AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Bertheau immobilier, société à responsabilité limitée dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1994 par la cour d'appel de Bordeaux (1re Chambre, Section A), au profit de M. Y..., demeurant ..., ès qualités de mandataire-liquidateur de M. Jean-Pierre X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 juin 1997, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Nivôse, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, Cachelot, Martin, conseillers, Mme Masson-Daum, conseiller référendaire, M. Weber, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Bertheau immobilier, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 octobre 1994), statuant en référé, que M. X... ayant réalisé des travaux de plomberie pour le compte de la société Bertheau immobilier Saint-Louis, l'a assignée pour obtenir le paiement d'une provision sur le coût des travaux ;
Attendu que la société Bertheau immobilier Saint-Louis fait grief à l'arrêt de la condamner à consigner une certaine somme , alors, selon le moyen, "1°) qu'en condamnant la société Bertheau à consigner la somme de 130 000 francs au profit de M. X..., après avoir constaté que l'expert relevait que M. X... avait manqué à son devoir de conseil, ce dont il résultait une contestation sérieuse de l'obligation invoquée par ce dernier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations au regard de l'article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, qu'elle a violé; 2°) qu'en ne recherchant pas si la constatation par l'expert de l'inachèvement des travaux exécutés par M. X..., de l'existence de malfaçons et de non-conformités ne caractérisait pas des contestations sérieuses de l'obligation de régler le prix de travaux qu'il invoquait excluant la consignation ordonnée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile; 3°) qu'en statuant de la sorte, sans même avoir caractérisé, en présence d'une obligation sérieusement contestable, soit une urgence, soit l'existence d'un dommagee imminent ou d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé de base légale au regard des articles 808 et 809, alinéa 1er, du nouveau Code de
procédure civile; 4°) que le manquement de l'entrepreneur à un devoir de conseil est de nature à engager à lui seul sa responsabilité; que la cour d'appel ne conteste pas que, comme le relevait l'expert, M. X... avait manqué à son devoir de conseil; que, dès lors, la créance de la SARL était certaine; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les articles 1147 du Code civil et 809, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile; 5°) que l'expert avait relevé la responsabilité de M. X... au titre de l'inachèvement des travaux, à savoir l'absence de mise en place de l'ensemble des bouches d'arrosage prévues, du système de double canalisation, de vannes de barrage et de ballon tampon; que l'expert relevait encore diverses malfaçons et insuffisances, et notamment l'absence de raccords divers, de branchements, d'essais, un enfouissement insuffisant de canalisations et une non-conformité dans la marque des bouches d'arrosage en place; que l'expert concluait à la responsabilité de M. X... à hauteur de 34 352 francs pour les travaux de finition et de 137 339 francs pour les travaux de reprise de malfaçons et non effectués; qu'après avoir établi un compte entre les parties, l'expert concluait à un "trop perçu de 46 372,16 francs"; qu'en ne s'expliquant pas sur ces manquements invoqués par le maître de l'ouvrage, résultant avec évidence du rapport d'expertise et démontrant la certitude de la créance de dommages-intérêts de la société Bertheau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile; 6°) qu'en ne caractérisant aucune contestation sérieuse par M. X... de la créance de dommages-intérêts ainsi établie avec certitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, selon l'expert, l'origine des désordres n'était pas imputable à l'entrepreneur, qui n'avait qu'un devoir de conseil, la cour d'appel qui, statuant sur une demande en paiement de provision, n'avait ni à justifier de l'urgence, ni à rechercher l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, et qui a souverainement relevé que la créance alléguée par la société Bertheau immobilier Saint-Louis à l'égard de M. X... ne présentait aucun caractère de certitude, a, sans trancher une contestation sérieuse, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bertheau immobilier aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.