La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/1997 | FRANCE | N°95-18432

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 novembre 1997, 95-18432


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Dusfour matériel, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est ZAE, ... de Londres,

2°/ M. Olivier X..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Dusfour matériel, demeurant ...,

3°/ M. Luc Y..., ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société Dusfour matériel, demeurant ..., en cassation d'un arrêt re

ndu le 16 mai 1995 par la cour d'appel d'Amiens (chambre commerciale), au profit de la société Case Po...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Dusfour matériel, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est ZAE, ... de Londres,

2°/ M. Olivier X..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Dusfour matériel, demeurant ...,

3°/ M. Luc Y..., ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société Dusfour matériel, demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 16 mai 1995 par la cour d'appel d'Amiens (chambre commerciale), au profit de la société Case Poclain, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 octobre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Aubert, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Grimaldi, Apollis, Lassalle, Tricot, Badi Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, M. Le Dauphin, Mme Geerssen, M. Rémery, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Aubert, conseiller, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la société Dusfour matériel et de MM. X... et Y..., ès qualités, de Me Delvolvé, avocat de la société Case Poclain, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 février 1995), rendu en matière de référé, que l'EURL Dusfour Matériel (EURL Dusfour) a conclu avec la société Case Poclain huit contrats de location de matériel de travaux publics;

qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de l'EURL Dusfour, M. X..., nommé administrateur, a opté pour la poursuite de cinq contrats et renoncé à celle des trois autres;

que les loyers des contrats en cours n'ayant pas été payés, la société Case Poclain a procédé à la résiliation de ceux-ci et assigné l'EURL Dusfour, qui avait bénéficié d'un plan de continuation, l'administrateur et le représentant des créanciers devant le juge des référés pour être autorisée à reprendre les matériels loués et pour obtenir la condamnation solidaire, à titre provisionnel, de la locataire et de l'administrateur au paiement des arriérés de loyers, des sommes dues au titre de la clause pénale et de l'indemnité d'immobilisation ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi formé par M. X..., relevée d'office :

Vu l'article 67 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que les actions introduites par l'administrateur avant le jugement qui arrête le plan sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ;

Attendu que le plan de continuation de l'EURL Dusfour a été arrêté par jugement du 26 août 1994 et que M. X... a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Attendu que le pourvoi formé le 17 août 1995 par M. X... en sa qualité d'administrateur judiciaire est irrecevable ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches :

Attendu que l'EURL Dusfour et le représentant des créanciers font grief à l'arrêt d'avoir, en retenant la compétence d'une juridiction étrangère à celle de la procédure collective, condamné l'EURL Dusfour à payer les arriérés de loyers augmentés des intérêts ainsi que la clause pénale afférents aux trois contrats non poursuivis alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'échappe à la compétence des juges de droit commun autres que ceux de la procédure collective, l'octroi de dommages-intérêts nés de la renonciation de l'administrateur judiciaire à poursuivre les contrats en cours, ces créances liées à la résolution de ces conventions, considérées comme antérieures au jugement d'ouverture, étant soumises comme telles à déclaration au passif, si bien qu'en accordant au même titre des sommes correspondant aux fins d'une clause pénale, à des intérêts moratoires contractuels et à une indemnité d'immobilisation, la cour d'appel a violé les articles 37, alinéa 4, et 66 de la loi du 25 janvier 1985;

