La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/1997 | FRANCE | N°95-82458

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 1997, 95-82458


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle Guy LESOURD et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;

Statuant sur le pourvoi formé par : - Z... Marie-Thérèse, épouse X..., contre l'arrêt de la cour d'appel d

e PAU, 1ère chambre, en date du 22 mars 1995, qui, pour publication interdite ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle Guy LESOURD et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;

Statuant sur le pourvoi formé par : - Z... Marie-Thérèse, épouse X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, 1ère chambre, en date du 22 mars 1995, qui, pour publication interdite d'information relative à une constitution de partie civile, et recel, l'a condamnée à 5 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur l'action publique :

Attendu que selon l'article 2, alinéa 1, de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsqu'ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue;

que tel est le cas en l'espèce de l'infraction prévue par l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931 ; qu'ainsi l'action publique est éteinte de ce chef ;

Attendu, cependant, que selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire personnel produit, le mémoire en défense, le mémoire additionnel et en réplique ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Guy Lesourd et pris de la violation de l'article 2 de la loi du 23 juillet 1931 modifiant l'article 70 du Code d'instruction criminelle, de l'article 55 de la loi du 24 janvier 1984, des articles 111-4 et 121-1 du nouveau Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marie-Thérèse X... coupable du délit de publication d'information relative à une constitution de partie civile ;

"aux motifs que Roger B... et la société Groupe B... justifient par la production d'extraits de journaux et de comptes rendus de conférences de presse animées par Marie-Thérèse X... que, postérieurement à la plainte avec constitution de partie civile contre X..., déposée par celle-ci le 17 mars 1994 et visant des faits manifestement imputables à Roger B... et son Groupe Z, des informations concernant cette plainte ont été publiées ou laissées publier par Marie-Thérèse X...;

qu'il en est ainsi, le 19 mars et en mai 1994 d'articles dans les revues Sud-Ouest et Boutiques de France International, faisant état de "procédures", le 20 juin 1994 d'un article intitulé " la correspondance de l'enseigne" où il est dit : "une plainte au pénal a été déposée le 18 mars par Me A... (avocat de la prévenue - tenue au secret de l'instruction, elle aurait trait notamment à l'association du Vélo Moto Club de Paris dont Roger B... fut président et pour laquelle les franchisés Z estiment avoir versé 54 millions de francs depuis 1987...";

que dans la Revue Professionnelle de la Fédération Nationale des Détaillants du Textile et de l'Habillement, il est écrit "Chez Z, cette fois on ne rigole plus. Plusieurs commissions rogatoires ont été déposées avec mission pour les inspecteurs d'effectuer les investigations les plus larges possibles sur les activités du Groupe Z. A suivre donc...";

qu'il en est encore ainsi dans la correspondance adressée par Marie-Thérèse X... au banquier du Groupe Z, le Crédit Lyonnais, telle que décrite dans le jugement déféré à la Cour;

que Marie-Thérèse X... apparaît, soit comme l'auteur de cette note, soit comme l'animatrice de diverses conférences de presse destinées à assurer la diffusion de ces informations, étant même citée comme "le porte-parole" des franchisés Z;

qu'ainsi, l'infraction est-elle caractérisée et imputable à Marie-Thérèse X... ;

1°) "alors que l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931 interdit la publication, avant une décision judiciaire, de toute information relative à des constitutions de partie civile faites en application de l'article 85 du Code de procédure pénale;

que la loi pénale est d'interprétation stricte et qu'ainsi que la Cour de Cassation est en mesure de s'en assurer par l'examen des écrits visés dans la citation directe des parties civiles et jointe à la procédure, le dossier ne contient pas la moindre information relative à une constitution de partie civile, de sorte qu'un élément constitutif de l'infraction fait défaut ;

2°) "alors que le terme "plainte au pénal" figurant dans l'article publié dans la Correspondance de l'Enseigne ne permet pas, contrairement à ce qu'a estimé la cour d'appel - à la différence des termes "plainte avec constitution de partie civile" ou "plainte déposée auprès du doyen des juges d'instruction" - de caractériser la publication d'une information relative à une constitution de partie civile ;

3°) "alors que l'information relative à l'existence de "commissions rogatoires", lesquelles interviennent nécessairement à un stade de la procédure, postérieur à la saisine du juge d'instruction qui peut intervenir à l'initiative du ministère public et non pas nécessairement en suite d'une plainte avec constitution de partie civile, ne caractérise pas davantage un élément constitutif du délit retenu par la cour d'appel ;

4°) "alors qu'aux termes de l'article 121-1 du nouveau Code pénal, nul n'est responsable que de son propre fait;

que l'arrêt attaqué a retenu Marie-Thérèse X... dans les liens de la prévention du chef de publication d'information relative à une constitution de partie civile en ce qui concerne les publications visées dans la citation en se référant soit au fait qu'elle aurait publié, soit au fait qu'elle aurait laissé publier les informations en cause et qu'en déduisant inexactement de ces motifs insuffisants et hypothétiques que l'infraction était imputable à Marie-Thérèse X... poursuivie en qualité d'auteur principal et non en qualité de complice, l'arrêt attaqué a méconnu le texte susvisé ;

