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25/11/1997 | FRANCE | N°95-14603

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 novembre 1997, 95-14603


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 20 février 1995), que la société Agi 32 a acheté un exemplaire de la revue mensuelle éditée par la société Exa publications, aux droits de laquelle vient la société Excelsior informatique ; que, dans cette revue, était insérée une disquette de gestion de bureautique qui s'est révélée être infectée d'un virus ; que la société Agi 32 a introduit une instance pénale contre MM. X... et Y..., tiers aux sociétés de publication, et a assigné celles-ci devant la juridiction civile en paiement de dommages-intérêts, en raison du préjudic

e subi du fait de la contamination de son système informatique ;

Sur le pre...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 20 février 1995), que la société Agi 32 a acheté un exemplaire de la revue mensuelle éditée par la société Exa publications, aux droits de laquelle vient la société Excelsior informatique ; que, dans cette revue, était insérée une disquette de gestion de bureautique qui s'est révélée être infectée d'un virus ; que la société Agi 32 a introduit une instance pénale contre MM. X... et Y..., tiers aux sociétés de publication, et a assigné celles-ci devant la juridiction civile en paiement de dommages-intérêts, en raison du préjudice subi du fait de la contamination de son système informatique ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Exa publications et Excelsior informatique font grief à l'arrêt d'avoir refusé de faire droit à la demande de sursis à statuer, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'identité de cause d'objet ou de parties n'est pas une condition d'application de l'article 4, alinéa 2, du Code de procédure pénale et qu'en décidant le contraire pour écarter la demande de sursis à statuer présentée par la société Excelsior informatique, la cour d'appel a violé, par fausse application, ledit texte ; et alors, d'autre part, que si la juridiction pénale devait déclarer MM. X... et Y... coupables des délits prévus par les articles 462-3 et 462-4 du Code pénal, la société Agi 32 serait en droit, en sa qualité de partie civile, d'obtenir réparation du préjudice matériel résultant de l'utilisation d'une disquette infectée par leurs soins et, notamment, de la perte de son chiffre d'affaires ; que, dès lors, la décision à intervenir au pénal était de nature à influer sur le montant des condamnations qui seraient éventuellement mises à la charge de la société Excelsior informatique, poursuivie devant la juridiction civile par la société Agi 32 pour obtenir l'indemnisation de son préjudice matériel, notamment de la perte de son chiffre d'affaires résultant de l'utilisation de la disquette infectée ; que, dès lors, à supposer que la cour d'appel, nonobstant l'erreur de droit commise, puisse être considérée comme ayant recherché si la décision à intervenir au pénal était de nature à influer sur la décision rendue au civil, elle ne pouvait refuser le sursis à statuer sans violer l'article 4, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;

Mais attendu, d'une part, qu'en relevant que la décision pénale à intervenir sur les fautes délictuelles de MM. X... et Y... n'avait aucune incidence sur la définition de la consistance des obligations du vendeur, l'arrêt n'encourt pas le grief de la première branche ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a constaté que la société Excelsior n'avait pas prétendu ni justifié que la société Agi 32 avait été effectivement indemnisée dans le cadre de l'instance pénale ; qu'elle a relevé également que la constitution de partie civile de la société Agi 32 à l'encontre de MM. Y... et X... n'avait pu épuiser les droits de la société Agi 32 à l'encontre de son vendeur ; que, de ces constatations, elle a déduit justement qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Exa publications et Excelsior informatique reprochent également à l'arrêt d'avoir considéré que la disquette litigieuse constituait un élément du contrat de vente et d'avoir condamné la société Excelsior informatique à garantir la société Agi 32 des conséquences dommageables du virus affectant la disquette, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la disquette litigieuse distribuée gratuitement avec la revue dont le prix restait inchangé, n'ayant pas été fabriquée par la société Excelsior informatique et le vice résultant de la présence du virus n'étant pas lié aux modalités de vente du produit, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 1134 et 1641 du Code civil, considérer que la disquette était un élément du contrat de vente et que cette société était tenue de l'obligation légale du vendeur ; et alors, d'autre part, que la présence du virus dans la disquette résultant d'une intervention frauduleuse, ce pourquoi ses auteurs ont été poursuivis, échappant à la société distributrice de la revue, la cour d'appel ne pouvait, sans violer à nouveau les dispositions de l'article 1641 du Code civil, considérer que le caractère imprévisible et irrésistible du fait du tiers n'était pas démontré ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate que la disquette, insérée au milieu du journal et fixée à ce support, ne pouvait être physiquement dissociée avant que l'acquisition de la revue permette d'en disposer ; qu'il relève également que cette revue comportait sur la couverture un encart publicitaire, mentionnant la présence de la disquette gratuite, destiné à favoriser la vente de la revue, que sur cette disquette figurait le logo " Soft et micro " faisant apparaître la participation de la société Exa publications dans sa distribution ; que, de ces constatations, la cour d'appel a déduit justement que la disquette constituait l'un des éléments du contrat de vente, et que la société Exa publications était dès lors tenue, en ce qui la concernait, des obligations légales du vendeur ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que le risque de contamination par virus était un risque connu dans le domaine informatique, ayant suscité une abondante littérature ainsi que la mise au point de logiciel de détection et de suppression des virus et d'une véritable stratégie de défense à l'égard de ces risques d'invasion ; qu'il constate également que la société Excelsior avait élaboré un logiciel antivirus, ce qui confirme sa maîtrise en ce domaine et corrobore sa qualité de professionnelle ; qu'il relève qu'elle avait procédé à un contrôle sur la disquette de démonstration, démontrant par là que ce contrôle était usuel et réalisable ; que, de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire exactement que le caractère imprévisible et irrésistible du fait d'un tiers n'était pas démontré ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que les sociétés Excelsior informatique et Exa publications font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que la faute de la victime doit être prise en considération dès lors qu'elle a contribué à la réalisation de son dommage ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'en retenant que la société Excelsior informatique reprochait seulement à la société Agi 32 de n'avoir pas utilisé le logiciel antivirus réalisé par elle, ce qui n'était pas établi, la cour d'appel a caractérisé l'absence de faute de la société utilisatrice (Agi 32), abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen ; que celui-ci ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-14603
Date de la décision : 25/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° PROCEDURE CIVILE - Le criminel tient le civil en l'état - Applications diverses - Vente commerciale - Vendeur - Obligations - Instance pénale en cours - Absence d'incidence - Sursis à statuer (non).