et alors, d'autre part, que l'arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous les intérêts et majorations de retard s'applique aux créances antérieures au jugement d'ouverture, si bien qu'en allouant des sommes à ce titre pour la période postérieure à la décision de l'administrateur de renoncer à la poursuite des trois contrats litigieux, la cour d'appel a violé l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas alloué d'indemnité d'immobilisation qui n'était pas demandée à l'égard des matériels afférents aux contrats non poursuivis ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a relevé que la clause pénale figurant aux contrats n'était pas liée à la résiliation du contrat et consistait en une majoration du loyer impayé à son échéance dont elle devait suivre le sort et en a exactement déduit que, s'agissant de créances échues postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, elles bénéficiaient de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et que l'article 55 de cette loi n'était pas applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que l'EURL Dusfour et le représentant des créanciers reprochent à l'arrêt d'avoir retenu la compétence du juge des référés pour condamner l'EURL Dusfour au paiement des arriérés de loyers, de la clause pénale et de l'indemnité d'immobilisation afférents aux contrats poursuivis alors, selon le pourvoi, d'une part, que la société Poclain a reconnu dans ses propres conclusions avoir reçu le paiement de deux sommes de 49 495,33 francs correspondant aux loyers mensuels des contrats poursuivis, tandis que l'EURL Dusfour soutenait que l'une de ces sommes avait été versée au titre des trois contrats non poursuivis, si bien qu'en prenant en considération un seul de ces paiements au titre des créances résultant des seules conventions poursuivies, la cour d'appel a révélé par là-même l'existence d'une contestation sérieuse portant sur la qualité et le montant des créances admises au bénéfice de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et violé les articles 872 et 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile;

alors, d'autre part, qu'en l'état des propres conclusions de la société Case Poclain, les deux règlements de l'EURL Dusfour de 49 495,33 francs devaient être déduits du montant des créances admises au bénéfice de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, si bien qu'en ne prenant en considération qu'un seul des paiements effectués par le débiteur à ce titre, la cour d'appel a violé le texte précité;

et alors, enfin, qu'il appartient au créancier d'une obligation de faire, qui se prévaut d'un droit né de l'exécution tardive par le débiteur, de prouver le retard mis par celui-ci à s'exécuter, si bien qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'inertie de la société Case Poclain à faire procéder à l'enlèvement des matériels dans les trois mois de la résiliation des contrats ne constituait pas la cause du préjudice résultant de l'immobilisation de ses matériels tenus à sa disposition par l'EURL Dusfour dès le prononcé de l'ordonnance de référé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, par une appréciation souveraine, retient que le second versement des loyers se rapportait aux contrats poursuivis, comme le premier déjà pris en compte et que les rectifications apportées par la société Case Poclain au montant de ses demandes, par ailleurs conformes aux dispositions contractuelles, ne révélaient pas l'existence d'une contestation sérieuse ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a retenu qu'à la suite de la résiliation des contrats poursuivis, l'EURL Dusfour était tenue, aux termes de ceux-ci, de restituer les matériels loués à la société Case Poclain qui n'avait pas à les revendiquer et dont la responsabilité ne pouvait être recherchée en raison du retard mis à reprendre les matériels loués ; qu'elle a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :

Vu les articles 37, alinéa 3, et 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour condamner l'EURL Dusfour au paiement d'une certaine somme au titre des loyers et de la clause pénale des contrats non poursuivis par l'administrateur, l'arrêt retient que l'obligation de restitution des matériels loués en vertu de ces contrats pèse sur le locataire et que les loyers sont dus jusqu'à ce qu'il ait été satisfait à cette obligation ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que l'administrateur avait renoncé à la poursuite de ces contrats, alors qu'elle ne pouvait condamner l'EURL Dusfour au paiement des sommes dues au titre des loyers et de la clause pénale échus postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire, à l'exception de ceux afférents à la période comprise entre cette ouverture et la date de renonciation, qui entraient seuls dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, sans démontrer l'existence d'une faute commise par l'entreprise et son administrateur, d'un préjudice subi par le bailleur et d'un lien de causalité entre ces éléments, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'EURL Dusfour Matériel au paiement des sommes dues au titre des loyers et de la clause pénale échus postérieurement à la date de renonciation à la poursuite de trois contrats, l'arrêt rendu le 16 mai 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Case Poclain aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Case Poclain, de l'EURL Dusfour matériel et de MM. X... et Y..., ès qualités ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-18432
Date de la décision : 25/11/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Administrateur judiciaire - Pouvoirs - Action en justice - Dessaisissement au profit du commissaire à l'exécution du plan - Irrecevabilité à poursuivre.

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement judiciaire - Effets - Contrats en cours - Bail - Résiliation - Clause pénale pour loyers impayés - Déclaration à faire pour la période de continuation - Conditions.


Références :

Code civil 1382
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 37 al. 3, art. 40 et 67

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens (chambre commerciale), 16 mai 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 nov. 1997, pourvoi n°95-18432


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.18432
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award