AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller B..., les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI et de Me Le PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- A... Patrick,
- C... Solange, veuve A...,
parties civiles, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de MONTPELLIER, du 7 mai 1996, qui, dans la procédure suivie contre Jean-Paul X... et Patrick D... des chefs d'homicide involontaire et non-assistance à personne en danger, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 5° et 6° du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 812-19 du Code de l'organisation judiciaire, de l'article 198 du Code de procédure pénale, des articles 485, 593 du même Code ;
"en ce que la décision attaquée a déclaré irrecevable le mémoire déposé par Me Y..., au nom des parties civiles ;
"aux motifs que, par ordonnance en date du 5 mars 1996, M. le premier président de la cour d'appel de Montpellier a fixé, conformément aux dispositions du Code de l'organisation judiciaire, les jours et heures d'ouverture au public du greffe de la cour d'appel du lundi au vendredi, sauf jours fériés, de 9 h à 12 heures et de 14 h à 17 heures, que cette ordonnance a été portée à la connaissance des tiers, notamment des avocats et qu'à l'audience, Me Y... a reconnu en avoir eu connaissance es qualités de bâtonnier en exercice, le 12 mars 1996; que Me Y... ne conteste pas avoir fait déposer le mémoire en cause par un collaborateur à 17 h 45, le 20 mars 1996, soit après l'heure de fermeture fixée par l'ordonnance susvisée; que ce mémoire a été reçu matériellement et par courtoisie par M. Lavastre, greffier en chef encore présent dans les locaux, mais n'a été transmis au greffe de la chambre d'accusation que le 21 mars 1996, à 8 h 30, date et heure auxquelles le greffe de la chambre d'accusation a, conformément à l'article 198 du Code de procédure pénale, constaté le dépôt et visé le mémoire; qu'au vu de ce visa, qui est le seul à prendre en considération, le mémoire est tardif pour avoir été, juridiquement, déposé et enregistré le jour même de l'audience ;
"alors, d'une part, que le premier président a compétence pour fixer les heures d'ouverture et de fermeture au public des greffes ;
que les professionnels et, en particulier, les avocats inscrits à un barreau ne doivent pas être considérés comme appartenant au public, au sens de l'article R. 812-19 du Code de l'organisation judiciaire; qu'il incombe au premier président de prendre les dispositions nécessaires pour que le greffe soit accessible, en tout temps, aux professionnels chargés de déposer une pièce de procédure qu'il n'incombe, en tout cas pas, au premier président, sous prétexte de fixer les horaires d'ouverture des greffes au public, de raccourcir les délais dont disposent les parties pour déposer les mémoires qu'en particulier, des dispositions doivent être prises, au besoin grâce à des procédés de compostage automatique ou des procédés informatiques, pour que les mémoires déposés par les parties puissent être déposés chaque jour jusqu'à minuit ;
"alors, d'autre part, que le greffier en chef d'une juridiction est compétent pour accomplir toutes les tâches qui incombent aux greffes; que lorsque le greffier en chef d'une juridiction a reçu un acte de procédure dans le délai légal, et a accepté de le recevoir en dehors des heures d'ouverture du greffe fixées par le premier président; il n'incombe pas à la chambre daccusation de considérer que ce mémoire n'a pas été régulièrement déposé le jour où il a été effectivement reçu et n'a été acccepté par courtoisie et de repousser son enregistrement aux premières heures d'ouverture du greffe; un mémoire ayant été déposé par l'avocat des demandeurs trois quarts d'heure après l'heure de fermeture fixée par le premier président et ayant été reçu par le greffier en chef de la cour d'appel, encore présent dans les locaux, il n'incombait pas à la chambre d'accusation de décider que cet acte n'avait été reçu que par courtoisie et de considérer qu'il n'avait été déposé que le lendemain lors de l'ouverture du greffe de la chambre d'accusation" ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que, le 20 mars 1996 à 17 h 45, l'avocat des parties civiles a fait remettre, par un collaborateur, au greffier en chef de la cour d'appel, un mémoire qui n'a été déposé au greffe de la chambre d'accusation que le lendemain à 8 h 30, jour de l'audience ;
Attendu que, pour déclarer ce mémoire irrecevable, l'arrêt attaqué relève qu'il a été déposé tardivement au regard de l'article 198 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'en cet état la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, les mémoires doivent être déposés au greffe de la chambre d'accusation, au plus tard le dernier jour ouvrable précédent l'audience, avant la fermeture des services du greffe ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 575 du Code de procédure pénale, 485, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la décision attaquée a confirmé l'ordonnance de non lieu du juge d'instruction aux motifs qu'il résulte des témoignages recueillis, mais surtout des expertises médico-légales que René A... a reçu, dès son entrée à l'hôpital de Lunel, des soins adaptés, suffisants et conformes aux données de la science que nécessitait son état; que si, comme le reconnaît dans sa déposition Patrick A..., une certaine incompréhension, due selon les experts, à une différence de conception médicale entre la France et les Etats Unis, a fait que des difficultés relationnelles ont surgi entre le personnel soignant et la famille, ces difficultés restent en dehors de toute qualification pénale ;
"alors que de tels motifs ne permettent pas de s'assurer que la chambre d'accusation a examiné l'affaire à la fois sous la qualification de non-assistance à personne en danger de mort, qui était celle de la plainte déposée par les demandeurs, et d'homicide involontaire résultant du réquisitoire" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte ainsi que les éléments recueillis au cours de l'information, a exposé les motifs de fait et de droit dont elle a déduit qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés ;
Attendu qu'il n'est ainsi justifié d'aucun des griefs énumérés à l'article 575 du Code de procédure pénale comme autorisant la partie civile à se pourvoir contre un arrêt de la chambre d'accusation, en l'absence de recours du minist re public ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Blin conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Mistral conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Challe, Blondet conseillers de la chambre, Mmes Z..., Verdun conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;