1° Ne viole pas la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état une cour d'appel qui relève que la décision pénale à intervenir sur les fautes délictuelles n'avait aucune incidence sur la définition de la consistance des obligations du vendeur d'une revue informatique ayant inséré dans sa publication une disquette de gestion bureautique infectée d'un virus.

2° PROCEDURE CIVILE - Le criminel tient le civil en l'état - Applications diverses - Vente commerciale - Action de l'acheteur contre le vendeur - Droits non épuisés par une constitution de partie civile - Sursis à statuer (non).

2° Une cour d'appel qui constate qu'un vendeur recherché en paiement de dommages-intérêts n'avait ni prétendu ni justifié que son acheteur avait été effectivement indemnisé dans le cadre de l'instance pénale, et qui relève que la constitution de partie civile de cet acheteur n'avait pu épuiser ses droits à l'encontre de son vendeur en déduit justement qu'il n'y a lieu de surseoir à statuer sur l'action intentée contre le vendeur.

3° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Objet - Détermination - Journal et disquette - Indissociabilité - Publicité réciproque.

3° VENTE - Garantie - Vices cachés - Domaine d'application - Vendeur - Journal comprenant une disquette.

3° Ayant constaté qu'une disquette informatique insérée au milieu d'un journal et fixée à ce support ne pouvait être physiquement dissociée avant que l'acquisition de la revue permette d'en disposer, et ayant relevé que cette revue comportait sur sa couverture un encart publicitaire mentionnant la présence de la disquette gratuite, destiné à favoriser la vente de la revue, que sur cette disquette figurait le logo faisant apparaître la participation de la société éditrice de la revue dans sa distribution, une cour d'appel en déduit justement que la disquette constituait un des éléments du contrat de vente et que la société éditrice de la revue était dès lors tenue en ce qui la concernait des obligations légales du vendeur.

4° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Exonération - Faute d'un tiers - Caractères - Imprévisibilité et irrésistibilité - Virus informatique - Risque connu - Contrôle usuel.

4° Le caractère imprévisible et irrésistible du fait d'un tiers n'est pas démontré lorsqu'une cour d'appel retient que le risque de contamination par virus était un risque connu dans le domaine informatique ayant suscité une abondante littérature ainsi que la mise au point de logiciel de détection et de suppression des virus et d'une véritable stratégie de défense à l'égard de ces risques d'invasion et constate que la société, dont la responsabilité était recherchée, avait élaboré un logiciel antivirus ce qui confirme sa maîtrise en ce domaine et corrobore sa qualité de professionnelle, démontrant en outre, en procédant à un contrôle sur la disquette de démonstration, que ce contrôle était usuel et réalisable.

5° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Exonération - Faute de la victime - Absence - Logiciel antivirus - Utilisation - Omission - Preuve non rapportée.

5° Caractérise l'absence de faute de l'utilisateur d'une disquette informatique infectée d'un virus la cour d'appel qui retient que le vendeur reprochait seulement à l'utilisateur de n'avoir pas utilisé le logiciel antivirus réalisé par lui, ce qui n'était pas établi.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 20 février 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 nov. 1997, pourvoi n°95-14603, Bull. civ. 1997 IV N° 308 p. 264
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 308 p. 264

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Vigneron.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Rouvière et Boutet, M. Brouchot.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.14603
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