Attendu, que par ordonnance du 21 mars 1995, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé des agents de la direction générale des Douanes, en vertu de l'article 64 du Code des douanes, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux du siège de la Société des glacières nazairiennes, ... et dans ses locaux quai du Commerce à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), en vue de rechercher la preuve d'une infraction à l'article 423 du Code des douanes relatif aux importations sans déclaration ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SGN fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors selon le pourvoi, que toute personne a droit, suivant l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le seul pourvoi en cassation dénué d'effet suspensif, ouvert à la société ayant d'ores et déjà subi une visite domiciliaire autorisée par voie de d'ordonnance sur requête, suivant une procédure non contradictoire, constitue une voie de recours insuffisante au regard de l'article 13 de la Convention européenne précitée, puisque la société est ainsi mise dans l'impossibilité de lier un contentieux contradictoire préalable devant un juge du fait habilité, s'il échet, à mettre obstacle à une perquisition irrégulière ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 64 du Code des douanes sont insuffisantes au regard des garanties concrètes et effectives exigées par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 64 du Code des douanes ne contreviennent pas à celles de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la protection des droits de l'homme au sens de cette Convention est assurée par la vérification par le juge, qui autorise la visite domiciliaire et la saisie, ainsi que par le contrôle de la Cour de Cassation, au regard de la régularité de l'ordonnance ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la SGN fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors selon le pourvoi, que, suivant les articles 812 et 813 du nouveau Code de procédure civile auxquels l'article 64 du Code des douanes n'a pas dérogé, toute requête tendant à obtenir du président du tribunal de grande instance une mesure urgente dans des circonstances exigeant qu'elle ne soit pas prise contradictoirement, doit être présentée par un avocat ou par un officier public ou ministériel, dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur ; que pareille qualité n'est pas constatée par l'ordonnance attaquée, en la personne du requérant en violation des dispositions précitées ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile, relatives à la présentation des requêtes par ministère d'avocat ou d'officier public ou ministériel, ne sont pas applicables aux ordonnances de l'article 64 du Code des douanes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la SGN fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors selon le pourvoi, d'une part, que sur le terrain de l'article 64 du Code des douanes, le juge est incompétent pour autoriser une visite domiciliaire dans des lieux situés hors de son ressort territorial ; qu'ainsi, le juge parisien ne pouvait autoriser les Douanes à visiter les locaux de la SGN, situés à Saint-Nazaire, sans violer le texte précité ; alors, d'autre part, qu'à défaut d'avoir délivré une commission rogatoire au président du tribunal de grande instance, dans le ressort duquel devait s'effectuer la visite des locaux de la SGN à Saint-Nazaire, le juge parisien a méconnu les dispositions de l'article 64 du Code des douanes ; et alors, enfin, que l'ordonnance attaquée ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire, désignés pour assister les Douanes tant à Paris qu'à Saint-Nazaire ; que sur ce point encore la violation de l'article 64 du Code des douanes est patente ;
Mais attendu que figure au dossier la commission rogatoire établie par le juge de Paris au profit du président du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire pour contrôler la visite et saisie ordonnée ; qu'il n'est pas interdit par l'article 64 du Code des douanes au président du tribunal de grande instance d'autoriser une visite et saisie dans un lieu situé hors de son ressort ; qu'ayant procédé à la désignation nominative des officiers de police judiciaire qu'il commettait, il a satisfait aux exigences de l'article précité ; que le moyen, qui manque pour partie en fait, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la SGN fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il appartient au juge qui autorise une visite dans les locaux d'un tiers de caractériser une suspicion de fraude directement reprochable à l'entreprise visitée ; que le statut de dépositaire de la SGN qui s'est bornée, d'après l'ordonnance, à restituer des marchandises au déposant, n'est pas caractéristique d'une infraction ou d'une quelconque suspicion de fraude, reprochable à la SGN en sa qualité de dépositaire ; qu'en autorisant dès lors les visites litigieuses le juge du fond a privé sa décision de base légale au regard de l'article 64 du Code des douanes ; et alors, d'autre part, que l'ordonnance est entachée d'une contradiction de motifs, dès lors qu'elle a relevé que la totalité des viandes d'intervention, stockées à la SGN ont bien été exportées mais que l'origine des 305 tonnes restituées à CED Viandes devait faire l'objet d'une vérification ; qu'en effet pareille vérification, parfaitement inutile au regard du précédent motif avancé par l'ordonnance, repose sur une justification contradictoire en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le moyen tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge, comme moyens de preuve du bien-fondé des agissements ; que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché, par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration, s'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi, justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux même privés et d'une saisie de documents s'y rapportant ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.