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16/07/1997 | FRANCE | N°96-83705

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 juillet 1997, 96-83705


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Guy,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 17 avril 1996, qui l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour homicides involontaires.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au mois de janvier 1992 plusieurs habitants de l'île de Mayotte ont été victimes de brûlures provoquées par l'inflammation ou l'explosion de lampes à pétrole ; que six d'entre e

ux sont décédés ;
Que, l'enquête ayant révélé que ces accidents étaient imputable...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Guy,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 17 avril 1996, qui l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour homicides involontaires.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au mois de janvier 1992 plusieurs habitants de l'île de Mayotte ont été victimes de brûlures provoquées par l'inflammation ou l'explosion de lampes à pétrole ; que six d'entre eux sont décédés ;
Que, l'enquête ayant révélé que ces accidents étaient imputables à la présence d'essence dans le pétrole lampant, une information a été ouverte contre personne non dénommée pour homicides et blessures involontaires sur un réquisitoire introductif du procureur de la République du tribunal de première instance de Mamoutzou du 24 janvier 1992 ;
Que, le 12 mai 1992, le juge d'instruction a procédé à l'inculpation de l'adjudant-chef Jean-Guy X..., chef des Services des essences de l'Armée à Mayotte, chargés de l'approvisionnement et du stockage des hydrocarbures dans l'île, puis à celles de diverses autorités civiles ;
Attendu que, par arrêt du 17 juin 1992, la chambre criminelle de la Cour de Cassation, saisie en désignation de juridiction sur le fondement des articles 679 et suivants du Code de procédure pénale alors applicables, a désigné la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris afin de poursuivre l'information ; que, le 14 décembre 1992, cette juridiction a procédé à la mise en examen de Jean-Paul Y..., préfet ;
Qu'à l'issue de l'information la chambre d'accusation a, par l'arrêt attaqué, ordonné le renvoi de Jean-Guy X... devant le tribunal correctionnel de Paris, pour homicides involontaires, et prononcé un non-lieu en faveur des autres personnes mises en examen ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 170, 171, 206, 697-1 et 698-1 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé l'adjudant-chef X... devant le tribunal correctionnel de Paris du chef d'homicides involontaires commis à Mayotte courant janvier et février 1992 ;
" aux motifs que, dans son mémoire, l'avocat de Jean-Guy X... énonce qu'en application de l'article 698-1 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction aurait dû solliciter l'avis de l'autorité militaire avant de procéder à l'inculpation (mise en examen de Jean-Guy X... ; en réalité, l'article 698-1, alinéa 1, du Code de procédure pénale dispose que " l'action publique est mise en mouvement par le procureur de la République territorialement compétent, qui apprécie la suite à donner aux faits portés à sa connaissance, notamment par la dénonciation du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui ; à défaut de cette dénonciation, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui ; hormis le cas d'urgence, cet avis est donné dans le délai d'un mois ; l'avis est demandé par tout moyen dont il est fait mention au dossier de la procédure " ; qu'en l'espèce, l'action publique avait été régulièrement mise en mouvement et l'information avait été régulièrement ouverte selon les dispositions de droit commun et le juge d'instruction, saisi in rem, avait le pouvoir d'inculper toute personne ; la qualité de militaire de Jean-Guy X..., dont la mise en cause est apparue postérieurement, n'obligeait pas le magistrat instructeur à demander ou faire demander l'avis de l'autorité militaire avant son inculpation ; en effet, l'article 698-1 prévoit exclusivement les conditions de mise en mouvement de l'action publique qui s'imposent au procureur de la République préalablement à tout acte de poursuite de sa part ; a contrario, l'article 115 du Code de justice militaire, qui règle la procédure devant les juridictions des forces armées, prévoit que le juge d'instruction ne peut inculper que sur réquisitions ou après avis conforme du commissaire du Gouvernement ;
" en revanche, en édictant les articles 697 à 699 du Code de procédure pénale, donnant compétence au tribunal de grande instance pour juger des infractions militaires dans l'exécution du service, le législateur a voulu que, sous réserve de quelques exceptions, les règles de procédure de droit commun soient appliquées ; il apparaît en conséquence que les dispositions de l'article 698-1 du Code de procédure pénale ne s'imposent pas au juge d'instruction qui a été régulièrement saisi in rem ; au surplus, au cas où l'article 698-1 signifierait que l'avis de l'autorité militaire devrait être demandé, et devrait figurer au dossier de la procédure dans le cadre de l'inculpation, il apparaît que son absence ne devait pas entraîner la nullité de la procédure ; en effet, d'une part, le législateur n'a pas édicté que l'absence de cette formalité était sanctionnée par une nullité d'ordre public ; il résulte, au