AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Gérard Z..., domicilié ...,
2°/ la société Décor 85, société à responsabilité limitée, dont le siège social est ..., agissant en la personne de son gérant M. Z..., domicilié en cette qualité audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 1er juin 1994 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 2ème section), au profit :
1°/ de la société Hall Décor, société à responsabilité limitée, dont le siège social est ...,
2°/ de M. René Y..., pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée Hall Décor, domicilié en cette qualité ..., défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 juin 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de Me Vuitton, avocat de M. Z... et de la société Décor 85, de Me Choucroy, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er juin 1994), que la société Hall Décor qui exploitait un fonds de commerce à Fontenay-le-Comte et dont le gérant était alors M. Z..., avait créé à Luçon un établissement secondaire, dont la cessation complète d'activité a été décidée le 31 janvier 1984; que le 23 décembre 1983, M. Z... avait créé une société Décor Hall, devenue depuis Décor 85, dont il est le gérant et qui a pris la suite de la société Hall Décor dans l'exploitation du fonds de commerce de Luçon; que M. Z... a démissionné de ses fonctions de gérant de la société Hall Décor le 1er février 1984; que cette société s'étant vue notifier un redressement fiscal concernant le produit, non facturé, de la mutation du fonds de commerce transféré à la société Décor Hall, a assigné M. Z... devant le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon, en responsabilité pour faute; que le tribunal a fait droit à sa demande et a condamné M. Z... à lui payer la somme retenue par l'administration fiscale pour servir de base au redressement ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Z... à payer la somme de 252 000 francs à la société Hall Décor, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se bornant à énoncer que M. Z... avait manifestement commis une faute de gestion et agi à l'encontre de l'intérêt social de la société Hall Décor en transférant le fonds sans facturation à la société Décor Hall, aujourd'hui Décor 85, sans caractériser un quelconque préjudice de la société Hall Décor, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966; alors, d'autre part, qu'il incombe au juge de se prononcer sur les documents régulièrement versés aux débats et soumis à son examen; qu'en s'abstenant de prendre en considération la décision du 17 septembre 1992 par la quelle le directeur des services fiscaux de la Roche-sur-Yon déclarait abandonner le redressement relatif à l'inscription du fonds de commerce à l'actif de la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1353 du Code civil; et alors, enfin, qu'en laissant sans réponse les conclusions de M. Z... qui faisait valoir que la créance alléguée ne pouvait être considérée comme liquide dès lors que Me X... ès qualités, se contentait d'en fixer le montant à la somme avancée par l'administration fiscale et modifiée depuis lors, l'arrêt attaqué a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'en transférant sans facturation un fonds de commerce de la société Hall Décor, dont il allait abandonner la gérance, à la société Décor Hall, qu'il venait de créér, M. Z..., gérant de l'une et l'autre société à la date du transfert avait agi à l'encontre de l'intérêt social de la première société et ainsi commis une faute de gestion; qu'en l'état de ses énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui a constaté l'existence du préjudice par l'évaluation qu'elle en a fait, et qui n'avait pas à prendre en considération le simple argument tiré de documents relatifs à la situation fiscale de la société Décor 85 et a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Z... à payer à la société Hall Décor la somme de 252 000 francs, outre les intérêts de droit à compter du 1e février 1984, et ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil, alors, selon le pourvoi, que les intérêts échus des capitaux ne peuvent produire des intérêts qu'à compter de la demande qui en est faite et pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière; qu'en condamnant M. Z... à payer à la société Hall Décor "la somme de 252 000 francs augmentée des intérêts de droit à compter du 1er février 1984, capitalisés dans les termes de l'article 1154 du Code civil", alors que la demande d'anatocisme avait été présentée dans l'assignation du 14 février 1991, la cour d'appel a violé l'article 1154 du Code civil ;
Mais attendu que contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel n'a pas ordonné la capitalisation des intérêts antérieurement à la demande qui en était faite, mais a dit que les intérêts seraient capitalisés dans les termes de l'article 1154 du Code civil; d'où il suit que le moyen manque en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... et la société Décor 85 aux dépens ;
Condamne M. Z... et la société Décor 85 à une amende civile de 10 000 francs envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.