5°) "alors que la publication des "mêmes informations" par Marie-Thérèse X... par la voie de conférence de presse dans la mesure où elles n'impliquaient pas dans leur contenu la diffusion d'information relative à une constitution de partie civile ne pouvaient davantage justifier la décision de condamnation attaquée ;

6°) "alors que la publicité est un élément essentiel du délit de publication d'information relative à une constitution de partie civile ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, la demanderesse faisait valoir que la note adressée au Crédit Lyonnais en août 1994 dans laquelle elle révélait l'existence de la plainte avec constitution de partie civile incriminée était une correspondance privée adressée à un banquier astreint au secret professionnel par l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984 et qu'en ne s'expliquant pas sur cet argument péremptoire des conclusions de la demanderesse, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale" ;

Sur les sept moyens de cassation proposés par le mémoire personnel et pris de la violation de l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931 ;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931 interdit la publication, avant une décision judiciaire, de toute information relative à des constitutions de partie civile faites en application de l'article 85 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision;

que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, par la même citation directe, Marie-Thérèse X... a été poursuivie, à la requête de Roger B... et de la société anonyme Groupe B..., du chef de publication interdite d'informations relatives à une constitution de partie civile, sur le fondement de l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931, en raison des informations divulguées dans quatre articles de presse et une lettre au Crédit Lyonnais ;

Attendu que, pour retenir la prévenue dans les liens de la prévention, les juges relèvent que Marie-Thérèse X... a porté plainte avec constitution de partie civile, le 18 mars 1994, auprès du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, en raison de faits mettant en cause le groupe B... et ses dirigeants;

que, selon l'arrêt, les articles parus dans les revues Sud-Ouest et "Boutiques de France International" font état de "procédures", un article publié dans l'hebdomadaire "La Correspondance de l'Enseigne" mentionne le dépôt d'une "plainte au pénal" et le "secret de l'instruction", un article publié dans la revue professionnelle de la Fédération Nationale des Détaillants du Textile et de l'Habillement relate les investigations effectuées à l'intérieur du groupe B... en exécution de "plusieurs commissions rogatoires";

que les juges ajoutent que dans la correspondance adressée au Crédit Lyonnais, en août 1994, par la prévenue, celle-ci a énoncé :

Jusqu'au jour du 19 mars 1994, date à laquelle nous avons rendu publique notre situation, au cours d'une conférence de presse suivie par la presse professionnelle (voir articles ci-joints)" ;

Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

Que la cassation est encourue de ce chef, mais seulement sur les intérêts civils ;

Sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Guy Lesourd et pris de la violation de l'article 321-1 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Marie-Thérèse X... coupable de recel sans constater la nature de l'infraction originaire" ;

Sur le huitième moyen de cassation proposé par le mémoire personnel et pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que le recel n'est constitué que si les choses détenues proviennent d'une action qualifiée crime ou délit par la loi ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision;

que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Marie-Thérèse X... a été poursuivie, par citation directe, à la requête de Roger B... et de la société anonyme Groupe B..., du chef de recel, sur le fondement de l'article 321-1 du Code pénal, pour avoir détenu, courant 1994 à Mont-de-Marsan et à Paris, une note confidentielle du groupe B..., obtenue par des moyens frauduleux ;

Attendu que pour déclarer Marie-Thérèse X... coupable de recel, les juges relèvent que la prévenue, qui avait cessé d'appartenir au groupe B..., comme franchisée, a reçu anonymement, par fax, un document dont elle a pu identifier l'expéditeur, par son numéro, comme faisant partie du personnel de ladite société;

que les juges précisent qu'il s'agissait du compte rendu d'une réunion interne à la société, qui ne devait pas, normalement, être adressé à Marie-Thérèse X..., en dépit de la mention pour tous" qui y figurait, ce document étant destiné à tous ceux qui avaient assisté à la réunion;

que selon l'arrêt, le fait de recevoir d'une personne anonyme un document qui ne devait pas être diffusé à des tiers à l'entreprise suffit à démontrer la connaissance, par la destinataire, de son origine frauduleuse, et sa mauvaise foi ;

Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, qui ne caractérisent ni l'infraction qui serait à l'origine de la réception du compte rendu litigieux, ni l'aspect frauduleux de sa détention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

Que la cassation est encourue de ce chef, tant sur l'action publique que sur l'action civile ;

Par ces motifs,

DECLARE l'action publique éteinte par amnistie du chef de l'infraction à l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931 ;

CASSE et ANNULE, dans les limites précisées ci-dessus, l'arrêt de la cour d'appel de Pau, en date du 22 mars 1995, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, réunis en formation restreinte, conformément aux dispositions de l'article L. 131-6 du Code de l'organisation judiciaire : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Simon conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-82458
Date de la décision : 27/11/1997
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 22 mars 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 nov. 1997, pourvoi n°95-82458


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.82458
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award