Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Nîmes, 26 janvier 1995), que par acte notarié du 20 juin 1990 la SCI Agnel-Teissonnière et la société d'exploitation Teissonnière ont convenu, moyennant paiement d'une indemnité par le bailleur, de résilier le bail à construction de 30 ans accordé par la première à la seconde le 7 décembre 1977 ; que, l'administration fiscale, estimant que cette convention constituait une cession des immeubles édifiés par le preneur, a signifié à la SCI Agnel-Teissonnière un redressement de droits de mutation, puis les a mis en recouvrement ; que sa réclamation ayant été rejetée, la SCI Agnel-Teissonnière a assigné le directeur des services fiscaux du Gard pour obtenir décharge de ces droits ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la SCI Agnel-Teissonnière reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 738.1° du Code général des impôts dispose que les résiliations de " baux à durée limitée de biens de toute nature " sont enregistrées au droit fixe de 430 francs, et que ce texte énumère limitativement les exceptions au principe qu'il pose, exceptions qui ne comprennent pas les baux à construction qui sont donc au nombre des " baux à durée limitée de biens de toute nature ", d'où il suit qu'en statuant comme il a fait le Tribunal a violé ladite disposition ; alors, d'autre part, que si l'article 1378 ter du Code général des impôts soumet aux dispositions fiscales applicables aux mutations d'immeubles les mutations de toute nature ayant pour objet, en matière de bail à construction, les droits du preneur comme ceux du bailleur, cet article ne peut viser que les cessions desdits droits à des tiers et n'est pas susceptible de s'appliquer aux hypothèses de résiliation anticipée des baux à construction par lesquelles le bailleur accède à la propriété des constructions, de sorte qu'en statuant comme il a fait le Tribunal a violé ladite disposition par fausse interprétation ; et alors, enfin, que la résiliation du bail à construction, quelle qu'en soit la cause, entraîne acquisition au profit du bailleur de la propriété des biens construits par accession, mode d'acquisition originaire de la propriété, dont le bail à construction ne fait que retarder la réalisation ; qu'en décidant que la résiliation du bail intervenue le 20 juin 1990 avait entraîné un transfert de propriété des immeubles construits, mode d'acquisition dérivé, pour la contraindre à verser des droits de mutation prévus pour la mutation d'immeubles, le Tribunal a violé les articles 554, 555, 711 et 712 du Code civil ensemble l'article 683 du Code général des impôts ;
Mais attendu qu'ayant relevé que dans le bail à construction le preneur bénéficie sur le terrain d'un droit réel immobilier et sur les constructions d'un droit de propriété temporaire et le bailleur, propriétaire du sol, devient, sauf convention contraire, propriétaire des constructions en fin de bail, le jugement en déduit, à bon droit, que par l'effet de la résiliation le preneur perd ce droit de propriété temporaire et permet au bailleur d'accéder à la propriété des immeubles construits avant l'expiration du bail, de sorte qu'entraînant transfert de propriété des immeubles la résiliation constitue une mutation soumise aux droits d'enregistrement des mutations d'immeubles ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la SCI Agnel-Teissonnière reproche encore au jugement d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que s'agissant d'une véritable résiliation de bail à construction ne pouvant par nature s'analyser en une cession des immeubles construits, l'Administration ne pouvait faire produire à la première les effets de la seconde qu'en mettant en oeuvre la procédure de l'abus de droit, et que, à défaut de fonder explicitement le redressement sur l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, elle s'était implicitement, mais nécessairement, placée sous l'empire de cette procédure sans toutefois faire bénéficier le contribuable des garanties qui y sont attachées par la loi, de sorte qu'en statuant comme il a fait, le Tribunal a violé ladite disposition par refus d'application ; et alors, d'autre part, que le bail à construction résilié d'un commun accord entre le bailleur et le preneur avant l'accomplissement d'une durée de 18 ans dégénère en un contrat de bail ordinaire en sorte que le preneur n'est alors titulaire que d'un droit personnel sur les constructions et qu'il est dans l'impossibilité d'en transférer la propriété ; que dès lors, en requalifiant la résiliation du bail en cession d'un droit immobilier, les juges ont violé l'article 251-1, alinéa 3, du Code de la construction, l'article 555 du Code civil, ensemble l'article 683 du Code général des impôts ;
Mais attendu que le bail à construction obligeant le preneur à construire un immeuble dont il devient propriétaire et à le conserver en bon état d'entretien pendant toute sa durée diffère, par la nature des droits qu'il confère au preneur, des autres baux qui ont pour principal objet de lui conférer la jouissance temporaire d'un bien contre le paiement d'un loyer ; que la résiliation d'un bail à construction avant son terme n'a pas pour effet de le transformer en un bail ordinaire mais de créer une situation qu'il convient d'apprécier eu égard aux conditions qu'elle prévoit et à l'ensemble des effets qui s'ensuivent ; qu'en retenant que la résiliation du bail à construction transfère au bailleur la propriété des constructions édifiées par le preneur et que l'indemnité due à celui-ci constitue l'assiette des droits d'enregistrement dus pour cette cession d'immeuble, le jugement se borne à énoncer les conséquences nécessaires de l'acte du 20 juin 1990, tel qu'il a été présenté à l'enregistrement ; que la bonne foi du redevable, qui n'avait procédé à aucune dissimulation ou déguisement d'acte, n'étant pas mise en cause, le Tribunal a pu statuer comme il a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.