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27/11/1997 | FRANCE | N°95-80233

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 1997, 95-80233


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- PREVOST Jean Louis, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4ème chambre, en date du 15 décembre 1994, qui, pour dif

famation publique envers un particulier, l'a condamné à 2 000 francs d'amende, et...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- PREVOST Jean Louis, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4ème chambre, en date du 15 décembre 1994, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 2 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

1) Sur l'action publique :

Attendu que selon l'article 2 alinéa 2-5 de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse;

qu'ainsi, l'action publique est éteinte à l'égard du prévenu ;

Attendu cependant que selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;

2) Sur l'action civile :

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 9-1 du code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué confirmant le jugement entrepris, a déclaré Jean-Louis Prévost coupable du délit de diffamation, et l'a condamné au paiement d'une somme de 1 000 francs de dommages-intérêts ;

"aux motifs propres et adoptés que, la légitimité du but poursuivi par le journal ne saurait être contestée, de même que l'absence d'animosité personnelle;

que Jean-Louis Prévost, en revanche, n'établit pas que des vérifications préalables aient été effectuées;

or, si la presse doit "sortir" rapidement les nouvelles et si l'on ne saurait exiger des journalistes la vérification de tout le monceau d'informations qui leur parviennent, le seul fait que d'autres organes de presse aient relaté un événement ne saurait les dispenser de faire preuve de prudence;

qu'en outre, la présentation même de l'article n'apparaît pas conforme aux exigences de prudence et de mesure de l'expression nécessaire à l'admission de la bonne foi;

ainsi, la convergence du titre "une société de gardiennage illégale pour l'ancien gendarme" et du contenu de l'article étaient de nature à faire accroire aux lecteurs que l'intéressé s'était effectivement rendu coupable d'agissements dont on était à même d'ores et déjà d'affirmer qu'ils auraient des conséquences pénales qui avaient nécessité, dès à présent, son incarcération ;

"alors que le droit à l'information implique que soit accordé le bénéfice de la bonne foi à tout journaliste qui se borne à relater la mise en examen ou l'incarcération d'une personnalité nationale ou locale en indiquant, sans autre commentaire, les chefs dont il est poursuivi;

qu'en ne précisant pas concrètement en quoi les auteurs de l'article litigieux auraient méconnu les limites du devoir d'information, ou livré des informations que des vérifications plus approfondies les auraient convaincus soit de taire, soit de relativiser, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motif et violé les textes susvisés ;

"alors que l'article litigieux indique expressément, en conclusion, qu'Edouard X. "doit passer devant le tribunal, ce mardi, pour répondre de faux et usage de faux et d'abus de biens sociaux";

qu'en déclarant que cet article tendait à faire accroire au lecteur qu'il était déjà pénalement coupable de ces délits et incarcéré à ce titre, la cour d'appel a dénaturé le sens de l'article litigieux et violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le journal La Voix du Nord, dont Jean-Louis Prévost était directeur de la publication, a publié le 23 février 1993 un article intitulé "Vitry en Artois - Une société de gardiennage illégale pour l'ancien gendarme", relatant l'arrestation d'Edouard X., pour faux et usage de faux, en raison d'emplois fictifs de sa femme et de son fils dans l'entreprise de gardiennage qu'il avait créée, et d'emplois de travailleurs non déclarés;

que sur plainte avec constitution de partie civile d'Edouard X., Jean-Louis Prévost a été poursuivi et renvoyé devant la juridiction correctionnelle, du chef de diffamation publique envers un particulier, en application de l'article 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'après avoir admis, à bon droit, le caractère diffamatoire, envers le plaignant, des propos qui le mettaient en cause, les juges ont écarté l'exception de bonne foi invoquée par le prévenu, en relevant, par motifs propres et adoptés, l'absence de vérifications préalables de l'information, empruntée à d'autres médias, et le manque de prudence du journaliste, qui a présenté la personne mise en cause comme coupable d'agissements ayant nécessité son incarcération immédiate, en raison des conséquences pénales qu'ils devaient comporter ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués;

qu'en effet, le but légitime d'information du public ne dispense pas le journaliste du respect de la présomption d'innocence, ainsi que des devoirs de prudence et d'objectivité dans l'expression de la pensée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

I/ Sur l'action publique :

la DECLARE éteinte ;

II/ Sur l'action civile :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, réunis en formation restreinte, conformément aux dispositions de l'article L.131.6 du Code de l'organisation judiciaire : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Simon conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-80233
Date de la décision : 27/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Journaliste - Respect de la présomption d'innocence - Devoir de prudence et d'objectivité dans l'expression de la pensée.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 32 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 15 décembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 nov. 1997, pourvoi n°95-80233


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.80233
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