contraire, des débats parlementaires que, dans sa séance du 19 mai 1982 (J. O. du 19 mai 1982, pages 2165-2166), le Sénat avait voté un amendement prévoyant un article 698-1-2, qui énonçait : " la dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure à peine de nullité ; que celle-ci est d'ordre public " ; or, cette disposition a été par la suite supprimée par l'Assemblée nationale et le texte définitif prévoit uniquement une nullité textuelle : " la dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d'urgence " (article 698-1, alinéa 2) ; de même, la formule initialement prévue dans le projet de loi : " le procureur de la République doit recueillir l'avis... " a été modifiée pour être adoptée dans les termes suivants : " le procureur de la République doit demander... " ; en conséquence, ce texte ne concerne pas l'administration de la justice, dans la mesure où l'avis demandé à l'autorité militaire ne conditionne pas la décision de mise en mouvement de l'action publique par le procureur de la République, qui apprécie souverainement les faits portés à sa connaissance, quel que soit le sens de cet avis ; par ailleurs, le texte ne touche pas aux règles de compétence, qui sont régies par l'article 697 du Code de procédure pénale ; en conséquence, aucune grief n'étant ni énoncé ni constaté à l'égard de Jean-Guy X..., l'irrégularité soulevée, à la supposer constituée, ne saurait entraîner la nullité de la procédure ;
" alors, d'une part, que l'adjudant-chef Jean-Guy X... se voyant reprocher des délits de droit commun commis, en sa qualité de militaire, dans l'exécution du service, ne pouvait, en application de l'article 698-1 du Code de procédure pénale, être poursuivi, à défaut de dénonciation des infractions par le ministre de la défense ou l'autorité militaire habilitée par lui, qu'après avis préalable du même ministre ou de l'autorité habilitée par lui, devant figurer au dossier de la procédure, à peine de nullité ;
" que le premier acte de poursuite concernant l'adjudant-chef X... étant, non pas le réquisitoire introductif pris contre Y..., mais l'avis de mise en examen qui lui a été adressé, cet acte ne pouvait être mis qu'après avis de l'autorité militaire, procédure qui n'a pas été suivie en l'espèce ;
" qu'en estimant, cependant, que la mise en examen de Jean-Guy X... était régulière, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 698-1 du Code de procédure pénale, la dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité ;
" que cette nullité est encourue sans qu'il soit besoin pour le militaire de justifier d'un grief qui existe nécessairement, dès lors que l'avis préalable est nécessaire à raison du contrôle et de la discipline exercés sur le prévenu par l'autorité militaire ;
" qu'en estimant que Jean-Guy X... devait justifier d'un grief, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen ;
" alors, enfin, et en toute hypothèse, que dans son mémoire (du 16 mars 1996, pages 1 et 2) le demandeur faisait valoir que le non-respect des dispositions de l'article 698-1, alinéa 1er, portait nécessairement atteinte à la protection à laquelle ont droit les militaires en raison des sujétions particulières à leur état, et notamment de la discipline à laquelle ils sont soumis ;
" qu'en estimant que Jean-Guy X... ne se prévalait d'aucun grief la chambre d'accusation n'a pas répondu aux conclusions du demandeur " ;
Attendu que Jean-Guy X..., arguant de sa qualité de militaire, a demandé l'annulation de l'avis de mise en examen notifié par le juge d'instruction ainsi que des actes de la procédure ultérieure, au motif qu'ils n'auraient pas été précédés de la demande d'avis prescrite, à peine de nullité, par l'article 698-1 du Code de procédure pénale, en matière de crimes et délits de droit commun commis par un militaire dans l'exécution du service ;
Attendu que, pour écarter ce moyen, la chambre d'accusation énonce que ce texte, qui fait obligation au procureur de la République de demander, préalablement à tout acte de poursuite, l'avis du ministre chargé de la Défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, lorsque ceux-ci n'ont pas dénoncé les faits, ne s'impose pas au juge d'instruction qui, régulièrement saisi in rem, a le pouvoir d'inculper toute personne dans les conditions du droit commun ;
Que les juges relèvent qu'en l'espèce la mise en mouvement de l'action publique et l'ouverture de l'information ont été régulières, " la mise en cause de Jean-Guy X... étant apparue postérieurement " ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, d'où il résulte que, lors de la mise en mouvement de l'action publique par le réquisitoire introductif, il n'existait aucun indice laissant présumer qu'un militaire avait participé aux faits déférés au juge d'instruction, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet l'article 698-1 du Code de procédure pénale, qui subordonne les poursuites exercées pour les infractions visées à l'article 697-2 du même Code, soit à la dénonciation, soit à l'avis préalable des autorités militaires, ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République ; que le juge d'instruction, habilité en matière militaire conformément à l'article 697 du Code de procédure pénale, a le pouvoir de mettre en examen toute personne ayant pris part aux faits dont il est saisi ; que tel a été le cas, en l'espèce ;
