Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de la société anonyme Tolfer le 24 novembre 1988, le Tribunal a fixé au 5 octobre 1988 la cessation des paiements de la société ; qu'à la demande de Mme Y..., liquidateur judiciaire, la date de la cessation des paiements a été reportée au 1er mai 1988 ; que le Tribunal, se saisissant d'office, a condamné le président du conseil d'administration de la société, M. X..., à payer les dettes sociales à hauteur de 1 000 000 francs ; que M. X... a relevé appel de ces deux décisions ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement qui a reporté au 1er mai 1988 la date de la cessation des paiements alors, selon le pourvoi, d'une part, que cette cessation n'est caractérisée que lorsque le débiteur est dans l'impossibilité de faire face à son actif disponible avec son passif échu, exigible et exigé ; qu'en se bornant à constater qu'une facture d'un montant modeste (15 617,24 francs), du 13 avril 1988, avait été adressée par la société ERPA à la société Tolfer et était encore impayée au 1er mai 1988, sans rechercher si la société ERPA en avait exigé le paiement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que l'état de cessation des paiements d'une personne morale ne saurait se déduire de la constatation de l'existence d'un résultat déficitaire ; que pour justifier l'état de cessation des paiements de la société Tolfer au 1er mai 1988, la cour d'appel a relevé que le bilan établi au 31 décembre 1987 faisait état d'une perte de 2 004 927,77 francs ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que " le dossier de déclaration de créances fiscales " établi par la recette principale des impôts de Paris-La Goutte d'Or, après le prononcé du redressement judiciaire de la société Tolfer, indique que l'administration fiscale a déclaré à titre provisionnel, au titre de l'année 1986, une créance de TVA et des pénalités en précisant expressément " notification de redressement en cours titre non encore établi " ; qu'en considérant que l'administration fiscale avait exigé le paiement de cette imposition avant le 1er mai 1988, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la déclaration de créances et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir écarté de la détermination du passif exigible certaines dettes de la société qui avaient fait l'objet de moratoires, et relevé que M. X... ne rapportait pas la preuve du règlement par compensation de la facture de la société ERPA d'un montant de 15 617,24 francs, impayée le 13 avril 1988, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche énoncée à la première branche, dès lors qu'il n'était pas allégué que la société Tolfer disposait, en raison d'un moratoire consenti par la société ERPA, d'une réserve de crédit lui permettant de faire face à son passif exigible, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que la deuxième branche, qui critique un motif surabondant, est par là même inopérante ;
Attendu, enfin, qu'à défaut de production de l'acte dont la dénaturation est invoquée, la Cour de Cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche et est irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur la troisième branche du premier moyen :
Vu l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que pour reporter au 1er mai 1988 la date de la cessation des paiements, l'arrêt retient qu'outre la créance de la société ERPA, le défaut de paiement des impositions afférentes à 1986 suffit à établir le défaut de paiement du passif exigible au 1er mai 1988 ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, après avoir constaté que les créances fiscales n'avaient été réclamées qu'à partir du mois de novembre 1988, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 625, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer les dettes sociales à hauteur de 600 000 francs, l'arrêt retient que la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements, la poursuite de l'activité déficitaire de la société et l'imprévoyance du dirigeant sont autant de fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif ;
Attendu que, pour user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a pris en considération la faute de gestion résultant de l'absence de déclaration de cessation des paiements au 1er mai 1988 ; que, dès lors, la cassation de l'arrêt, en ce qu'il a statué sur le report de la date de la cessation des paiements, atteint, par un lien de dépendance nécessaire, le dispositif énoncé sur le fondement de l'article 180 précité ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.