AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire VERDUN, les observations de Me BROUCHOT et de Me PARMENTIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Franck, contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, chambre correctionnelle, en date du 18 juillet 1996, qui, sur renvoi après cassation, a prononcé sur les intérêts civils, dans la procédure suivie contre lui pour blessures involontaires ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 513 et 593 du Code de procédure pénale et des droits de la défense, manque de base légale ;
"en ce que le conseil du prévenu, ce dernier étant jugé en son absence, a été entendu avant l'avocat de la partie civile et les réquisitions du ministère public, et n'a pas eu la parole en dernier" ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que, saisie sur renvoi après cassation, de l'action civile dans les poursuites exercées contre Franck X..., définitivement condamné notamment pour blessures involontaires, la cour d'appel a entendu Mme Algier, président, en son rapport, les avocats des parties en leurs plaidoiries et l'avocat général en ses réquisitions ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel n'encourt pas le grief allégué; qu'en effet, la partie pénalement condamnée par décision définitive ayant perdu la qualité de prévenu, les dispositions de l'article 513, dernier alinéa, ne reçoivent plus application lors des débats portant sur les intérêts civils ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 376-1 du Code de la sécurité sociale et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a condamné Franck X... à verser à Eric Y..., en deniers ou quittance valable, la somme de 450 594,82 francs à titre de préjudice corporel ;
"aux motifs qu'au vu des pièces produites compte tenu du jeune âge de la victime, le préjudice de Franck Y... peut être fixé comme suit :
préjudice soumis à recours :
- frais médicaux et pharmaceutiques
225 595, 51 francs - incapacité temporaire totale
pendant 9 mois
21 115, 11 francs - incapacité permanente partielle 35%
(avec réorientation professionnelle)
450 000, 00 francs
696 710, 62 francs dont à déduire la créance de la CPAM soit :
696 710, 62 - 225 917, 51 = 470 793, 11 francs dont les 3/4 indemnisables soit : 353 094, 82 francs préjudice non soumis à recours :
- souffrances endurées 5,5/7
80 000, 00 francs - préjudice esthétique 4/7
50 000, 00 francs
130 000, 00 francs dont les 3/4 indemnisables, soit 97 500 francs dont il y aura lieu de déduire les provisions éventuellement perçues ;
"alors que lorsque la responsabilité du tiers est partagée avec la victime, la caisse de sécurité sociale est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence et dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers ;
qu'ainsi la cour d'appel devait nécessairement par l'application du coefficient de 3/4, calculer en premier lieu le montant de l'indemnité mise à la charge de Franck X... pour, ensuite, procéder sur cette somme à l'imputation de la créance de la Caisse primaire d'assurance maladie; que, pour calculer la somme due par Franck X... à Eric Y... au titre du préjudice corporel, la cour d'appel a, au contraire, en premier lieu déduit la créance de la Caisse primaire d'assurance maladie du préjudice soumis à recours avant d'appliquer sur le solde le coefficient de 3/4 correspondant à la part de responsabilité incombant à Franck X...; qu'en statuant ainsi, la Cour a violé les textes susvisés" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en cas de partage de responsabilité entre le tiers, auteur d'un accident, et la victime, les juges doivent d'abord faire application du partage de responsabilité puis imputer la créance sociale sur la part d'indemnité mise à la charge de la personne tenue à réparation ;
Attendu qu'appelée à se prononcer sur le préjudice résultant de l'atteinte à l'intégrité physique d'Eric Y..., victime d'un accident dont Franck X... a été déclaré tenu d'indemniser les conséquences dommageables dans la limite des 3/4, la juridiction du second degré, après avoir évalué les différents postes soumis à recours, déduit de leur total la créance de la Caisse primaire d'assurance maladie, puis accorde à la victime les 3/4 du solde ainsi obtenu ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes et principe ci-dessus rappelés ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel de RENNES, en date du 18 juillet 1996, mais en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à l'intégrité physique d'Eric Y..., et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de RENNES, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Blin conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Verdun conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Challe, Mistral, Blondet conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;