Que, dès lors, le moyen, qui, pris en ses deux dernières branches, critique des motifs surabondants de l'arrêt, ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 697 et suivants du Code de procédure pénale :
" en ce que la chambre d'accusation a ordonné le renvoi de Jean-Guy X..., à raison de faits commis dans l'exécution du service par un militaire, devant le tribunal correctionnel de Paris ;
" alors que relèvent des juridictions spécialisées en matière militaire, prévues par l'article 697 du Code de procédure pénale, les crimes et les délits de droit commun commis dans l'exécution du service par les militaires ;
" que constituent des crimes et délits de droit commun commis dans l'exécution du service les infractions commises par le militaire dans le cadre de la mission de service qui lui est confiée ;
" qu'en renvoyant l'adjudant-chef X... du chef d'homicides involontaires devant le tribunal correctionnel de Paris et non devant la formation du jugement spécialisée en matière militaire, alors qu'il est constant que les faits reprochés au demandeur se sont produits dans le cadre de la mission de service qui lui était confiée (arrêt page 8 in fine et page 9, alinéa 1er), la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à l'arrêt attaqué d'avoir méconnu les règles de compétence posées par l'article 697 du Code de procédure pénale dès lors qu'il est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris, en sa formation spécialisée en matière militaire ;
Que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 319 du Code pénal, maintenu en vigueur dans la collectivité territoriale de Mayotte par l'article 373 de la loi du 19 juillet 1993, 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé l'adjudant-chef X... devant le tribunal correctionnel de Paris, dès lors qu'il résultait de l'information des charges suffisantes contre lui d'avoir à Mayotte, courant janvier et février 1992, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, commis involontairement des homicides ;
" aux motifs que Jean-Guy X... a déclaré qu'après avoir fini de verser normalement l'essence dans les bacs 16 et 12 il avait commencé à mettre le pétrole dans le bac 13 ; il avait rapidement constaté que de l'eau était mélangée au pétrole, alors que cette présence d'eau était en même temps signalée sur le pétrolier par son adjoint Z... ; il en avait conclu qu'une veine d'eau importante s'écoulait sur toute la longueur du sea-line ; il avait donc fait dériver le pétrole mélangé dans le bac 9 qui était vide, jusqu'à l'épuisement de la veine d'eau ; cette opération avait duré une dizaine de minutes, jusqu'à 0 heure 10 le 8 janvier ; ensuite, il avait de nouveau dirigé le pétrole vers le bac 13 ; enfin, lorsque le service des hydrocarbures était venu prendre livraison du pétrole les 16 et 17 janvier, il avait d'abord vidé le bac 9 avant d'utiliser le pétrole contenu dans le bac 13 ; il tenait en effet à ce que le bac 9 fût vide, car il avait l'intention après le départ du Myrtéa d'entreprendre des travaux sur le sea-line ; avant de commencer ces travaux, il devait vidanger le sea-line des résidus de gazole qu'il contenait en les versant dans le bac 9 Contaminat ; l'examen du tableau renseigné de façon précise au fur et à mesure que les hydrocarbures arrivaient dans les cuves du service des essences contredit les affirmations de Jean-Guy X... ; la lecture de ces tableaux révèle, en effet, qu'il n'y avait qu'une infime augmentation du volume d'eau, deux cent trente-neuf litres, dans le bac 13, et qu'une quantité aussi minime dans une cuve d'une capacité de huit cent mille litres ne justifiait en aucune manière la manoeuvre exceptionnelle décidée par Jean-Guy X... ; ce dernier ne contestait pas la réalité des chiffres portés sur le tableau ;
" qu'il ne contestait pas davantage qu'il avait omis de mentionner sur ce tableau l'utilisation du bac 9 pendant un dizaine de minutes, au début de l'arrivée du pétrole ; Jean-Louis A..., qui était présent pendant la livraison des hydrocarbures au dépôt des Badamiers, n'a pas confirmé les déclarations de Jean-Guy X... dont il est l'adjoint ; il a indiqué que pendant toute la période où il était affecté au service des essences de Mayotte, de juin 1991 à août 1992, il n'avait jamais été versé de pétrole mélangé à de l'eau dans le bac 9 ; il ajoutait en revanche que le bouchon essence-pétrole était systématiquement dirigé vers ce bac 9, qui était spécialement utilisé pour cela ; ces explications étaient confirmées par Henri B...-A... qui précisait que le contenu du bac 9 n'était jamais versé dans les camions, mais qu'il était déposé par petites quantités dans la cuve de gasoil ; le chargement des camions les 16 et 17 janvier directement de la cuve 9 vers les camions, à la demande de Jean-Guy X..., était une manoeuvre exceptionnelle qu'il n'avait pas vu faire à d'autres reprises ; Jean-Guy X... reconnaissait que c'était la première fois qu'il avait agi de cette façon en affirmant que cette opération n'était pas dangereuse puisque le pétrole était mélangé à de l'eau et non à de l'essence ; l'ingénieur en chef, C..., chef du détachement de liaison du service des essences dans l'océan Indien, déclarait que la décision de Jean-Guy X... de verser le pétrole contaminé directement dans les camions avait été prise par bêtise et par fainéantise ; par ailleurs, les experts commis par le magistrat instructeur ont conclu que les contrôles, effectués à l'aide d'un regard étaient des contrôles archaïques qui ne permettaient pas de s'assurer