AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X... général des Impôts, Ministère du Budget, dont le siège est ..., en cassation d'un jugement rendu le 28 mars 1994 par le tribunal de grande instance de Pontoise (1e chambre, section A), au profit de M. Michel Y..., demeurant précédemment ... et actuellement ..., défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 juin 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Vigneron, conseiller, les observations de Me Goutet, avocat de M. X... général des Impôts, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon le jugement déféré, que M. Y..., propriétaire d'une voiture de marque Jaguar, d'une puissance fiscale de 24 CV, a demandé l'annulation de l'avis de mise en recouvrement de la taxe différentielle de l'année 1991 et de l'amende du double droit ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 95 du Traité instituant la Communauté économique européenne, ensemble les articles 1599 C et 1599 G du Code général des impôts ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, le Tribunal énonce que, s'il est vrai que le système de taxe de circulation, jugé discriminatoire par l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 17 septembre 1987 a été modifié par la loi du 11 juillet 1985, elle n'a pas modifié les modalités de détermination de la puissance fiscale, qui ont été modifiées par une circulaire du 12 janvier 1988 dans laquelle a été supprimé le plafonnement du facteur K, suivie d'une autre circulaire du 20 septembre 1991 et que ces circulaires ne visent pas le véhicule litigieux, mis en circulation antérieurement à leur entrée en vigueur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans son arrêt du 17 septembre 1987 ( Feldain ), la Cour de justice des Communautés européennes a seulement déclaré incompatible la limitation du facteur K dans le mode de calcul de la puissance fiscale déterminée par la circulaire du ministre de l'Equipement du 23 décembre 1977; que ladite circulaire a été rendue conforme aux exigences de l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne par la circulaire du 12 janvier 1988 du ministre de l'Equipement, applicable aux véhicules entrés en circulation après le 1er juillet 1988; que la circulaire du 20 septembre 1991 a précisé que les voitures particulières situées hors du champ d'application de la circulaire de 1977 restaient soumises aux dispositions de la circulaire du 28 décembre 1956, laquelle a déterminé la puissance administrative des véhicules selon des critères neutres et objectifs; qu'il en résulte que la taxe perçue sur des véhicules dont le mode de calcul de la puissance fiscale n'a pas subi cette limitation est compatible avec l'article 95 dudit Traité et qu'il appartenait dès lors à M. Y... de démontrer que, malgré les dispositions des circulaires des 12 janvier 1988 et 20 septembre 1991, la puissance fiscale de son véhicule avait été déterminée de façon incompatible avec l'article 95 du Traité, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 95 du Traité instituant la Communauté économique européenne, ensemble l'article 35 de la loi du 22 juin 1993 ;
Attendu que, pour accueillir la demande, le Tribunal ajoute que le tableau de progression du barème issu de la loi du 30 décembre 1987 démontre qu'à partir de la tranche 19/20 CV et pour les trois dernières tranches, lesquelles n'incluent pas de véhicule de fabrication française, la progression ne comporte plus de continuité, ce qui conduit à une discrimination contraire aux dispositions communautaires ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 30 novembre 1995 ( Casarin ), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation nationale relative à la taxe sur des véhicules à moteur qui prévoit une augmentation du coefficient de progressivité au-delà du seuil de 18 chevaux, dès lors que cette augmentation n'a pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale par rapport à celle des véhicules importés d'autres Etats membres, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne les droits dus en principal, le jugement rendu le 28 mars 1994, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Pontoise; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Versailles ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.