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08/07/1997 | FRANCE | N°95-30156

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 1997, 95-30156


Attendu que par ordonnance du 13 juin 1995 le président du tribunal de grande instance de Lyon, a autorisé des agents de la Mission interministérielle d'enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service publlic en vertu de l'article 5 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 modifiée relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de la société anonyme York France à Dardilly (Rhône) et dans ceux des sociétés Etem et Semam à Nice, en vue de rechercher la preuve de l'infr

action définie à l'article 432-14 du Code pénal relativement à la pass...

Attendu que par ordonnance du 13 juin 1995 le président du tribunal de grande instance de Lyon, a autorisé des agents de la Mission interministérielle d'enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service publlic en vertu de l'article 5 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 modifiée relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de la société anonyme York France à Dardilly (Rhône) et dans ceux des sociétés Etem et Semam à Nice, en vue de rechercher la preuve de l'infraction définie à l'article 432-14 du Code pénal relativement à la passation et à l'exécution des contrats relatifs à l'installation d'un système d'enneigement artificiel de la station Isola 2000 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société anonyme York France X... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, que viole l'article 454 du nouveau Code de procédure civile tout jugement qui ne contient pas indication du nom du secrétaire-greffier ;

Mais attendu que l'ordonnance prévue à l'article 5 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 n'a pas à être rendue en audience publique et que ni le défaut d'assistance du juge par un secrétaire ni l'absence de signature d'un greffier n'entachent la décision d'irrégularité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société anonyme York France X... fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 3 janvier 1991 modifiée par celle du 29 janvier 1993 que les membres de la Mission interministérielle d'enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service public sont désignés par un arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, du ministre chargé de l'Economie et des Finances et le cas échéant, du ministre dont l'intéressé relève statutairement, et de l'article 5 de la même loi, que le juge saisi d'une demande d'autorisation de visite et de saisie doit vérifier la qualité du membre de la Mission auquel il délivre cette autorisation ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée, qui énonce que M. Picandet qui a présenté la requête et MM. Z..., Y... et A... sont membres de ladite Mission interministérielle, sans viser les arrêtés ministériels portant leur nomination, se trouve privée de toute base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu que la constatation de l'habilitation des agents visée par le juge ne peut être contestée qu'au moyen d'une inscription de faux effectuée le cas échéant après communication à la personne intéressée des pièces justificatives notamment des arrêtés ministériels qui ont été soumis au juge ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société anonyme York France X... fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, le membre de la Mission interministérielle d'enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service public qui saisit le juge doit être spécialement habilité à agir à cet effet ; que l'ordonnance mentionne seulement que la requête a été présentée par M. Picandet ; qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que ce dernier ait reçu une délégation de pouvoirs ou de signature, aux fins de saisir le président du tribunal de grande instance d'une requête tendant à effectuer une visite dans les locaux de la société York France et à y saisir tous documents relatifs à la passation et à l'exécution du contrat relatif à l'installation d'un système d'enneigement artificiel ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation de l'article 5 de la loi du 3 janvier 1991 ; et alors, d'autre part, que faute d'avoir davantage constaté que M. Picandet aurait reçu une délégation permanente de pouvoirs ou de signature pour demander à effectuer des visites et saisies, dans le cadre des affaires qui lui étaient confiées, l'ordonnance attaquée est, en toute hypothèse, privée de toute base légale au regard de l'article 5 de la loi du 3 janvier 1991 ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er, alinéa 2, et 5 II c de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 et de l'article 38-3 du Code des marchés publics qu'il suffit pour avoir qualité pour présenter la requête en autorisation de visite et saisie domiciliaire d'être membre de la Mission interministérielle et d'avoir été désigné par le chef de cette mission comme enquêteur chargé de la faire ; que l'ordonnance ayant relevé qu'il en était ainsi, a satisfait aux exigences légales ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société anonyme York France X... fait en outre grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 5 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée que seul le membre de la Mission interministérielle d'enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service public qui a sollicité l'autorisation de procéder aux opérations de visite peut obtenir cette autorisation ; qu'en l'espèce, en autorisant MM. Z..., Y..., A... et B... à procéder aux opérations de visite des locaux de la société York France et de saisie de documents s'y trouvant, alors qu'il n'avait été saisi d'une requête à cette fin que par M. Picandet, le juge délégué par le président du tribunal de grande instance de Lyon a violé le texte susvisé ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas de l'article 5 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 que seul le membre de la Mission habilité à solliciter et obtenir l'ordonnance puisse être autorisé à procéder à la visite et saisie domiciliaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que la société anonyme York France X... fait de plus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, que l'article 5 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée oblige le juge, tenu par ce texte de motiver sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui lui paraissent constitutifs des pratiques définies à l'article 432-14 du nouveau Code pénal, à vérifier de manière concrète et personnelle le bien-fondé de la demande d'autorisation ; que, dès lors, en se fondant sur des motifs qui ne sont que la reproduction de la requête présentée par M. Picandet, le juge délégué par le président du tribunal de grande instance de Lyon a violé le texte susvisé, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en application de l'article 5 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 modifié sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SA York France X... fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge saisi sur le fondement de l'article 5 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée d'une demande d'autorisation de visite et de saisie doit vérifier que les éléments d'information et les pièces annexées font présumer l'existence de l'infraction prévue par l'article 432-14 du nouveau Code pénal, en vertu duquel le délit d'octroi d'avantage injustifié qu'il réprime n'est caractérisé que si l'une des personnes limitativement énumérées par ce texte a usé de ses pouvoirs pour procurer ou tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés passés par l'Etat, une collectivité territoriale, un établissement public ou une société d'économie mixte ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée se borne à relever que les offres adressées par les entreprises avaient été volées puis retrouvées intactes et que l'attribution du marché concernant la piste du Belvédère avait l'objet d'une décision seulement éventuelle, confirmée 2 mois après par une décision définitive ; qu'en s'abstenant de rechercher en quoi ces deux faits feraient présumer que l'une des personnes énumérées à l'article 432-14 du nouveau Code pénal aurait procuré un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions garantissant la liberté d'accès et l'égalité des candidats, le juge délégué a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 432-14 du nouveau Code pénal et 5 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée ; et alors, d'autre part, qu'il résulte tant des propres termes de l'ordonnance attaquée que des pièces auxquelles elle se réfère, non seulement que les offres qui avaient été soumises à la commission d'ouverture des plis par les quatre entreprises concurrentes portaient tant sur le programme de base que sur l'enneigement artificiel de la piste du Belvédère, mais encore que l'attribution du marché à la société York France avait porté aussi bien sur le programme de base que sur " éventuellement la piste du Belvédère " ; que, dès lors, en énonçant que la décision ultérieurement prise de confier à cette société la réalisation des travaux d'aménagement de cette piste constituait un fait susceptible d'avoir porté atteinte à la liberté d'accès et d'égalité des candidats devant la commande publique, motif pris de ce que l'évaluation du coût de l'aménagement de ladite piste n'aurait pas été initialement prise en compte dans les analyses techniques et financières des offres, le juge délégué n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient nécessairement au regard des articles 5 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée et 432-14 du nouveau Code pénal, qu'il a ainsi violés ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'ordonnance qui caractérise l'existence de présomptions d'octroi d'avantage injustifié par des actes contraires aux dispositions législatives ou règlementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics en relevant les anomalies qui ont affecté la procédure du choix de l'attributaire de ce marché public satisfait aux exigences de l'article 432-14 du Code pénal dès lors que les présomptions retenues ne peuvent être étendues à des personnes autres que celles ayant participé à ce choix ;

