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06/08/1997 | FRANCE | N°95-84852

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 août 1997, 95-84852


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six août mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle Le BRET et LAUGIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gilberte, veuve Y...,

- Y... Francine, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 21 févrie

r 1995, qui, pour inexécution, dans le délai fixé, d'une injonction préfectorale relativ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six août mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle Le BRET et LAUGIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gilberte, veuve Y...,

- Y... Francine, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 21 février 1995, qui, pour inexécution, dans le délai fixé, d'une injonction préfectorale relative au fonctionnement d'un établissement hébergeant des personnes âgées, complicité de violences aggravées et complicité d'exercice illégal de la profession d'infirmier, les a condamnées, chacune, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à l'interdiction, pendant 10 ans, d'exploiter ou de diriger tout établissement soumis aux dispositions du Titre V du Code de la famille et de l'aide sociale ;

Vu le mémoire produit, commun aux deux demanderesses ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 210 paragraphes 1 et 2 du Code de la famille et de l'aide sociale, 485 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilberte X..., veuve Y..., et Francine Y... coupables, en leurs qualités de responsables d'établissement recevant des personnes âgées, d'avoir omis de satisfaire dans le délai imparti à l'injonction préfectorale du 11 septembre 1989, les condamnant chacune aux peines de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, et à l'interdiction pendant 10 ans de diriger tout établissement soumis aux dispositions du Titre V du Code de la famille et de l'aide sociale ;

"aux motifs que la SA "La Belle Etoile" n'a pas tout mis en oeuvre, contrairement aux affirmations des prévenues, pour satisfaire aux injonctions préfectorales du 11 septembre 1989, dont plusieurs n'ont pas été suivies d'effet; qu'un rapport de la DDASS du 23 novembre 1989 faisait ressortir les insuffisances constatées; qu'un rapport d'enquête du 22 décembre 1989 du pharmacien inspecteur de la santé publique soulignait que le stockage des médicaments était demeuré global malgré le rappel adressé le 11 septembre 1989 par la préfecture; que le refus de délivrance par la municipalité d'un permis de construire, sollicité en 1987, était sans incidence sur les manquements constatés et ne justifiait aucunement l'attitude des prévenues, qui avaient contesté le bien-fondé de certaines obligations mises à leur charge, refusant de remettre en cause les principes de la gestion de l'établissement dont elles avaient la responsabilité, et de revenir sur la conception qu'elles avaient personnellement de s'occuper des personnes âgées ;

"alors, d'une part, que Gilberte X..., veuve Y..., et Francine Y... avaient mis en évidence dans leurs conclusions d'appel les problèmes spécifiques posés par les troubles dont étaient atteintes les personnes âgées, pensionnaires de leur établissement, ces troubles nécessitant des soins adaptés, et indiquaient que les services de la DDASS n'avaient pas voulu prendre en compte leur caractère spécifique; que la cour d'appel, qui s'est abstenue de répondre à ce moyen de nature à influer sur l'existence de l'infraction dans la mesure où l'enquête administrative confiée à la DDASS et critiquée par Gilberte X..., veuve Y..., et Francine Y... n'en a pas tenu compte, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, que Gilberte X..., veuve Y... et Francine Y... avaient, à l'appui de leur contestation des motifs avancés de l'injonction préfectorale, soutenu que ni l'enquête administrative, ni l'instruction n'avaient tenté de dégager ce qui n'avait pu être mis en oeuvre par l'établissement et aurait ainsi entraîné un délit pénal; que la cour d'appel, faute de s'expliquer sur un tel moyen, tendant à voir caractériser les carences des dirigeantes de "La Belle Etoile" et à voir dire si elles avaient agi de propos délibéré, a entaché à nouveau sa décision d'un manque de base légale" ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 222-13-2°, 222-44-1 du nouveau Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilberte X..., veuve Y..., et Francine Y..., coupables du chef de complicité de violences volontaires sur personnes vulnérables ayant entraîné une incapacité totale de travail ne dépassant pas 8 jours et a condamné celles-ci à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, accompagnée de l'interdiction pendant 10 années d'exploiter ou de diriger tout établissement soumis aux dispositions du Titre V du Code de la famille et de l'aide sociale ;

"aux motifs qu'il résultait de l'information que les pensionnaires de l'établissement étaient soumis, dans une proportion supérieure au tiers, à des mesures de contention qui s'avéraient systématiques de 18 heures 30 au lendemain matin, soit une période de contention forcée d'au moins 12 heures consécutives, qui était associée à la fermeture à clefs des dortoirs et à l'impossibilité d'aller aux toilettes; que, si les systèmes de contention ne sont pas interdits par un texte réglementaire ou même mentionnés dans la charte de la personne âgée dépendante, il faut comprendre par là qu'ils peuvent être nécessaires à titre individuel et temporaire pour éviter qu'une personne ne soit dangereuse pour elle-même ou pour autrui, même s'il existe, si besoin est, des moyens pharmacologiques moins contraignants d'assurer la sécurité et la tranquillité des pensionnaires ;

que la réalisation systématique d'une contention sur plus d'une douzaine d'heures est le constat même d'une incompétence et d'un manque tragique d'encadrement des malades en perte d'autonomie psychique; que la Cour est convaincue que de telles mesures n'avaient pour but que d'assurer la tranquillité de la direction et du personnel de nuit en quantité insuffisante, et était de nature à aggraver la perte d'autonomie des patients concernés; qu'une telle contention nocturne imposée sans nécessité thérapeutique ou de sécurité était constitutive de violences volontaires n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, commises sur des personnes hors d'état de se protéger elles-mêmes en raison de leur état physique et mental; que Gilberte X..., veuve Y..., et Francine Y..., ayant prôné et encouragé cette politique de contention systématique, attentatoire à la dignité des personnes âgées, dont elles avaient la charge, se sont rendues complices de ce délit ;

"alors, d'une part, que le juge pénal ne peut se prononcer par des motifs d'ordre général, ni statuer sur de prétendues atteintes pour coups et blessures sans constater précisément pour chacune des victimes l'existence de ces atteintes; qu'en se bornant à affirmer que le système de contention, appliqué la nuit sur le tiers des personnes hébergées dès lors qu'il était appliqué sur plusieurs personnes, était démonstratif de l'incompétence et du manque tragique d'encadrement des malades reçus à l'établissement de "La Belle Etoile", la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence de l'infraction de violences volontaires; qu'en déduisant aussi de ces seuls motifs, que le traitement dont s'agit était imposé sans nécessité thérapeutique ou de sécurité, l'arrêt attaqué, qui s'est prononcé par voie d'affirmation générale sans constater précisément pour chaque personne hébergée et soumise audit traitement, l'absence de nécessité médicale de celui-ci, a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel, saisie des conclusions des deux prévenues, soulevant le caractère spécifique de leur établissement, qui s'était spécialisé dans la réception des personnes âgées, dont la situation médicale les orientait vers un placement en milieu psychiatrique, n'a pu, sans répondre auxdites conclusions et sans autres explications, décider que le système de contention appliqué à ces personnes, était médicalement inadapté ;

que l'arrêt attaqué est entaché d'un défaut de motifs" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenues coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Farge conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Simon conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire appelé à compléter la chambre ;

Avocat général : M. Dintilhac ;

Greffier de chambre : Mme Mazard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-84852
Date de la décision : 06/08/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13ème chambre, 21 février 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 aoû. 1997, pourvoi n°95-84852


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GUILLOUX conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.84852
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