ARRÊT N° 2
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu que Mme Y..., au service de M. X..., en qualité de femme de ménage depuis le 1er septembre 1982, a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 18 février 1992 ; qu'en cours de suspension de son contrat de travail, elle a pris l'initiative de consulter le médecin du Travail sur son aptitude à reprendre son poste de travail ; que, par avis du 24 novembre 1992 transmis à l'employeur le 3 mai 1993, le médecin du Travail l'a déclarée inapte à son poste de femme de ménage, mais apte à d'autres emplois sous certaines conditions ; que, sans cesser d'adresser des prolongations d'arrêts de travail à son employeur, la salariée a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir un rappel de salaires à compter du 23 novembre 1992, date de l'avis du médecin du Travail jusqu'au 30 avril 1994, date de son licenciement ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Metz, 13 décembre 1994), d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, qu'au vu du certificat médical d'inaptitude, l'employeur avait alors le choix entre deux solutions, soit fournir à Mme Y... un emploi répondant aux indications du certificat médical, soit, en cas d'impossibilité de fournir cet emploi, de procéder à son licenciement ; que, cependant, elle n'a reçu aucune lettre de son employeur l'informant qu'il ne disposait pas d'emploi de remplacement, et elle n'a été licenciée que par lettre du 30 avril 1994 ; qu'il est donc évident que l'article L. 122-24-4 du Code du travail n'a pas été respecté par l'employeur ; et alors, encore, que l'arrêt en cause dans ses attendus ne justifie de sa décision que par l'application de la dernière phrase du 4e paragraphe de l'article L. 241-51 du Code du travail qui dispose que l'avis du médecin du Travail devra être sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l'activité professionnelle ; que cette phrase ne peut s'appliquer que si le certificat n'exclut pas toute possibilité de reprise du travail dans l'emploi occupé avant la maladie ; que, dans le cas de Mme Y..., le certificat du 24 (ou 23) novembre 1992 ne fait pas état d'une inaptitude temporaire et ne prévoit pas une reconvocation ; que la reprise effective de l'activité professionnelle n'aurait donc pas pu éventuellement s'effectuer que dans un nouvel emploi, qui n'a jamais été proposé ; que par ailleurs, dans le cas de Mme Y..., il n'y a pas lieu de procéder à deux examens médicaux ; qu'en effet, l'article R. 241-51-1 du Code du travail pose une condition essentielle à cette obligation, à savoir :
" sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié ... " que la lecture de la fiche d'inaptitude montre bien qu'une reprise du travail dans son emploi (puisqu'elle n'a pas reçu d'autres propositions) aurait été dangereuse pour la santé de la demanderesse ;
Mais attendu que seul l'examen pratiqué par le médecin du Travail dont doit bénéficier le salarié à l'issue des périodes de suspension lors de la reprise du travail en application des alinéas 1 à 3 de l'article R. 241-51 du Code du travail met fin à la période de suspension du contrat de travail ; que si l'alinéa 4 de ce texte prévoit la consultation du médecin du Travail préalablement à la reprise du travail dans le but de faciliter la recherche des mesures nécessaires lorsqu'une modification de l'aptitude de l'intéressé est prévisible, cette visite ne constitue pas la visite de reprise qui seule met fin à la période de suspension du contrat de travail et ne le dispense pas de l'examen imposé par ce texte lors de la reprise effective de son activité professionnelle ; que la visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut aussi être sollicitée par le salarié soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du Travail en avertissant l'employeur de cette demande ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les avis du médecin du Travail invoqués par la salariée avaient été délivrés en cours de suspension de son contrat de travail et que cette dernière avait, sans discontinuer, adressé à l'employeur des avis de prolongation d'arrêt de travail de son médecin traitant, sans jamais demander à reprendre le travail, a énoncé, à bon droit, que tant que la reprise effective du travail n'avait pas eu lieu et que la visite de reprise n'avait pas été effectuée, le contrat de travail demeurait suspendu et que l'employeur n'était tenu à aucune obligation ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.