Attendu, en second lieu, que le moyen tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyen de preuve des pratiques constitutives du délit de l'article 432-14 du Code pénal ; que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration s'il existait des pratiques réprimées par cet article justifiant la recherche de leur preuve au moyen d'une visite en tous lieux même privés et d'une saisie de documents s'y rapportant ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-30156
Date de la décision : 08/07/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° MARCHE PUBLIC - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Prononcé - Publicité (non).

1° MARCHE PUBLIC - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Mentions obligatoires - Greffier - Assistance du juge (non) 1° MARCHE PUBLIC - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Mentions obligatoires - Greffier - Signature (non).

1° L'ordonnance prévue à l'article 5 de la loi du 3 janvier 1991 n'a pas à être rendue en audience publique ; ni le défaut d'assistance du juge par un secrétaire ni l'absence de signature d'un greffier n'entachent la décision d'irrégularité.

2° MARCHE PUBLIC - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Contenu - Agents de l'Administration - Habilitation - Contestation - Moyen - Inscription de faux.

2° La constatation de l'habilitation des agents visée par le juge ne peut être contestée qu'au moyen d'une inscription de faux effectuée le cas échéant après communication à la personne intéressée des pièces justificatives notamment des arrêtés ministériels qui ont été soumis au juge.

3° MARCHE PUBLIC - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Requête préalable - Présentation - Qualité - Membre de la Mission et enquêteur désigné - Condition suffisante.

3° Il résulte des dispositions combinées des articles 1er, alinéa 2, et 5 II c, de la loi du 3 janvier 1991 et de l'article 38-3 du Code des marchés publics qu'il suffit pour avoir qualité pour présenter la requête en autorisation de visite et saisie domiciliaire d'être membre de la Mission interministérielle et d'avoir été désigné par le chef de cette mission comme enquêteur chargé de la faire. Satisfait aux exigences légales, l'ordonnance qui relève qu'il en était ainsi.

4° MARCHE PUBLIC - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Contenu - Agents de l'Administration - Agents autorisés - Agents autres que le demandeur - Possibilité.

4° Il ne résulte pas de l'article 5 de la loi du 3 janvier 1991 que seul le membre de la Mission habilité à solliciter et obtenir l'ordonnance puisse être autorisé à procéder à la visite et saisie domiciliaire.

5° MARCHE PUBLIC - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Vérification du bien-fondé de la demande - Avantage injustifié - Présomptions - Constatations suffisantes.

5° Satisfait aux exigences de l'article 432-14 du Code pénal, l'ordonnance qui caractérise l'existence de présomptions d'octroi d'avantage injustifié par des actes contraires aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics en relevant les anomalies qui ont affecté la procédure du choix de l'attributaire dès lors que les présomptions retenues ne peuvent être étendues à des personnes autres que celles ayant participé à ce choix.

6° MARCHE PUBLIC - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Vérification du bien-fondé de la demande - Avantage injustifié - Présomptions - Appréciation souveraine.

6° Le moyen qui tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyen de preuve des pratiques constitutives du délit de l'article 432-14 du Code pénal est inopérant pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration, s'il existait des pratiques réprimées par cet article justifiant la recherche de leur preuve au moyen d'une visite en tous lieux même privés et d'une saisie de documents s'y rapportant.


Références :

Code pénal 432-14
Code des marchés publics 38-3
Loi 91-3 du 03 janvier 1991 art. 5, art. 1, al.2-5 II c

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lyon, 13 juin 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 1997, pourvoi n°95-30156, Bull. civ. 1997 IV N° 230 p. 198
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 230 p. 198

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Mourier.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Geerssen.
Avocat(s) : Avocats : MM. Cossa, Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.30156
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