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04/11/1997 | FRANCE | N°97-80928

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 1997, 97-80928


REJET du pourvoi formé par :
- le Front national, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 15 janvier 1997, qui, dans la procédure suivie contre Serge X... et la société Nouvelle de Presse et de Communication (SNPC) du chef de refus d'insérer un droit de réponse, a relaxé le prévenu et a débouté le Front national de ses demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 13 de la loi du 29 juillet 1881, 10, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits

de l'homme, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de m...

REJET du pourvoi formé par :
- le Front national, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 15 janvier 1997, qui, dans la procédure suivie contre Serge X... et la société Nouvelle de Presse et de Communication (SNPC) du chef de refus d'insérer un droit de réponse, a relaxé le prévenu et a débouté le Front national de ses demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 13 de la loi du 29 juillet 1881, 10, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que, par l'arrêt attaqué, la Cour a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Paris qui avait relaxé Serge X... des fins de la poursuite pour délit de refus d'insérer dans le journal Libération un droit de réponse sollicité par le Front national suite à un article le mettant en cause dans le numéro 4523 du 4 décembre 1995 et a débouté le Front national de sa demande de réparation pour le préjudice par lui subi ;
" aux motifs que si le droit de réponse prévu à l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 constitue au sens de l'alinéa 2 de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " une mesure nécessaire dans une société démocratique à la protection de la réputation ou des droits d'autrui ", il n'en va pas ainsi si son exercice est sans pertinence ou s'il a pour effet de porter atteinte à la liberté d'expression, objectif majeur de l'article 10, que d'une part, quant à la pertinence, " le contenu du droit de réponse adressé par le Front national constitue en réalité un exposé doctrinal de celui-ci sur la notion d'extrême droite ", exposé " sans rapport avec le contenu de l'article en cause qui traitait des résultats factuels de la réunion d'une instance du Front national et manquait totalement de pertinence, que d'autre part, il est établi par une lettre de Jean-Marie Y... du 31 octobre 1995 que celui-ci " entend demander l'application de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 chaque fois que les mots d'extrême droite qualifieront le Front national qu'il préside, qu'il s'agit d'une " stratégie " pour imposer les thèses du Front national sur le sens du mot extrême droite et " sa propre sémantique politique ", ce qui est contraire à la liberté d'expression et à la démocratie ;
" alors que d'une part, le droit de réponse prévu par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 est général et absolu, que celui qui en use est seul juge de la teneur, de l'étendue, de l'utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l'insertion, qu'il ne peut être refusé qu'autant que la réponse est contraire aux lois, aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers ou à l'honneur du journaliste, qu'il n'appartient pas au juge d'en déterminer ou d'en apprécier la " pertinence ", que la circonstance que le demandeur au droit de réponse y expose " sa propre sémantique politique " ne porte pas atteinte à la liberté d'expression du journaliste, que la Cour ne pouvait omettre de sanctionner le refus de droit de réponse opposé au Front national qui estimait que l'emploi du mot " extrême droite " pour le désigner portait une grave atteinte à sa réputation, sans méconnaître le principe selon lequel, en vertu des dispositions de l'article 10, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, le droit de réponse sollicité constitue une mesure nécessaire dans une société démocratique à la protection de la réputation " du Front national ", dont celui-ci était seul juge, qu'en violation de l'article 10, alinéa 2 susvisé, et de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ;
" alors que d'autre part, la Cour aurait dû rechercher si, en raison de sa connotation péjorative, l'emploi de la qualification " d'extrême droite " pour désigner le Front national ne constituait pas une imputation portant atteinte à la réputation de cette association et si la publication du droit de réponse demandé ne constituait pas une " mesure nécessaire " à la protection de sa réputation et au respect de ses droits " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la publication dans le quotidien Libération daté du 4 décembre 1995, d'un article intitulé " Y... réorganise le Front national ", cette association a demandé l'insertion d'une réponse, à laquelle le directeur de la publication, Serge X..., s'est opposé ;
Que, par acte du 4 mars 1996, le Front national a alors cité ce dernier et la société Nouvelle de Presse et de Communication devant la juridiction correctionnelle pour refus d'insertion, en réclamant, outre des dommages-intérêts, la publication de la réponse, assortie d'une astreinte de 20 000 francs par numéro de retard ;
Que les juges du premier degré ont renvoyé le prévenu des fins de la poursuite et débouté la partie civile de ses demandes ;
Attendu que pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt attaqué rappelle que l'article en cause était consacré à l'organigramme du Front national, et désignait celui-ci dans une de ses phrases comme " parti d'extrême droite " ; que les juges ajoutent que le contenu du droit de réponse adressé par le Front national, à raison de l'emploi de ce terme, constitue un exposé doctrinal ayant pour objet d'imposer ses thèses sur la notion d'extrême droite, sans rapport avec l'article en cause ; qu'elle ajoute que l'usage de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ne constitue pas en l'espèce une mesure nécessaire à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, au sens de l'article 10. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, l'insertion d'une réponse dépourvue de lien de corrélation avec l'article en cause ne peut être exigée sur le fondement de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ; que par ailleurs, la publication d'une telle réponse constituerait une restriction à l'exercice de la liberté de recevoir ou communiquer des informations, non justifiée par la protection de droits énumérés par l'article 10. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80928
Date de la décision : 04/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Droit de réponse - Insertion - Conditions - Rapport de l'écrit dont l'insertion est demandée avec la teneur de l'article auquel il prétend répliquer - Convention européenne des droits de l'homme.

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10.2 - Liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées - Restrictions de l'article 10, paragraphe 2 - Presse - Droit de réponse - Insertion - Conditions

Ne peut être exigée, ni sur le fondement du droit de réponse prévu par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ni au titre de la protection des droits énumérés par l'article 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'insertion d'un écrit dépourvu de corrélation avec la teneur de l'article auquel il prétend répliquer. (1).


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950, art. 10-2
Loi sur la presse du 29 juillet 1881 art. 13

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 janvier 1997

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1996-01-16, Bulletin criminel 1996, n° 26, p. 62 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 1997, pourvoi n°97-80928, Bull. crim. criminel 1997 N° 369 p. 1242
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 369 p. 1242

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Karsenty.
Avocat(s) : Avocat : M. Pradon.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:97.80928
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