AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Pullman international hôtel, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 19 mai 1994 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section E), au profit :
1°/ de M. Antoine X..., demeurant La Villa Revault, 35800 Lunaire,
2°/ de la société Hôtel Oyster Pond, 97150 Saint-Martin,
3°/ de M. Y..., ès qualités de représentant des créanciers de la société Hôtel Bay Shop, domicilié ...,
4°/ de M. de Z..., ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société Hôtel Bay Shop, domicilié ...,
5°/ de l'ASSEDIC de Basse-Terre, dont le siège est ...,
6°/ de l'ASSEDIC de Pointe-à-Pitre, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er juillet 1997, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, M. Desjardins, conseiller, M. Soury, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de M. X..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X... a été engagé par la société Pullman international hôtel en qualité de directeur de l'hôtel d'Oyster Bay à Saint-Martin, à compter du 3 août 1988, avec période d'essai de 3 mois renouvelée pour la même durée; que, le 30 janvier 1989, alors que la période d'essai était toujours en cours, la société Pullman international hôtel a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail; que, le 7 février suivant, la société hôtelière Oyster Pond a signé, avec M. X..., un contrat à durée déterminée pour la période du 4 février au 4 mars suivant; qu'à la suite de la notification, le 25 février 1989, par la société hôtelière Oyster Pond de la rupture de son contrat de travail pour faute grave, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'une indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Pullman international hôtel fait grief à l'arrêt (Paris, 19 mai 1994) d'avoir dit que les deux sociétés devaient être tenues solidairement des condamnations prononcées au profit de M. X..., alors, selon le moyen, que le gestionnaire agissant "pour le compte de", ne saurait être considéré comme un employeur; que la cour d'appel, qui a reconnu l'existence d'un contrat de gestion conclu entre la société Pullman international hôtel et la société hôtelière Oyster Pond, ne pouvait donc pas considérer que la société Pullman international hôtel était employeur conjoint dès lors que cette société n'agissait pas pour son propre compte mais pour celui de la société hôtelière Oyster Pond; que le contrat à durée déterminée, signé lors de la rupture de l'essai, ne l'a été qu'entre la société hôtelière Oyster Pond et M. X..., et celui-ci ne pouvait pas exiger de la société Pullman international hôtel des obligations de reclassement puisqu'elle n'était pas son employeur ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'il résultait du mandat de gestion conclu entre les deux sociétés qu'à compter de l'ouverture de l'hôtel, la société Pullman international hôtel devait gérer l'hôtel et assurer son exploitation avec la société hôtelière Oyster Pond ;
qu'elle en a exactement déduit qu'elle était employeur conjoint, avec la société hôtelière Oyster Pond, de M. X...; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Pullman international hôtel fait encore grief à l'arrêt d'avoir requalifié en contrat à durée indéterminée le contrat conclu pour la période du 4 février au 4 mars 1989, alors, selon le moyen, qu'en prétendant que la rupture en période d'essai était restée sans effet, la cour d'appel a dénaturé l'intention des parties et les documents produits à l'appui du dossier; que M. X... lui-même, par une inscription sur la lettre de rupture de la période d'essai, a clairement demandé le report des effets de la rupture : "lettre reçue le 1er février 1989, mais demande de prolongement d'une durée de deux mois pour reclassement dans le groupe PIH"; que le contrat signé le 7 février 1989 reprend en préambule l'intention des parties d'un report des effets de la rupture, tout en reconnaissant la réalité de cette rupture : "à la suite de la rupture du contrat de travail prévue le 3 février 1989, M. X... a demandé, le 1er février 1989, de pouvoir prolonger son séjour à Saint-Martin d'un mois"; que la cour d'appel a donc dénaturé la claire intention des parties, non pas d'annuler la rupture du 30 janvier 1989, mais simplement d'en reporter les effets pour une durée déterminée; alors, encore, que la cour d'appel a donné une valeur à la mention ajoutée par M. X... sur ce contrat du 7 février 1989 contraire à la situation; que s'il est vrai que M. X... a porté la mention "je confirme ma demande du 1er février 1989 en acceptant la validité de ce contrat
que dans le cas de reclassement dans le groupe PIH à l'issue de ce contrat à durée déterminée", il n'en est pas moins vrai que le représentant de PIH, agissant pour la société hôtelière Oyster Pond, a également porté une mention précisant que ces conditions de reclassement ne pouvaient être acceptées ;
qu'en effet, la condition posée par M. X..., léonine, n'avait aucun type de valeur puisque la société Pullman international hôtel n'était pas son employeur et qu'au surplus, le contrat avait reçu exécution depuis le 1er février 1989 et cette mention apposée le 12 février ne pouvait remettre en cause l'intention initiale des parties en posant une nouvelle condition ;
alors, enfin, que la cour d'appel a considéré que le contrat à durée déterminée n'était pas conforme à la loi et l'a requalifié en contrat à durée indéterminée, mais qu'il n'a jamais été prétendu qu'il s'agissait d'un contrat à durée déterminée conforme à la loi, puisqu'il s'agissait d'un préavis; que la cour d'appel se devait, en application de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, de requalifier la relation réelle entre les parties sans s'arrêter à la dénomination, certes erronée, qu'elles en avaient donné ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit, hors toute dénaturation, que le contrat à durée déterminée, conclu au mépris des dispositions des articles L.122-1 et suivants, devait être requalifié en contrat à durée indéterminée et que la poursuite des relations contractuelles au-delà de la période d'essai ne pouvait être assimilée à un préavis; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pullman international hôtel aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Pullman international hôtel à payer à M. X... la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.