniablement à donner à celle-ci un retentissement outrancier et ce, au détriment de la prudence, de l'impartialité et de l'objectivité qui doivent caractériser la relation d'une décision de justice (arrêt attaqué p. 4 alinéa 3);

que l'examen de l'article incriminé fait apparaître dans la présentation qu'il fait de X. pris en sa double qualité de propriétaire et de négociant, un certain amalgame et qu'en conséquence, cette présentation apparaît préjudiciable tant à X. même si son nom n'est pas exactement cité par l'auteur dudit article, ce, en raison de la notoriété professionnelle des plaignants, chacun en ce qui les concerne, et de celle des produits distribués par chacun d'eux";

(jugement entrepris p. 4 alinéa 4) ;

"1°) alors que l'article du journal Sud-Ouest indiquait que X. avait été condamné pour diverses malversations dont la nature était précisée par l'indication exacte des infractions retenues à son encontre, à savoir "chaptalisation abusive..., fausses déclarations de récoltes, usurpation d'appellation, défaut de marquage, faux inventaires...";

que ces précisions, dont l'exactitude n'a pas été contestée, suffisait à exclure toute ambiguïté sur l'emploi du terme malversation et à donner aux lecteurs une information exacte et précise de la décision de justice rendue à l'encontre de X., qu'en retenant néanmoins que l'emploi du terme "malversation" caractérisait le délit de diffamation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que l'arrêt attaqué a principalement fondé sa décision sur l'impropriété du terme "malversation" employé dans l'article litigieux relatant le jugement de condamnation pénale de X.;

qu'en se bornant à se référer à cette décision sans énoncer les infractions pour lesquelles X. avait été poursuivi et condamné, la cour d'appel n'a pas mis le Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les propos retenus dans la prévention se retrouvent dans les éléments légaux de la diffamation publique, et n'a donc pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que la diffamation n'est punissable que si les écrits incriminés visent une personne nommément désignée ou, à défaut, une personne dont l'identification est rendue possible par les termes même de ces écrits;

que l'arrêt attaqué a constaté que la société X. n'était pas nommément désignée mais qu'en raison de l'amalgame fait entre les qualités de négociant et de propriétaire de X. et de la notoriété professionnelle de la société X., l'article de presse litigieux lui était préjudiciable;

qu'en s'abstenant de rechercher si l'identification de cette société était rendue possible par les termes de l'article litigieux, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale;

défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-François Lemoine au paiement de la somme de 20 000 francs de dommages-intérêts au profit de la société X. ;

"aux motifs adoptés du jugement que l'examen de l'article incriminé fait apparaître dans la présentation qu'il fait de X., pris en sa double qualité de propriétaire et de négociant un certain amalgame et qu'en conséquence, cette présentation apparaît préjudiciable tant à X. qu'à la société X. même si son nom n'est pas exactement cité par l'auteur dudit article, et ce, en raison de la notoriété professionnelle des plaignants, chacun en ce qui les concerne, et de celle des produits distribués par chacun d'eux (jugement entrepris p. 4 alinéa 4) ;

"alors que le droit de se constituer partie civile n'appartient qu'à ceux qui sont directement victimes de l'infraction poursuivie;

que l'arrêt attaqué qui constate que la société X. n'a pas été citée dans l'article litigieux ne pouvait, dès lors, sans violer les textes susvisés ou mieux s'en expliquer, se fonder sur le fait que X. était cité en sa qualité de propriétaire et de négociant et que la société X. bénéficiait d'une notoriété professionnelle pour en déduire la recevabilité de l'action civile de la société X." ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que par acte d'huissier en date du 24 juin 1994, X. et la société anonyme X. ont fait citer directement devant la juridiction correctionnelle Jean-François Lemoine, directeur de la publication du journal Sud-Ouest, sous la prévention de diffamation publique envers les particuliers plaignants, en visant l'article 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881;

que la citation a articulé, dans un article paru dans ledit journal, le 1er avril 1994, outre son titre, Vin : un négociant lourdement sanctionné", les passages suivants : Pour chaptalisation abusive et fraudes diverses un propriétaire négociant bordelais lourdement condamné" ; ancien responsable syndical, ancien propriétaire du Château de Cadillac en Fronsadais, producteur à Saint-André-de- Cubzac (château Timberlay), à Saint-Emilion (château de Villemaurine, cru classé), fermier à Cartillon à Lamarque en Médoc, négociant (marque Blason de Timberlay, chiffre d'affaires 50 millions de francs en 92, 65% à l'export), X. a été condamné hier, après délibéré du tribunal de grande instance de Bordeaux, pour diverses malversations" ; tout d'abord pour chaptalisation abusive, il a été condamné à six mois de prison avec sursis. Rappelons que la chaptalisation est une opération strictement réglementée chaque année consistant à ajouter du sucre pour augmenter le degré d'alcool. L'excès de chaptalisation découvert notamment grâce à la résonnance magnétique nucléaire RMN est condamnable." ;

Attendu que les juges ont retenu, à bon droit, le caractère diffamatoire, tant envers X., propriétaire récoltant, qu'envers la société qu'il dirige et qui commercialise ses produits, des imputations de malversations diverses;

qu'ils ajoutent que le compte rendu de la condamnation par l'écrit incriminé vise indéniablement à donner à celle-ci, par un amalgame entre le viticulteur condamné et le négociant, un retentissement outrancier, au détriment de la prudence, de l'impartialité et de l'objectivité qui doivent caractériser la relation d'une décision de justice ; qu'ils observent que cette présentation apparaît préjudiciable tant à X. pris en son nom personnel qu'à la société X., bien qu'elle ne soit pas nommément désignée, en raison de la notoriété professionnelle des plaignants, chacun en ce qui le concerne, et de celle des produits distribués par chacun d'eux ;

Attendu que par ces constatations et énonciations desquelles il résulte que la société plaignante était elle-même victime de la diffamation, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

I - Sur l'action publique :

La DECLARE éteinte ;

II - Sur l'action civile :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, réunis en formation restreinte, conformément aux dispositions de l'article L. 131.6 du Code de l'organisation judiciaire : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Simon conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-83249
Date de la décision : 27/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Immunités - Compte rendu des débats judiciaires - Conditions - Limites.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 32 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 17 mai 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 nov. 1997, pourvoi n°95-83249


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.83249
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