AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Christian De X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 29 mars 1994 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des urgences), au profit de M. Y..., pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société RIDB, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 mai 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. De X..., de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré, (Grenoble, 29 mars 1994), qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société RIDB, le Tribunal a condamné M. De X..., gérant de cette société, a payer les dettes sociales pour un montant de 3 000 000 francs ;
Attendu que M. De X... reproche à l'arrêt, d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le gérant faisait valoir qu'il n'avait commis aucune faute "en poursuivant une exploitation", après notification du redressement fiscal en 1989, et qu'il était en discussion avec l'administration fiscale pour obtenir un dégrèvement partiel ou total; qu'en énonçant que M. De X... n'aurait pas contesté que la société RIDB avait cessé toute activité en 1987, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile; et alors, d'autre part, que l'état de cessation des paiements suppose une impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible; qu'en se bornant, pour imputer à faute à M. De X... de n'avoir pas déclaré l'état de cessation des paiements de sa société, à énoncer que celle-ci avait cessé toute activité à compter de 1987, que le redressement judiciaire avait été ouvert à l'initiative du Trésor public le 5 juillet 1991, qu'il s'avérait que la société n'avait aucun actif, tandis que la créance fiscale était certaine en son principe, même si elle faisait l'objet de réclamations, sans constater que la créance fiscale était exigible et qu'il n'y avait aucun actif dès avant le 5 juillet 1991, et partant, sans caractériser l'état de cessation des paiements que M. De X... n'aurait pas déclaré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 180 de la loi du 25 janvier 1985
;
Mais attendu, d'une part, que, pour prétendre qu'il n'avait pas poursuivi abusivement une exploitation déficitaire, M. De X... a exposé que s'il avait "déposé immédiatement le bilan dès la notification du redressement" fiscal le 27 septembre 1989, sans continuer la discussion avec l'administration fiscale, il aurait perdu toute possibilité de dégrèvement tandis "qu'en poursuivant une exploitation, alors qu'il était en discussion avec l'administration fiscale, il pouvait légitimement penser à l'abandon de la part de celle-ci de la notification de redressement" ou à "un dégrèvement total"; qu'ainsi les juges du fond, en retenant que M. De X... ne contestait pas que la société RIDB avait cessé toute activité à compter de 1987 ont retenu, par une interprétation souveraine des écritures de M. De X... rendue nécessaire en raison de leur ambiguïté, que l'opportunité de poursuivre l'exploitation en 1989, dont faisait état le dirigeant, était distincte de la cessation d'activité de l'entreprise à compter de 1987, dont il n'a pas contesté la réalité ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé qu'à l'ouverture du redressement judiciaire, à la demande du Trésor public, la société ne disposait d'aucun actif et n'avait plus d'activité, l'arrêt constate que sur les documents de déclaration des créances fiscales figurent des intérêts de retard pour les années 1988, 1989 et 1990, une imposition de 131 324 francs pour places de stationnement non réalisées le 14 décembre 1989, et des taxes professionnelles et foncières de 1988, 1989, 1990 et 1991 pour un total de 29 911 francs, et relève que ces dettes fiscales résultent de l'inertie de M. De X...; que de ces constatations et appréciations il retient que la faute du dirigeant avait contribué à aggraver le passif, faisant ainsi ressortir qu'en l'absence non contestée d'actif et d'activité, et donc faute d'actif disponible, la société s'était trouvée, dès avant l'ouverture de la procédure collective le 5 juillet 1991, dans l'impossibilité de faire face à ce passif exigible en 1988, 1989 et 1990; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. De X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande présentée par M. Y..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.