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18/11/1997 | FRANCE | N°95-80482

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 novembre 1997, 95-80482


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- DENU Charles, contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 24 novembre 1994, qui l'a déclaré coupable de diffamation et injure

s publiques envers un particulier et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- DENU Charles, contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 24 novembre 1994, qui l'a déclaré coupable de diffamation et injures publiques envers un particulier et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

1) Sur l'action publique :

Attendu que, selon l'article 2, alinéa 2,5 , de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse;

qu'ainsi l'action publique est éteinte à l'égard du prévenu ;

Attendu cependant que, selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;

2) Sur l'action civile :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, 1315 du Code civil, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action en diffamation et injure soulevée par le prévenu ;

"aux motifs implicitement adoptés des premiers juges que Charles Denu indique que la plainte de Jacques X. a été enregistrée le 28 janvier 1983 et que cette erreur ôte toute date certaine et qu'il y a prescription ;

"que cette erreur purement matérielle est sans conséquence sur l'action publique ;

"alors que c'est aux parties poursuivantes, ministère public et partie civile, qu'il incombe d'établir la recevabilité des poursuites notamment en prouvant que celles-ci ne sont pas prescrites;

qu'en l'espèce où les juges du fond ont du reconnaître qu'il existait une erreur portant sur la date d'enregistrement de la plainte de la partie civile, cette date étant très largement antérieure à celle des faits poursuivis, ils ne pouvaient, sans priver leur décision de motifs et violer l'article 65 de la loi du 29 Juillet 1881, faire état du caractère purement matériel de l'erreur dont ils ont reconnu l'existence et qui avait pour conséquence d'interdire tout contrôle sur le point de savoir si la plainte avait bien été déposée dans le délai de prescription de trois mois prévu par le texte précité, pour rejeter l'exception de prescription soulevée par le prévenu" ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué et des pièces de procédure que la plainte avec constitution de partie civile de Jacques X. a été reçue le 28 janvier 1993 par le juge d'instruction, qui a mentionné cette date notamment dans son ordonnance du 1er février 1993 fixant la consignation;

qu'ainsi, les juges ont, à bon droit, considéré comme inopérante la mention d'arrivée en 1983 apposée par un procédé mécanique sur la plainte elle-même ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32, 35 de la loi du 29 juillet 1881, 1350 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, violation de l'autorité de la chose jugée, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de diffamation publique envers un particulier ;

"aux motifs que Charles Denu prétend avoir rapporté la preuve de la véracité des imputations qui lui sont reprochées, mais d'abord, que la Cour relève que la malhonnêteté imputée à Jacques X. page 182 du livre du prévenu, n'est pas prouvée et ne peut l'être, puisque Jacques X. a été relaxé de la prévention à laquelle il est fait allusion dans ce texte, par un arrêt irrévocable de la cour d'appel de Grenoble, rendu après cassation d'un arrêt de condamnation de la cour d'appel de Chambéry, cassation dont Charles Denu avait connaissance puisqu'il reproduit intégralement dans son livre l'arrêt de la chambre criminelle, ce qui lui interdit de soutenir qu'il était de bonne foi ;

"ensuite, les éléments du dossier établissent que les allégations figurant à la page 184 sont tendancieuses et entachées d'inexactitudes;

qu'en effet, il résulte de la déclaration faite par Mme Z., épouse Y., au juge d'instruction que lorsque "le drame... est intervenu, c'est sa belle-soeur qui a pris l'initiative d'appeler Jacques X., avec lequel elle était elle-même en litige, pour lui demander de faire un geste ;

"qu'ainsi, ce n'est pas Jacques X. qui a pris l'initiative d'entreprendre une démarche auprès de la famille Y. mais l'inverse, ce qui change complètement l'aspect des choses et l'appréciation pouvant être portée sur le comportement de Jacques X. ;

"alors que, d'une part, le prévenu n'imputait aucune malhonnêteté à la partie civile à la page 182 de son livre, mais, après avoir reproché à Jacques X. d'avoir conservé l'argent versé par ses clients pour la construction d'une maison qui n'avait pas été construite, il soulignait que cette attitude avait entraîné la condamnation de la partie civile pour abus de confiance et infraction au Code de la construction et de l'habitation et que le jugement de condamnation ayant été confirmé en appel, la Cour de Cassation avait annulé l'arrêt de la cour d'appel par une décision qu'il reproduisait intégralement et exactement dans son livre, qu'en invoquant la réalité de ces décisions de justice dont l'existence est incontestable, le prévenu a bien rapporté la preuve de la vérité de ses imputations, que, dès lors, en déclarant le prévenu coupable de diffamation sous prétexte que la vérité des faits diffamatoires ne pouvait être rapportée parce que, postérieurement à la publication du livre, la cour de renvoi désignée par l'arrêt de la Cour de Cassation qui avait censuré l'arrêt de condamnation, avait prononcé la relaxe, la Cour a violé l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, cette relaxe, postérieure aux faits poursuivis, ne pouvant avoir aucune influence sur le droit qu'avait le prévenu en vertu de ce texte d'établir la vérité des faits éventuellement diffamatoires ;

