AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois formés par M. Gilbert X..., demeurant ... Juge, 34270 Saint-Gely-du-Fesc, en cassation d'un arrêt rendu le 24 mars 1994 par la cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), au profit :
1°/ de la société Géotec, société anonyme, dont le siège est ...,
2°/ de l'ASSEDIC de Montpellier, dont le siège est .... 6071, 34030 Montpellier Cedex 1 défenderesses à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 juin 1997, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Ferrieu, Monboisse, Mme Ridé, MM. Brissier, Finance, Lanquetin, conseillers, M. Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Richard de la Tour, Soury, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Desjardins, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., de Me Blondel, avocat de la société Géotec, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n s Q 94-42.433 et E 94-42.470 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité d'ingénieur d'études par la société Geotec par un contrat du 17 octobre 1983, remplacé par un autre contrat du 17 octobre 1984, prévoyant qu'il percevrait, outre un salaire fixe, un intéressement égal à 3 % du chiffre d'affaires des travaux réalisés sous le couvert de l'agence de Montpellier et comportant une clause de non concurrence stipulée pour une durée de trois ans et pour le territoire des régions Provence-Côte-d'Azur, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et Bourgogne Franche-Comté et pour celui des départements limitrophes de ces deux dernières régions; qu'il a été licencié par une lettre du 30 octobre 1991 lui reprochant notamment d'avoir, contrairement aux instructions reçues, adressé directement aux clients des études ou des devis sans les soumettre préalablement à la direction et d'avoir continué de le faire en dépit des reproches qui lui avaient été adressés; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse et débouter, en conséquence, le salarié des demandes formées de ce chef, l'arrêt énonce que, par lettre du 20 août 1990, l'employeur lui a demandé de lui communiquer les études et devis avant de les adresser aux clients et qu'il a renouvelé ces instructions par lettres des 24 juillet, 8 et 12 août 1991; que le salarié ne conteste pas avoir de nouveau adressé un rapport d'études de sol pour une station d'épuration à Sète sans en avoir préalablement référé à la direction; qu'un tel comportement de la part d'un chef d'agence était de nature à ruiner la confiance de l'employeur; que le salarié n'est pas fondé à alléguer la fausseté du motif de licenciement tenant à la volonté de l'employeur de se séparer de lui puisqu'il avait fait part à l'employeur, dans une lettre du 8 juillet 1991, de son intention de cesser ses relations contractuelles; que la société était fondée à entreprendre des démarches dès le 26 juillet pour lui trouver "à terme" un successeur et pour lui rappeler les risques encourus dans le cas d'une embauche ne respectant pas la clause contractuelle de non-concurrence ;
Attendu, cependant, que, pour démontrer que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, M. X... soutenait, dans ses conclusions, que la véritable cause résidait dans le litige l'opposant à son employeur au sujet du paiement des primes de participation aux fruits de l'entreprise, litige qui l'avait contraint à introduire une action en référé, et que par sa décision de le licencier, prise lors de la réception de la citation en référé pour l'audience du 7 novembre 1991, l'employeur avait voulu manifester son mécontentement devant ses réclamations pourtant parfaitement justifiées ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ces conclusions qui étaient de nature à modifier l'appréciation du caractère réel et sérieux du motif de licenciement invoqué par l'employeur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... tendant à voir juger que l'indemnité de participation aux fruits de l'entreprise était un accessoire de salaire et non l'indemnité compensatrice de l'engagement de non-concurrence, l'arrêt énonce que l'article 8 avant dernier paragraphe du contrat de travail stipulant que cette indemnité de participation aux fruits de l'entreprise est versée en contrepartie de l'obligation de non concurrence ;
Attendu cependant que le contrat du 17 octobre 1984 dispose en son article 7 : "Dans le cadre du présent contrat, un intéressement égal à 3 % du chiffre d'affaires hors taxes des travaux réalisés sous le couvert de l'agence de Montpellier (hormis travaux sous traités) sera versé à M. X..." ;
que l'article 8 du même contrat comporte, outre la clause de non-concurrence, la disposition suivante : "En contrepartie de l'obligation de non-concurrence..., la société Geotec verse à M. X... une indemnité de participation aux fruits de l'entreprise, telle que stipulée à l'article 7 du présent contrat. Toutefois, la société Geotec aura la faculté de renoncer à la présente clause de non-concurrence, soit en cours d'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa rupture, sous réserve de notifier sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception; elle serait alors libérée du versement de la contrepartie pécuniaire visée ci-dessus" ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait des termes clairs et précis du contrat que l'indemnité compensatrice de l'engagement de non-concurrence devait être versée par l'employeur dès lors que cet engagement était susceptible de s'appliquer, et qu'elle se distinguait donc, bien que les modalités de son calcul soient identiques, de l'intéressement prévu par l'article 7 au titre de la participation aux fruits de l'entreprise, lequel devait être versé dans le cadre et pendant le cours du contrat, la cour d'appel a dénaturé ce contrat et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen et sur la première branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions relatives à la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à celle tendant à ce qu'il soit jugé que la participation aux fruits de l'entreprise prévue par l'article 7 du contrat n'était qu'un accessoire de salaire et non l'indemnité compensatrice de l'engagement de non-concurrence, l'arrêt rendu le 24 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Géotec aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.