Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 23 mars 1995), que M. Y..., agent commercial, a, depuis le 1er février 1979, assuré la représentation exclusive des cigares fabriqués par la société Sigarenfabriek Neos (Neos) ; qu'il a engagé quatorze délégués chargés de la promotion des produits de la société Neos et dont le coût salarial était remboursé par la société ; qu'en décembre 1992, la société Neos n'a pas renouvelé le contrat de représentation et a informé M. Y... qu'elle reprenait les délégués en application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ; que M. Y... a procédé au licenciement des délégués et les a assignés devant différents conseils de prud'hommes afin que soit ordonnée la cessation de leur activité poursuivie au mépris de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail de chacun d'eux ;
Sur le second moyen qui est préalable :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes alors, selon le moyen, que, d'une part, la cour d'appel, n'a pas caractérisé le transfert d'une entité économique qui ne pouvait résulter de la seule perte par M. Y... de la représentation en France des produits de la société Neos et de l'affectation exclusive des salariés à cette représentation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-12 du Code du travail ; et alors que, d'autre part, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par M. Y... dans ses conclusions délaissées, si la poursuite de son activité d'agent commercial de sociétés productrices de tabacs avec lesquelles il avait conclu des contrats de représentation, n'excluait pas un tel transfert, dès lors qu'il continuait à exercer son activité avec l'aide de délégués de promotion des ventes, selon les mêmes méthodes de représentation et de vente, la cour d'appel a, premièrement entaché de plus fort sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 122-12 alinéa 2, du Code du travail, deuxièmement entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions de l'exposant et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, répondant aux conclusions invoquées, la cour d'appel, d'une part, a constaté que la société Néos avait repris à son compte l'ensemble des opérations de promotion exclusive et de commercialisation des produits de sa marque auprès d'une clientèle qui lui appartenait ; que, d'autre part, elle a relevé que les salariés qui étaient passés au service de ladite société avaient continué d'exercer leur activité dans les mêmes conditions ; qu'ainsi, la cour d'appel, ayant caractérisé le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité avait été poursuivie ou reprise, a pu décider de faire application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... reproche également à l'arrêt d'avoir décidé que la clause de non-concurrence était devenue sans effet, alors, selon le moyen, d'une part, que la clause de non-concurrence, quelle que soit l'interprétation qu'en faisaient les juges, devait nécessairement s'appliquer à Mme X..., dès lors qu'elle visait soit une collaboration avec des sociétés dont M. Y... assurait la représentation, soit une collaboration avec un autre fabricant de cigares, la société Neos se trouvant nécessairement dans l'une ou l'autre de ces situations ; d'où il suit qu'en déclarant cette clause de non-concurrence inapplicable à l'intéressée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors que, d'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 23 décembre 1958 applicable à la cause, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession habituelle et indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, négocie et éventuellement conclut des contrats au nom et pour le compte de producteurs, industriels ou commerçants ; qu'il peut, en vertu des dispositions du décret précité, employer des sous-agents ou des salariés ; qu'aucune disposition ni incompatibilité légale ne lui interdit de stipuler, dans le cadre des contrats de travail qu'il conclut, des clauses de non-concurrence, dans les seules conditions de droit commun telles que fixées par la jurisprudence ; qu'en conséquence, en déclarant nulle la clause litigieuse au seul motif qu'elle était stipulée par un agent commercial et pouvait avoir des effets nocifs pour son mandant, la cour d'appel a, premièrement, violé les dispositions des articles 1 et suivants du décret du 23 décembre 1958 alors applicables à la cause, deuxièmement violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'obligation de non-concurrence souscrite par un salarié dont le contrat de travail est transféré en application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ayant été transmise au nouvel employeur, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'ancien employeur ne pouvait plus en demander l'exécution à ce salarié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.