"alors que, d'autre part, la Cour s'est mise en contradiction flagrante avec elle-même en déduisant l'absence de bonne foi du prévenu du fait qu'il avait lui-même reproduit intégralement, dans l'écrit incriminé, l'arrêt de la Cour de Cassation ayant censuré l'arrêt de condamnation de la partie civile ;

"et qu'enfin, le demandeur n'ayant pas imputé à la partie civile d'avoir pris l'initiative des contacts qu'elle avait eu avec la famille Y., mais lui ayant reproché d'avoir cherché de mettre à profit le désarroi de cette famille qui venait de perdre son fils de 21 ans et était confrontée à un problème financier pour payer l'enterrement, en lui proposant une somme d'argent trois fois inférieure à celle qu'il avait été condamné à lui verser et de ce fait ayant été établie de même que sa concomitance avec le décès du fils Y., les juges du fond n'ont pas caractérisé le délit dont ils ont déclaré le prévenu coupable en se contentant de faire valoir, pour entrer en voie de condamnation, que la vérité des faits diffamatoires n'avait pas été rapportée parce que ce n'était pas la partie civile qui avait pris l'initiative d'entreprendre une démarche auprès de ses adversaires mais l'inverse" ;

Attendu que Jacques X. a porté plainte avec constitution de partie civile, notamment du chef de diffamation publique envers un particulier, contre Charles Denu, auteur d'un livre intitulé "Parfum de vérités", en raison de sa mise en cause dans un des chapitres de ce livre;

que la plainte a articulé divers passages imputant au plaignant d'avoir, comme promoteur immobilier, irrégulièrement perçu des sommes d'argent en vue de construction de maisons individuelles, d'avoir été condamné pour abus de confiance au préjudice d'une famille et d'avoir tenté de profiter du désarroi de celle-ci, après le décès accidentel d'un enfant, pour obtenir d'elle une transaction à bas prix ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés et caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de diffamation publique envers un particulier retenu à la charge du prévenu ;

Qu'en écartant, par les motifs reproduits au moyen, l'exception de vérité, ainsi que celle de bonne foi, invoquées par le prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, 1350 du Code civil, 6 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la règle :

"non bis in idem", défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'injure publique ;

"au motif que le terme "brebis galeuse" figurant à la page 183 n'est pas inclus dans le même paragraphes que les propos jugés diffamatoires;

que cette expression injurieuse a donc pu faire l'objet d'une incrimination distincte pour la contravention d'injure publique qu'elle constitue ;

"alors que le terme de "brebis galeuse", considéré par la partie civile comme injurieux, ne peut s'expliquer que par référence aux imputations prétendument diffamatoires puisqu'il n'est employé pour désigner la partie civile, que parce qu'il était rappelé dans le texte litigieux que cette dernière avait fait l'objet de deux condamnations pour abus de confiance et infraction au Code de la construction et de l'habitation avant que l'arrêt de condamnation ne soit censuré, que, dès lors, et en application de la règle "non bis in idem", les juges du fond ne pouvaient condamner cumulativement le prévenu pour diffamation et injure publique, cette dernière infraction ayant nécessairement été absorbée par la première" ;

Attendu que la plainte a, par ailleurs, visé le délit distinct d'injure envers un particulier, à raison de l'expression "brebis galeuse" contenue dans un des paragraphes du chapitre incriminé ;

Attendu que les juges ont, à tort, considéré que, n'étant pas incluse dans le même paragraphe que les propos jugés diffamatoires, l'expression injurieuse "brebis galeuse" devait être retenue comme délit distinct, alors que cette injure se rattache directement aux imputations diffamatoires, et que, se confondant avec elles, le délit d'injure est absorbé par celui de la diffamation ;

Attendu, néanmoins, que la cassation n'est pas encourue, dès lors que les réparations civiles prononcées sont justifiées par les imputations diffamatoires retenues à la charge du prévenu ;

Qu'ainsi le moyen est inopérant ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

Sur l'action publique :

La DECLARE éteinte ;

Sur l'action civile :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Simon conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Pelletier, Roger conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Dintilhac ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-80482
Date de la décision : 18/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) PRESSE - Injures - Définition - Expression injurieuse - Expression indissociable de l'imputation diffamatoire - Portée.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29, 32 et 33

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, 24 novembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 nov. 1997, pourvoi n°95-80482


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.80482
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