AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Hesnault, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un jugement rendu le 16 novembre 1994 par le tribunal de grande instance de Versailles, au profit du Directeur général des Impôts, dont le siège est ..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 octobre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Huglo, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société Hesnault, de Me Goutet, avocat du Directeur général des Impôts, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 189 du Traité instituant la communauté européenne ;
Attendu, selon le jugement déféré que la société Hesnault (la société) a procédé entre 1974 et 1988, à l'augmentation de son capital par incorporations de réserves, bénéfices au provisions;
qu'elle a acquitté à ce titre des droits d'enregistrement au taux de 3 % sur le fondement de l'article 812 I 1° du Code général des Impôts, dans sa rédaction alors en vigueur;
qu'elle a, le 19 octobre 1992, réclamé la restitution des droits ainsi acquittés;
qu'après le rejet de sa réclamation, elle a assigné le directeur des services fiscaux des Yvelines devant le tribunal de grande instance ;
Attendu que, pour refuser d'accueillir la demande de la société, le jugement retient que la réclamation de la société est hors délai au regard de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 25 juillet 1991 (Emmott), la cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le droit communautaire s'oppose à ce que les autorités compétentes d'un Etat membre invoquent les règles de procédures nationales relatives aux délais de recours dans le cadre d'une action engagée à leur encontre par un particulier devant les juridictions nationales, en vue de la protection des droits directement conférés par une directive, aussi longtemps que cet Etat membre n'a pas transposé correctement les dispositions de cette directive dans son ordre juridique interne;
que les dispositions de la directive 85/303 du Conseil du 10 juin 1985, limitant de 0 à 1 % le droit d'apport pour les opérations d'augmentation du capital par incorporation de réserves, bénéfices ou provision, précises et inconditionnelles, n'ont été introduites en droit français que par la loi n° 93-1352, du 30 décembre 1993;
que c'est donc à compter de l'entrée en vigueur de cette loi que court le délai de réclamation de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales, le Tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 novembre 1994, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Versailles;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Nanterre ;
Condamne le Directeur général des Impôts aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Hesnault ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.