de l'absence de pollution, et notamment d'avoir une estimation de la présence éventuelle d'eau ou de tout autre mélange, d'autant que ces contrôles qui portent sur la couleur et la densité des hydrocarbures, étaient en l'espèce effectués la nuit, par des personnes qui travaillaient pratiquement sans interruption depuis plus de dix heures ; certes, Jean-Guy X... a déclaré que non seulement il avait vu qu'il y avait de l'eau dans le regard, mais il l'avait aussi vérifié après avoir fait un prélèvement dans la purge ; il n'a toutefois conservé aucune preuve de la réalité de ce prélèvement ni de son examen ; en outre, les experts ont fait les mêmes observations au sujet des analyses de routine faites par Jean-Guy X... le 20 janvier après les premières doléances reçues dans les stations-service ; ils considèrent que ces analyses, qui concernaient uniquement la couleur et la densité du pétrole, et dont le résultat négatif a eu pour conséquence de poursuivre jusqu'au 23 janvier les ventes de pétrole pollué, étaient sommaires et en tout cas insuffisantes pour permettre de mettre en évidence la présence d'essence ; Jean-Louis A... a confirmé cette opinion selon laquelle, en l'absence d'un test d'inflammabilité, pourtant très facile à effectuer, les analyses du 20 janvier ne pouvaient permettre de déterminer si de l'essence était mélangée au pétrole ;
" enfin, pendant le chargement du camion-citerne à partir du bac 9, le 16 décembre, la contamination du pétrole par de l'essence avait très facilement été remarquée par Soidiki D... qui avait vu que le pétrole était sale et rose et qu'il sentait l'essence, et par Yacoub E... ; les observations faites à ce sujet par Ahmed F... avaient aussitôt déclenché la colère de ce dernier qui avait coupé court à toute discussion en répondant que le pétrole était bon, et que les instructions de Jean-Guy X... étaient de verser ce pétrole directement du bac 9 dans le camion, contrairement aux pratiques suivies jusqu'alors ; informé de cette polémique, le responsable du dépôt d'essence n'a pas pris les dispositions utiles pour vérifier si le pétrole s'enflammait ; il est ainsi établi que, par imprudence et par négligence, Jean-Guy X... a livré à la consommation du pétrole qu'il savait contaminé par de l'essence qui le rendait facilement inflammable, il en est résulté de nombreux accidents lors des manipulations, par les usagers, des lampes qui ne se seraient pas enflammées si elles n'avaient pas contenu, même en faible proportion, de l'essence " ;
" alors, d'une part, qu'est entachée de contradiction la décision qui écarte les déclarations de Jean-Guy X... affirmant que le pétrole du bac 9 n'était mélangé qu'à de l'eau, au motif que le seul contrôle visuel " ne permettait pas d'avoir une estimation de la présence éventuelle d'eau ou de tout autre mélange " (page 17, alinéa 4) et qui retient en revanche les déclarations de Soidiki D... qui, lors du chargement du camion-citerne à partir du bac 9, avait " très facilement " remarqué " la contamination du pétrole par de l'essence ", le pétrole étant " sale et rose " ;
" alors, d'autre part, qu'est entachée d'une insuffisance de motifs la décision de la chambre d'accusation qui retient, faute d'autres explications, que les causes des explosions sont à rechercher dans une pollution du pétrole par de l'essence en raison d'une imprudence de Jean-Guy X..., tout en constatant, par ailleurs, l'existence d'un accident survenu dans des conditions identiques, mais en dehors de toute intervention du demandeur, " ce pétrole ayant été acheté à Passamanty le 11 janvier, donc avant la livraison du pétrole pollué en raison de l'imprudence de Jean-Guy X... " (page 21, alinéa 3) ;
" alors, de troisième part, que ne confère à sa décision aucune base légale au regard des textes visés au moyen de la chambre d'accusation qui estime que les accidents sont dus à une pollution du pétrole par de l'essence qui serait intervenue dans le bac 9 lors du déchargement du pétrolier Myrtéas, tout en admettant qu'aucune analyse n'avait été effectuée dans le bac litigieux, que le pétrole apporté par le Myrtéas était exempt de toute pollution et sans remettre en cause le fait que le bac 9 était vide avant de recevoir le pétrole mis en cause (cf. arrêt page 15) ;
" alors, enfin, que dans son mémoire du 16 mars 1996 (page 8) Jean-Guy X... faisait valoir qu'il avait parfaitement respecté la procédure réglementaire puisque dès qu'il avait été avisé des incidents, le 20 janvier, il s'était immédiatement rendu dans les quatre stations-service de l'île, accompagné du caporal A... et de M. G..., du SHM, pour analyser les échantillons de pétrole ;
" que l'arrêt, qui reproche à Jean-Guy X... une inobservation des règlements, a laissé sans réponse les conclusions du demandeur " ;
Attendu que ce moyen, qui se borne à critiquer la valeur des charges justifiant le renvoi, n'est pas dirigé contre des dispositions de l'arrêt que le tribunal, saisi de la prévention, n'aurait pas le pouvoir de modifier ;
Que ce moyen est, dès lors, irrecevable, par application de l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-83705
Date de la décision : 16/07/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JUSTICE MILITAIRE - Crimes et délits de droit commun commis dans l'exécution du service - Procédure - Instruction - Demande d'avis préalable du ministre chargé de la Défense ou de l'autorité militaire habilitée - Applicabilité (non).

1° L'article 698-1 du Code de procédure pénale, qui subordonne les poursuites exercées contre les militaires pour les infractions visées à l'article 697-2 du même Code soit à la dénonciation, soit à l'avis préalable des autorités militaires, ne régit que la mise en mouvement de l'action publique par le procureur de la république. Cette formalité ne s'impose pas au juge d'instruction qui, s'il est habilité conformément à l'article 697 du Code de procédure pénale, a le pouvoir de mettre en examen, dans les conditions du droit commun, un militaire ayant pris part aux faits dont il est saisi. Dès lors, justifie sa décision la chambre d'accusation qui, après avoir constaté que, lors de la mise en mouvement de l'action publique par le réquisitoire introductif, il n'existait aucun indice laissant présumer qu'un militaire avait participé aux faits déférés au juge d'instruction, énonce que ce magistrat n'avait pas à demander l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui avant de procéder à la mise en examen du militaire responsable des services des essences de l'armée à Mayotte(1).

2° JUSTICE MILITAIRE - Juridiction spécialisée en matière militaire - Arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel - Désignation de la formation de jugement spécialisée - Nécessité.

2° L'ordonnance ou l'arrêt portant renvoi d'un militaire devant le tribunal correctionnel pour un délit de droit commun commis dans l'exécution du service doit désigner la formation de jugement spécialisée en matière militaire, seule compétente en application de l'article 697 du Code de procédure pénale.


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 697
Code de procédure pénale 697, 697-2, 698-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 17 avril 1996

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1988-02-03, Bulletin criminel 1988, n° 57, p. 157 (règlement de juges).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jui. 1997, pourvoi n°96-83705, Bull. crim. criminel 1997 N° 275 p. 937
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 275 p. 937

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Guerder, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Lucas.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Verdun.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Ancel et Couturier-Heller, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.83705
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